Face à la nouvelle menace de la propagation du coronavirus, l’employeur et les salariés doivent mettre en place des moyens afin d’éviter une contamination en chaîne. Dans des pays comme la Chine, le télé-travail est devenu une réalité. « Au Sénégal, bien qu’il existe deux cas confirmés, la législation sur le travail ne parle pas d’épidémie mais elle évoque plutôt le lexique « santé et sécurité » », explique Henri Joël Tagum Fombeno, expert du droit du travail sénégalais.
Arsenal juridique
Et en matière de travail, la législation sénégalaise est un arsenal composé du code du travail, de la convention collective nationale interprofessionnelle (CCNI) et de l’application des décrets. La nouvelle Convention collective nationale interprofessionnelle date du 30 décembre 2019. Elle est entrée en vigueur le 08 janvier 2020.
Le code du travail et la CCNI stipulent que l’employeur est responsable de la sécurité et de la protection de la santé physique et mentale du salarié, explique »Le Soleil ». A ce titre, il doit prendre des mesures de prévention pour assurer la sécurité physique et mentale.
Ainsi, l’article 176 du code du travail prévoit: « l’état de santé des travailleurs doit être soumis à une surveillance régulière dans les conditions et suivant les modalités fixées par l’autorité administrative. Cette surveillance comporte un examen médical préalable à l’embauche et des examens périodiques ».
L’article 178 précise: « les employeurs doivent prévoir, en cas de besoin, toutes mesures permettant de faire face aux situations d’urgence et aux accidents y compris des moyens suffisants pour l’administration des premiers secours ».
Droit de retrait de l’employé
Le code du travail insiste sur la sécurité des travailleurs et la prise imminente de mesures de protection par l’employeur. « Le salarié, à travers la CCNI, a deux dispositions légales pour ne pas être confronté à un péril comme le coronavirus, analyse un inspecteur du travail sous couvert de l’anonymat. Il y a d’abord l’article 103 consacré au droit d’alerte : « le travailleur signale immédiatement à son supérieur hiérarchique direct et à l’inspecteur de Travail et de la sécurité sociale du ressort, toute situation dont il a motif de penser qu’elle présente un péril grave, imminent pour sa vie ou sa santé ». La disposition légale va plus loin avec le droit de retrait conformément à l’article 104 de la CCNI : un travailleur qui, en cas de danger grave et immédiat ne pouvant être évité, s’éloigne de son poste de travail ou d’une zone dangereuse ne peu en subir aucun préjudice et doit être protéger contre toute conséquence dommageable et injustifiée ».
Ainsi le salarié doit simplement suivre la procédure prévue par les différentes législations sociales en cas d’exercice du droit de retrait. Résultat, un salarié peut refuser de travailler dans une zone à risque en invoquant son droit de retrait. Il en est ainsi, par exemple, si plusieurs cas d’infections sont déclarés dans la zone. Toutefois, le simple risque d’épidémie ne saurait justifier le droit de retrait.
L’obligation des comités d’hygiène et de sécurité au travail
Par ailleurs le décret 2006-1261 du 15 novembre 2006 fixant les mesures générales d’hygiène et de sécurité dans les établissements de nature, a clairement mis en avant les responsabilités de l’employeur face à la prise en charge de la question de la salubrité dans les entreprise en mettant un accent sur la dimension genre.
Rappelons également que toute entreprise d’au moins 50 salariés est tenue d’avoir en son sein un Comité d’hygiène et de sécurité au travail conformément au décret 94-244 du 7 mars 1994. Le salarié peut saisir le comité d’hygiène et de sécurité au travail dans la procédure pour faire valoir son droit de retrait.
La mise en quarantaine d’un salarié suspecté
L’employeur ne peut pas demander d’office à un salarié de ne pas venir travailler en raison d’une simple suspicion de contamination. Lorsqu’il a des suspicions, il doit recourir aux services du Médecin du travail afin que celui-ci prescrive l’arrêt de travail. À défaut, l’employeur court le risque d’être poursuivi pour discrimination en raison de l’état de santé.
(2/2) : « un salarié peut refuser de travailler dans une zone à risque »
Quelle est l’obligation du salarié en cas d’épidémie?
Le salarié a une obligation de sécurité. Les employés sont d’abord responsables de leur propre santé et sécurité mais aussi de celles de leurs collègues. Par exemple, si un salarié revient d’une zone ou il a été en contact avec un contaminé à risque, il a l’obligation d’informer son employeur. S’il ne le fait pas, il commet une faute professionnelle et peut être sanction pour manquement à son obligation de sécurité. C’est une sanction lourde qui peut aller jusqu’au licenciement.
Quels sont les contours du droit de retrait du salarié ?
Le salarié peut se retirer de son lieu de travail en cas de danger grave et imminent pour sa vie et sa santé. Un salarié peut éviter de travailler dans une zone à risque (plusieurs personnes infectées, par exemple). Il peut refuser de se rendre au travail sans pour autant être sanctionné.
Quelle est alors la procédure pour le droit de retrait ?
Conformément à l’article L. 183 du Code du travail, pour exercer son droit de retrait, le travailleur signale immédiatement à son supérieur hiérarchique direct et à l’Inspecteur de Travail et de la Sécurité sociale du ressort, toute situation dont il a motif de penser qu’elle présente un péril grave, imminent pour sa vie ou sa santé. L’employeur est tenu de prendre sur le champ toute mesure utile pour faire cesser le péril en question.
Tant que persiste le péril grave, il est interdit à l’employeur de maintenir à son poste le travailleur intéressé. Le salarié n’a pas besoin de préavis pour arrêter de travailler. Il suffit d’avertir sa hiérarchie et l’inspection du travail.
Le droit de retrait ne peut faire l’objet de sanction disciplinaire ou de retenue sur salaire. Toutefois, le salarié doit éviter d’en abuser. À défaut, il encourt des sanctions et le risque de se voir appliquer des retenues sur salaire.
Que faut-il faire en cas de contamination par un collègue ?
Pour tout ce qui arrive au salarié sur son lieu de travail, il y a ce qu’on appelle la présomption d’imputabilité : l’employeur est responsable. La situation peut être plus grave. Car si l’employeur était au courant du danger encouru, il commet une faute inexcusable (en dehors de la réparation par la caisse de sécurité sociale (forfaitaire), le salarié peut saisir les tribunaux pour obtenir une réparation complémentaire à travers la condamnation de l’employeur. Il y a plusieurs préjudices à évaluer.