(Agence Ecofin) Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas pour la distribution africaine. Si bon nombre d’entreprises ont toujours affiché leur volonté d’expansion au-delà de leur pays d’origine, l’heure n’est plus à la conquête tous azimuts. Après plusieurs aventures infructueuses, certains distributeurs opèrent un grand retour aux fondamentaux. Explication.
Vague de retraits et de fermetures de magasins
L’année 2020 aura rappelé la complexité du marché africain de la distribution qui reste encore à conquérir. Malgré les discours optimistes sur l’élargissement de la classe moyenne, un peu partout sur le continent, qui devrait représenter un réservoir de consommateurs pour la distribution formelle, rien n’est acquis. Même pour les ténors du secteur, les profits sont durement gagnés. S’il est vrai que le potentiel de pénétration est encore important dans la mesure où les achats dans les supermarchés ne dépassent pas 10 % en Afrique subsaharienne hors Afrique du Sud, l’aventure reste encore risquée. Plusieurs compagnies africaines qui ont parié, il y a quelques années, sur leur expansion hors de leurs terres d’origine ont dû rebrousser chemin en raison des attentes déçues, en ce qui concerne la rentabilité.
Choppies s’est retiré de l’Afrique du Sud, du Kenya, du Mozambique et de la Tanzanie.
C’est notamment le cas de l’épicier botswanais Choppies. La compagnie qui a déployé en 2017, un plan ambitieux de déploiement en Afrique subsaharienne a annoncé en août, une vague de retraits de plusieurs marchés comme l’Afrique du Sud, le Kenya, le Mozambique et la Tanzanie, en raison du manque de profits des succursales. Il faut aussi citer le détaillant sud-africain The Foschini Group (TFG) qui, après plusieurs hésitations, choisit en juin de quitter le Kenya après son retrait du Ghana, un an plus tôt.
Shoprite va mettre fin à son expérience kenyanne.
Plus récemment en septembre dernier, c’était au tour de son compatriote Shoprite, premier détaillant alimentaire africain, de dire qu’il fermerait d’ici 2021, ses deux dernières enseignes au Kenya sur fond de faibles retours sur investissements dans ses enseignes après une entrée en 2018.
Plusieurs compagnies africaines qui ont parié, il y a quelques années, sur leur expansion hors de leurs terres d’origine ont dû rebrousser chemin en raison des attentes déçues, en ce qui concerne la rentabilité.
Au-delà du Kenya, le Nigeria est sans doute celui qui offre un réel aperçu de la complexité du marché africain pour les distributeurs étrangers. Avec sa large population et la consommation alimentaire en hausse, le vaste potentiel du Nigeria a attiré de nombreuses enseignes sur ces dernières années. Alors que certains y voyaient une opportunité de relais de croissance de leurs ventes, d’autres percevaient le marché comme une prochaine étape dans leur développement. Mais la réalité est que l’environnement des affaires reste compliqué pour le secteur de la distribution. Situation macroéconomique fluctuant au gré des caprices des cours du pétrole, difficultés de transport des marchandises liées au déficit infrastructurel et les voies congestionnées, dévaluations fréquentes du naira fragilisant le pouvoir d’achat de la classe moyenne qui constitue les potentiels clients pour les distributeurs… les défis à relever sont nombreux. Face à cette situation, les opérateurs étrangers ont été contraints de repenser leurs stratégies, soit en essayant tant bien que mal de gagner des parts de marché ou, dans les cas extrêmes, de quitter le jeu en limitant les pertes.
La première entreprise à annoncer son retrait du marché a été le distributeur sud-africain, Mr Price, qui a mis en avant des difficultés à rapatrier ses gains et la fragilisation du pouvoir d’achat des consommateurs. Il a été suivi en août dernier par Shoprite.
En 2020, plusieurs entreprises ont opté pour la seconde option, surtout dans un contexte de coronavirus qui a encore perturbé l’économie nigériane. La première entreprise à annoncer son retrait du marché a été le distributeur sud-africain, Mr Price, qui a mis en avant des difficultés à rapatrier ses gains et la fragilisation du pouvoir d’achat des consommateurs.
Mr Price renonce au marché nigérian.
Il a été suivi en août dernier par Shoprite. Il faut dire, dans ce dernier cas, que la désillusion a été à la hauteur des ambitions placées dans le Nigeria. Shoprite qui anticipait en 2013, que le pays pourrait compter le même nombre de succursales que l’Afrique du Sud (s’élevant à 800 à l’époque), a dû faire face aux dures réalités du marché local. Entre le retard dans le dédouanement des marchandises, la pression fiscale et le contexte réglementaire complexe lié aux importations, la compagnie n’a jamais pu atteindre son plein potentiel. Actuellement le géant sud-africain ne compte que 25 magasins contre 1957 pour l’Afrique du Sud. C’est dire…
Retour au bercail
Face aux déconvenues hors de leur marché d’origine, de nombreuses entreprises ont préféré un retour aux sources. De son côté, Choppies a préféré jouer la prudence. L’enseigne a choisi de se focaliser principalement sur son marché botswanais et dans une moindre mesure sur des pays prometteurs comme la Zambie et la Namibie.
Cette voie a été aussi privilégiée par Shoprite qui a indiqué qu’elle se concentrerait pleinement sur l’Afrique du Sud, sa terre d’origine. Même si ce marché n’est pas non plus exempt de remous liés à la situation macroéconomique fragile, il offre cependant une bonne assise en raison de la percée de la distribution, contrairement à d’autres marchés africains. Dans la nation arc-en-ciel, par exemple, les ventes au détail dans les magasins formels représentent 60 % des ventes totales au détail.
Les achats dans les supermarchés ne dépassent pas 10 % en Afrique subsaharienne hors Afrique du Sud.
Si la relative maturité du marché et la faiblesse de la croissance des ventes avaient fourni des arguments à Shoprite pour s’étendre hors de l’Afrique du Sud, la compagnie est désormais convaincue par ses bons résultats enregistrés en 2020. Dans la nation arc-en-ciel, ses ventes ont progressé de 8,7 % à 122,4 milliards de rands, soit 78 % de son chiffre d’affaires total de 156,9 milliards de rands réalisé en 2020. La compagnie a d’ailleurs enregistré une hausse de ses parts de marché à 31,6 %. Autant de facteurs qui font que les dirigeants de l’entreprise semblent plus que jamais optimistes concernant ce marché.
« Il y a encore beaucoup de choses à développer et innover pour obtenir de la valeur en Afrique du Sud et je cherche toujours des opportunités. L’ambition de Shoprite est de continuer sur sa trajectoire de croissance dans ses activités de base en Afrique du Sud. Il y a encore beaucoup de valeurs à tirer du marché en fournissant des services clients supplémentaires ainsi que des flux de revenus à générer », indique Pieter Engelbrecht, CEO de Shoprite.
Le temps de la conquête héroïque semble bien terminé pour les entreprises africaines de grande distribution. Sans doute commence celui de la sauvegarde des acquis…
Espoir Olodo