Selon SWISSAID, l’exploitation minière artisanale et à petite échelle pratiquée illégalement au Mali a généré une production de plus de 300 tonnes entre 2012 et 2022. Outre le manque à gagner financier que cela représente, le phénomène alimente l’insécurité et la dégradation de l’environnement.
Le gouvernement du Mali veut mener une « lutte implacable contre les exploitations illégales » de ressources minérales, dans un pays qui produit principalement de l’or. C’est l’annonce faite à l’issue du Conseil des ministres du mercredi 22 janvier 2025, au cours de laquelle le ministre des Mines a fait le point des mesures déjà prises par les autorités.
Si le communiqué du Conseil évoque la mise en place d’actions à court, moyen et long termes, le gouvernement n’a pas fourni davantage d’autres détails. Jusqu’ici, les autorités ont démantelé 61 sites d’exploitation illégale et saisi de nombreux équipements, dont 286 pelleteuses et 63 véhicules. Selon la communication du ministre des Mines Amadou Keita, des engins lourds sont en effet de plus en plus utilisés dans l’exploitation minière illégale, ce qui s’accompagne de dégâts toujours plus importants, notamment pour l’économie et l’environnement.
« Les exploitants illégaux causent d’énormes dégâts à l’environnement, notamment la destruction de la faune, de la flore, la contamination des cours d’eau et contribuent également à l’alimentation des réseaux de trafics de drogue, d’armes, de personnes, de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et de l’extrémisme violent », indique notamment le gouvernement.
Un problème commun aux producteurs africains d’or
Les conséquences de l’exploitation minière illégale décrites par Bamako ne sont pas nouvelles. Alors que le Mali estime annuellement la production de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) à 6 tonnes d’or, SWISSAID souligne que les estimations plus réalistes situent cette même production entre 30 et 57 tonnes chaque année. À titre de comparaison, la production industrielle d’or déclarée par le Mali a atteint 66 tonnes en 2022 et 2023.
Selon les calculs de l’organisation helvétique, le Mali aurait produit plus de 300 tonnes d’or d’EMAPE non déclaré entre 2012 et 2022. Cela représenterait une valeur globale de 13,5 milliards de dollars d’or qui échappe aux circuits officiels, privant ainsi l’État de revenus fiscaux notamment. Le phénomène, qui alimente aussi l’insécurité, concerne d’autres pays du Sahel, comme le Burkina Faso, la Mauritanie et le Niger.
Dans un rapport publié en 2023, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime fait ainsi le lien entre l’exploitation minière illégale et les groupes extrémistes violents. Ces groupes tirent profit de ce commerce illicite de diverses manières. Ils peuvent imposer des taxes sur les sites miniers ou contrôler les routes de transport, exigeant des paiements des mineurs ou des négociants.
Sur la côte, la Côte d’Ivoire et le Ghana sont confrontés aux mêmes conséquences, aggravées dans ces deux pays par l’impact de l’exploitation minière illégale sur la filière cacao, un de leurs principaux produits d’exportation. Selon le Conseil ghanéen du cacao, l’exploitation minière illégale dans le pays a conduit en 2021 à la destruction de plus de 19 000 hectares de plantations de cacao, soit l’équivalent de 2% du verger national.
Les pistes de solution disponibles
Selon différentes communications officielles, la stratégie de lutte mise en œuvre jusqu’ici par le Mali contre l’exploitation minière illégale s’articule principalement autour de la répression et de la sensibilisation. Outre la saisie d’équipements, les autorités ont notamment arrêté plusieurs responsables des mines illégales. L’expérience d’autres pays en la matière montre néanmoins que la répression à elle seule ne suffit pas à endiguer le phénomène.
Au Ghana par exemple, le gouvernement a accompagné ces mesures avec une politique de formalisation des mineurs illégaux, incluant notamment la mise à disposition d’équipements modernes. Un programme d’insertion à l’emploi a également été lancé pour les mineurs souhaitant s’orienter. Alors que ces mesures n’ont pas encore suffi à éradiquer l’exploitation minière illégale, d’autres observateurs du secteur plaident pour une coopération accrue entre États concernés.
Selon un rapport de la CEDEAO publié en février 2024, la nature multiforme de l’EMAPE illégale rend inefficaces les initiatives menées séparément par les pays. Les auteurs recommandent donc aux États ouest-africains la promotion d’une coordination institutionnelle au niveau national, entre acteurs miniers, négociants, bailleurs de fonds et autorités chargées de l’application des lois. Au niveau régional, l’accent devrait être mis par exemple sur des mécanismes de partage d’informations rassemblant les différents acteurs.