L’insuffisance rénale est une maladie d’évolution progressive et longtemps silencieuse. Elle apparaît lorsque la capacité de filtration du sang par les reins devient insuffisante : les déchets et les liquides s’accumulent alors dans l’organisme.
Des mots pour les maux
L’insuffisance rénale est un mot qui désigne à la fois une diminution de la fonction rénale et la maladie rénale (« néphropathie »), quand la fonction rénale est sévèrement altérée.
L’insuffisance rénale est dite « aiguë » si le dysfonctionnement des reins est transitoire et réversible, et elle est dite « chronique » quand la maladie rénale en cause est irréversible, sans possibilité de guérison.
Qu’est-ce que l’insuffisance rénale ?
L’insuffisance rénale correspond à l’altération du fonctionnement des reins qui ne filtrent plus correctement le sang. L’insuffisance rénale, en tant que maladie, apparaît lorsque les reins ne parviennent plus à remplir correctement leur rôle d’épurateur du sang : les déchets et les liquides s’accumulent alors dans l’organisme.
Les reins sont des organes à épurer le sang, en forme de haricot, de 12 cm de long environ. Ils sont situés en arrière de la cavité du ventre, de part et d’autre de la colonne vertébrale. Les reins sont des « filtres » très sophistiqués chargés d’éliminer les déchets et les excès de liquides de l’organisme et de garder sélectivement les substances utiles à son bon fonctionnement. Le processus est normalement très efficace : tout le sang du corps humain est filtré par les reins en 30 minutes et les reins filtreraient au total 170 litres de sang par jour.
En dehors de cette épuration du sang, les reins servent aussi à maintenir la pression artérielle grâce à la sécrétion d’une protéine appelée la « rénine », à équilibrer le milieu intérieur pour le bon fonctionnement des organes et des muscles, à rendre la vitamine D plus active (un alpha-hydroxylation) et à produire une substance appelée « érythropoïétine », qui est indispensable à la fabrication des globules rouges par la moelle osseuse.
L’insuffisance rénale est dite « aiguë » si le dysfonctionnement des reins est transitoire et réversible, et « chronique » si leur dysfonctionnement ou leur destruction est irréversible, sans possibilité de guérison. Si la dysfonction est importante mais pas complète, la maladie peut être stabilisée. Si l’insuffisance rénale est majeure, la fonction rénale peut être supplantée par une dialyse ou une transplantation rénale. La dialyse permet de filtrer le sang dans un circuit dérivé, avec un filtre, à extérieur à l’organisme.
La maladie rénale est généralement irréversible, sans possibilité de guérison. Son évolution naturelle est plus ou moins lente, pouvant aller jusqu’à la perte totale de la fonction rénale.
On parle alors « d’insuffisance rénale terminale », nécessitant un traitement de suppléance par dialyse et/ou greffe de rein. Il existe cinq stades de la maladie jusqu’au stade terminal auquel la capacité de filtration est inférieure à 15 % de la normale pour l’ensemble des reins. Le risque d’évolution vers le stade terminal est faible si l’insuffisance rénale est dépistée à temps. Ainsi, l’insuffisance rénale chronique terminale est plutôt rare : elle touche une personne sur 1000.
La maladie est rare avant 45 ans mais sa fréquence augmente avec l’âge, notamment après 65 ans. Elle devrait encore augmenter dans les années qui viennent en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation du diabète, deux causes majeures d’insuffisance rénale. Une autre raison de l’augmentation de sa fréquence est liée à l’amélioration de la survie des malades transplantés et dialysés.
Quels sont les signes de l’insuffisance rénale ?
Les signes peuvent différer selon que l’installation de l’insuffisance est rapide (« insuffisance rénale aiguë ») ou progressive (« insuffisance rénale chronique ») et selon que l’insuffisance rénale est modérée ou sévère.
• En cas d’insuffisance rénale aiguë, la maladie peut se révéler par des douleurs lombaires, des anomalies de coloration des urines qui peuvent être rouges ou brunes, un gonflement des paupières le matin ou des jambes le soir (« œdème »), où il est bilatéral, blanc, mou et prenant la marque des chaussettes ou du doigt (« prenant le godet »).
La crainte est le blocage complet des reins et l’arrêt de la sécrétion des urines (« anurie ») qui est associé à l’absence d’envie d’uriner. Chez certains malades, la quantité d’urine est diminuée mais partiellement conservée (« insuffisance rénale aiguë à diurèse conservée »), mais leur composition est cependant anormale car les unités fonctionnelles des reins, laissent passer l’eau mais sont incapables de correctement filtrer le sang. En attendant la reprise des urines (reprise de la « diurèse »), il est parfois nécessaire de dialyser temporairement les malades.
L’accumulation des déchets peut donner d’autres signes digestifs (nausées, vomissements…), neurologiques (maux de tête, confusion, agitation, voire coma), cardiovasculaires (hypertension, troubles du rythme cardiaque, insuffisance cardiaque, œdème aigu du poumon) ou sanguins (anémie, hémorragies, purpura…).
• L’insuffisance rénale chronique est une maladie dont le début est insidieux, d’évolution progressive et qui est longtemps silencieuse.
L’insuffisance rénale chronique est donc le plus souvent découverte fortuitement à l’occasion d’une prise de sang (élévation de la créatinine ou « créatininémie » et baisse de la clairance de la créatinine), d’une analyse d’urine qui peut montrer la présence de protéines (« protéinurie ») ou de sang (« hématurie ») dans les urines, généralement dans le cadre du bilan d’une hypertension artérielle.
A un stade plus avancé (« insuffisance rénale sévère » ou « terminale »), l’insuffisance rénale chronique peut se révéler le plus souvent par une hypertension artérielle ou une baisse du nombre de globules rouges qui sont de taille normale (« anémie normocytaire »), ce qui peut entraîner une fatigue et un essoufflement à l’effort.
Puis peuvent survenir des complications neurologiques sous forme de troubles de la sensibilité, de troubles osseux qui se traduisent par une déminéralisation des os et un retard de croissance chez l’enfant, et de troubles cardiovasculaires : insuffisance cardiaque secondaire à une rétention de sodium et troubles du rythme secondaires à une rétention de potassium dans le sang avec hyperkaliémie. Des démangeaisons et une peau sèche sont également des signes cliniques fréquents à ce stade.
Quelles sont les causes de l’insuffisance rénale aiguë ?
L’insuffisance rénale aiguë survient le plus souvent après une agression des reins par une intoxication médicamenteuse, par exemple, en cas d’association d’anti-inflammatoires non stéroïdiens à un traitement antihypertenseur contenant des diurétiques et une déshydratation, ou en cas de surdosage en antibiotiques de type aminoside, ou lors d’un examen radiologique à cause des produits de contraste dans certaines circonstances comme le myélome.
Une autre cause est une baisse brutale et transitoire de la pression artérielle, par exemple lors d’une hémorragie ou d’une infection générale (« septicémie »), ou encore en cas d’obstruction des voies urinaires par un obstacle (calcul ou adénome de la prostate).
Les reins mettent quelques jours à retrouver spontanément un fonctionnement normal après traitement.
Quelles sont les causes de l’insuffisance rénale chronique ?
• Dans l’insuffisance rénale chronique, l’âge est un facteur de risque majeur, ainsi que les autres facteurs de risque cardiovasculaire (tabagisme, obésité) et l’insuffisance cardiaque.<br<• L’insuffisance rénale chronique est surtout actuellement provoquée par des maladies, le diabète et l’hypertension, qui entraînent une obstruction des petits vaisseaux sanguins qui « nourrissent » les unités fonctionnelles du rein (« microangiopathie »), obstructions qui aboutissent progressivement à un déficit de nutrition des structures du rein (« ischémie ») et à la destruction de façon irréversible des différentes unités fonctionnelles rénales.
Le diabète peut aussi endommager les nerfs dans différentes parties de l’organisme et, lorsque la vessie est atteinte, il peut s’avérer difficile d’uriner. La pression qui résulte de l’accumulation de l’urine dans la vessie peut provoquer des lésions dans les reins. Le diabète favorise également les infections urinaires.
Les signes d’atteinte des reins doivent donc être activement recherchés en cas de diabète. Un des marqueurs les plus intéressants et les plus précoces de l’atteinte rénale est la « microalbuminurie ». Il s’agit de la présence de très faibles quantités de protéines dans l’urine (30 à 299 mg d’albumine par 24 heures).On disait traditionnellement que dix ans après le début d’un diabète, un tiers des patients va développer une insuffisance rénale (« néphropathie rénale »), dont 6 % à un stadeavancé, mais l’amélioration constante de la prise en charge du diabète et le dépistage précoce réduit ces chiffres.<br<• Certains médicaments sont aussi à l’origine d’une insuffisance rénale (antibiotiques types aminosides, anti-inflammatoires en particulier…), mais aussi des plantes utilisées en phytothérapie (se méfier en particulier des plantes chinoises).
• Une maladie inflammatoire du rein peut altérer l’unité de filtration du rein, le « glomérule », et aboutir à une « glomérulonéphrite » ou « néphrite ». À cause de cette affection, les protéines et les globules rouges qui circulent normalement dans le sang passent dans l’urine pouvant aller jusqu’à une protéinurie massive avec « syndrome néphrotique ». Si la glomérulonéphrite ne répond pas au traitement, les glomérules peuvent être détruits lentement. Les reins ne seront alors plus en mesure de purifier le sang, d’où l’apparition d’une insuffisance rénale. Ces maladies qui étaient les causes principales d’insuffisance rénale au 20ème siècle, ne concernent désormais plus qu’environ 10 % des patients.
Il existe de nombreux types de glomérulonéphrites que l’on peut regrouper en deux catégories : les « glomérulonéphrites primitives » et les « glomérulonéphrites secondaires ». On parle de glomérulonéphrites primitives lorsque seuls les reins sont affectés et que l’on n’en connaît pas la cause (majorité des cas), et de glomérulonéphrites secondaires si les reins sont endommagés dans le contexte d’une maladie plus générale qui peut aussi affecter d’autres parties de l’organisme. Certaines maladies auto-immunes évolutives, en particulier le lupus érythémateux disséminé, mais aussi la polyarthrite rhumatoïde et les autres connectivites ou vascularites, peuvent donner une insuffisance rénale.
Le diagnostic précis est confirmé par une biopsie rénale. Il s’agit de prélever dans le rein un minuscule fragment de tissu à l’aide d’une aiguille spéciale. Le nombre de causes connues a augmenté ces dernières années. Il a été établi depuis un certain temps déjà que certaines infections, des médicaments et, plus rarement, le cancer peuvent provoquer la glomérulonéphrites. Plus récemment, on a découvert qu’un grand nombre d’anomalies dans les gènes de l’organisme peuvent aussi favoriser l’apparition d’une glomérulonéphrite.
• Un obstacle chronique sur les voies urinaires (uretère et urètre) peut également aboutir à une insuffisance rénale chronique, en particulier après des épisodes d’insuffisance rénale aiguë liés à ces obstacles. Il peut s’agir de calculs rénaux à répétition, d’une malformation des voies urinaires, d’un adénome de la prostate, d’un cancer de la vessie ou de la prostate ou d’un cancer compressif du petit bassin, mais aussi d’une « fibrose rétropéritonéale », qui peut elle-même être secondaire à une tuberculose, un abcès, un médicament ou une cicatrisation post-chirurgicale.
• Des infections urinaires hautes à répétition, les « pyélonéphrites », liées à la remontée des bactéries dans les reins, peuvent donner une insuffisance rénale par « néphropathie interstitielle », surtout chez la femme.
• Une maladie génétique héréditaire appelée « polykystose rénale », caractérisée par de nombreux kystes au niveau des reins, peut aboutir à une insuffisance rénale. La polykystose rénale est une maladie héréditaire, c’est-à dire qu’elle est transmise aux enfants par leurs parents, essentiellement sur un mode dominant : si les parents sont atteints, les enfants ont un risque sur deux d’avoir la maladie et doivent se faire dépister.
A la phase d’état, les reins polykystiques sont plus gros que la normale. Ils contiennent des kystes remplis de liquide, ce qui leur donne un aspect « boursouflé ».
La principale méthode utilisée pour diagnostiquer la maladie est l’échographie qui peut indiquer le nombre et la taille des kystes dans les reins et le foie. Il est aussi possible d’avoir recours à un scanner, un appareil qui, à l’aide de rayons X, détecte des kystes de très petite taille. Une autre technique de diagnostic consiste en des tests génétiques qui recherchent la mutation des gènes PKD1 et PKD2 et qui peuvent être utilisés pour diagnostiquer la maladie polykystique autosomique dominante avant la formation des kystes.
• L’exposition professionnelle ou accidentelle à des toxiques peut provoquer cette maladie (arsenic, plomb, mercure, cadmium, uranium, bismuth…).
• Dans 15 % des cas, la maladie est de cause inconnue.
Qu’est-ce qui provoque un calcul rénal ?
Un calcul rénal est le résultat de la cristallisation de certaines substances chimiques dans l’urine. En adhérant les uns aux autres, ces cristaux peuvent former une pierre (« calcul ») d’une grosseur variable. La plupart des calculs se forment dans les reins.
Les très petits calculs peuvent migrer dans l’appareil urinaire sans problème, mais les calculs plus gros, en migrant dans le rein de l’uretère à la vessie, peuvent bloquer l’écoulement des urines et causer des douleurs intenses liées à la dilatation d’amont : on parle alors de « colique néphrétique ».
La majorité des calculs (70 à 80 %) sont composés d’oxalate de calcium. Les calculs d’acide urique et les calculs de cystine sont moins fréquents.
Normalement, l’urine contient des substances chimiques qui empêchent la formation de cristaux. Mais, certaines personnes semblent plus sujettes à avoir des calculs rénaux que d’autres et des facteurs peuvent contribuer à la formation de ces calculs comme une consommation trop élevée d’oxalate de calcium ou d’acide urique dans l’alimentation, une trop faible absorption de liquides, certaines maladies métaboliques, des infections urinaires à répétition, une consommation trop élevée de vitamine C ou D, certains médicaments… Mais parfois, aucune cause ne peut être retrouvée.
Quelles sont les complications de l’insuffisance rénale chronique ?
La complication principale de l’insuffisance rénale est le risque cardiovasculaire, lié en particulier à l’hypertension artérielle. Des reins malades peuvent longtemps donner l’illusion d’un fonctionnement normal alors qu’ils altèrent le fonctionnement général de l’organisme. Cette altération générale est causée par l’accumulation de toxiques, de déchets métaboliques ou encore de sels minéraux en raison d’une mauvaise filtration. L’accumulation de sel dans l’organisme et la sécrétion exagérée d’hormones hypertensives par le rein sont directement responsables d’une augmentation de la pression artérielle. Or, l’hypertension elle-même est un facteur d’aggravation des lésions du rein et d’évolution de l’insuffisance rénale (« cercle vicieux »). Au moment de l’instauration d’un traitement de suppléance (dialyse ou transplantation), 81 % des malades ont des antécédents d’hypertension artérielle et d’autres complications cardiovasculaires : 28 % d’entre eux ont une insuffisance cardiaque, 26 % une maladie coronarienne et 22 % une artérite des membres inférieurs.
Les troubles du métabolisme du calcium et du phosphore sont fréquents au cours de l’insuffisance rénale terminale. Le calcium est mal absorbé et l’accumulation de phosphore dans le sang aggrave ce phénomène. Les conséquences de ces anomalies peuvent être osseuses avec, chez l’enfant, des signes proches du rachitisme, un retard de croissance, et, chez l’adulte, une fragilité osseuse de type « ostéoporose », voire plus tard, une véritable « ostéodystrophie d’origine rénale ». Les artères peuvent également être le siège de calcifications qui vont réduire leur calibre intérieur avec des conséquences cardiovasculaires.
La maladie rénale peut entraîner un déficit de sécrétion en érythropoïétine (EPO) et donc l’apparition d’une « anémie normochrome normocytaire arégénérative », ce qui explique le teint pâle du malade, sa fatigue physique et intellectuelle. On peut y remédier avec un apport en érythropoïétine humaine recombinante.
La dénutrition est fréquente, l’accumulation des déchets ayant un effet anorexigène. Elle doit être prévenue, détectée et traitée. D’autres signes, par exemple neurologiques, peuvent survenir à des stades très avancés de la maladie.