L ’exercice était très attendu. Lors de sa Déclaration de politique générale, vendredi, devant les députés, le Premier ministre Ousmane Sonko a fixé le cap pour redresser une économie malade. Une tâche ardue tant les indicateurs macroéconomiques se sont dégradés ces derniers mois avec un déficit budgétaire atteignant 11,6% du Pib (Lfr 2024) et une dette publique représentant 76,3% du Pib.
Malgré cette situation « catastrophique », le chef du gouvernement ambitionne d’assainir les finances publiques et de « hisser le Sénégal parmi les économies les plus compétitives d’Afrique ». L’objectif est de passer d’une économie de type colonial peu compétitive (une croissance annuelle moyenne de 3,1% entre 1960 et 2023) à une croissance endogène et durable. Ce qui requiert la participation de tous. Oui, les Sénégalais devront consentir des sacrifices pour espérer récolter demain les fruits. À commencer par le civisme fiscal. C’est ce qu’il faut entendre par la réforme fiscale annoncée par le Premier ministre.
L’idée est d’élargir l’assiette fiscale, tout en abaissant graduellement les taux d’imposition moyens. Autrement dit, « faire payer moins à tous les Sénégalais, mais faire payer à tous les Sénégalais ». Toutefois, il convient de trouver le juste équilibre pour éviter d’étouffer les Pme. En annonçant une « rationalisation des subventions à l’énergie pour qu’elles bénéficient essentiellement aux ménages pauvres », le gouvernement accède à une vieille demande du Fmi qui a toujours dénoncé ces mesures non ciblées. La rationalisation des dépenses fiscales trop coûteuses (2,232 milliards de FCfa entre 2019-2022) s’inscrit dans ce même souci de créer des marges de manœuvre budgétaires dans un contexte de raréfaction des ressources.
Pour maintenir une viabilité de la dette compatible avec une croissance durable, il sera crucial d’accélérer les réformes budgétaires visant à ramener le déficit sous le seuil de 3%, tout en augmentant l’accès aux financements concessionnels et la mobilisation des ressources domestiques. D’où le recours aux obligations dites « Patriotes bonds », les « Diaspora bonds » et autres Fonds d’investissement alternatifs (Fia). Une des règles de base en économie est qu’aucun pays ne peut se développer sans compter d’abord sur ses propres ressources domestiques et l’épargne longue. Or, les Sénégalais n’ont pas la culture d’épargne. Un changement de paradigme est attendu sur ce point. Au total, il faut saluer la volonté de transparence et de lutte contre la corruption.
En revanche, quoique se justifiant du point de vue de la souveraineté, la réciprocité pour la délivrance de visa d’entrée pourrait porter un rude coup à un secteur (le tourisme) qui se relève difficilement de la Covid-19. Gageons que le gouvernement a tiré les leçons de la précédente expérience qui n’avait pas produit les résultats escomptés.