La sexologue et psychanalyste Catherine Blanc s’attaque au sujet du premier pas. Doit-il être le monopole de l’homme, de la femme, ou d’aucuns des deux ? Un sujet d’autant plus épineux dans une société par laquelle est passée la vague #MeToo.
Peintures, livres, pièces de théâtres, films… Dans de très nombreuses œuvres culturelles qui dépeignent une romance, l’homme fait le premier pas. Au point que dans l’imaginaire collectif, c’est bel et bien à l’homme d’aller vers une femme, créant de fait une sorte de parade de séduction dans laquelle l’homme propose et la femme dispose. Mais dans une société post #MeToo, est-ce encore à l’homme de dévoiler en premier son intérêt et son désir pour une femme ? Dans Sans Rendez-vous sur Europe 1, la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc fait le point sur cette démarche qui s’accompagne souvent d’une boule dans le ventre, et dont l’issue peut-être aussi joyeuse que dévastatrice pour l’égo et le moral.
Qu’est-ce qu’un premier pas ?
« Cette expression traduit en réalité plusieurs situations. Cela peut-être au moment de se parler la première fois, mais aussi qui va initier un baiser, qui va commencer à toucher l’autre, ou encore qui va être à l’origine d’un acte sexuel. De manière globale, on peut dire qu’un premier pas consiste à signifier que l’on est intéressé par l’autre, que l’on a du désir pour lui. »
Le premier est-il devenu plus difficile depuis la vague #MeToo ?
« C’est sûr que c’est extrêmement compliqué. Assez naturellement, nous étions sur une base ‘l’homme propose, la femme dispose’. Ce qui permettait d’ailleurs aux femmes de ne pas trop se révéler dans leur désir et aux hommes de leur faire la cour plus ou moins élégamment. Mais c’est justement sur la notion d’élégance que repose en partie le problème. Certaines femmes peuvent entendre dans une phrase un peu sauvage quelque chose d’assez agréable et excitant, quand d’autres y voient très légitimement une agression qui leur est faite.
Se pose donc aujourd’hui la question pour un homme de pouvoir manifester son désir sans être perçu comme un pervers, et pour une femme de pouvoir l’accueillir sans avoir le sentiment d’être la proie d’un chasseur impitoyable. Mais la question se renverse si on imagine un monde dans lequel ce ne sont que les femmes qui font le premier pas. Car on n’est jamais dans la tête de l’autre, on ne sait donc jamais ce que cela évoque pour une personne d’être sollicitée en termes de désir. Et c’est toute la difficulté du débat social sur cette notion de manifestation du désir. »
L’homme doit-il toujours faire le premier pas ?
« Non, bien sûr. Simplement, il a le droit de le faire comme une femme en a aussi la possibilité, sans se sentir illégitime et inconvenante. Les femmes sont autant animées de désir et sont tout à fait libres de faire le premier pas. Que se soit l’homme ou la femme, il faut communiquer les uns avec les autres avec élégance et respect. »
Pourquoi on a toujours peur de se prendre « un râteau » ?
« Notre orgueil est toujours au rendez-vous de tout ce qui peut nous remettre en question dans notre pouvoir. Et nous aimons l’idée d’être des gens de pouvoir. C’est simplement une question d’orgueil parce qu’en fait on n’en meurt pas. Le non, on l’a toujours dans la poche, alors autant proposer et risquer un oui. »