Fondée en 1882 par Ahmadou Amary Ndack Seck (1830-1899), l’un des chefs religieux compagnons de Cheikhou Ahmadou Ba, fils de Limamoul Mahdiyou Ba de la localité de Wouro Mahdiyou, qui menèrent le mémorable jihad de 1875, Thiénaba, chef-lieu de la communauté rurale du même nom, l’une des trois sous-préfectures du département de Thiès, est située entre les communes de Thiès et Khombole. Ce site dont le choix aurait été révélé au saint homme par un signe lumineux et qui fait, ainsi, partie des premiers foyers religieux du Sénégal, se veut gardienne du temple de la charia, la loi islamique, dans un Etat laïc comme le Sénégal où 95% de la population sont des musulmans.
Selon le « QUOTIDIEN », dans cette cité religieuse, les autorités religieuses qui, tout en reconnaissant l’autorité administrative, sont les descendants du fondateur de la localité, ont pris le soin de créer une sorte de ligne de démarcation qui divise la localité en deux parties : «Thiénaba-Gare» et «Thiénaba Seck». Cette dernière partie, distante de Thiénaba-Gare d’environ un kilomètre, abrite les autorités religieuses, mais également l’autorité administrative et toutes les infrastructures liées à l’Administration créées par le colon.
Ainsi, les autorités religieuses, pour perpétuer cette volonté de leur guide religieux, ont instauré la charia pour juger ceux qui osent franchir les interdits de l’islam. Toutes les dispositions sont prises à cet effet. En effet, aux côtés du khalife, il y a l’imam de la grande mosquée qui se charge de veiller à l’application de la loi islamique. De ce fait, il a la garde du fouet, un des instruments pour la correction de ceux qui bravent les interdits.
Chaque année, à l’occasion du Gamou, l’évènement commémorant la naissance du Prophète Mohammad (Psl), les populations de cette localité, comme les fidèles qui ont fait allégeance à Thiénaba, prennent l’engagement, devant la mosquée et le Khalife général en tête, qui incarne l’autorité religieuse, de respecter et faire respecter les principes et valeurs de l’islam. C’est ce qui fait qu’à Thiénaba Seck, la consommation de boissons alcoolisées, la cigarette, la fornication y sont interdites, selon les informations recueillies sur place.
En ce qui concerne la dernière interdiction, la surveillance est plus accrue. Une femme qui tombe enceinte sans être dans les liens du mariage est renvoyée de la communauté rurale jusqu’à son accouchement. Et si elle désire revenir dans la localité, cette dernière doit au préalable subir la flagellation, comme prévue par la charia, en prenant 100 coups de fouet à la place du village, au vu et su de tout le monde, avant d’intégrer à nouveau Thiénaba Seck.
L’imam, ou celui qu’il aura choisi pour donner les 100 coups aux pécheurs, avant de passer à l’acte, sans que le bras ne décolle de son corps, prend un premier coup, comme pour dire que quiconque transgresse la loi établie par Dieu dans le domaine de la fornication va subir le même sort, avant d’exécuter la sentence. Après laquelle la victime fait deux «raakas» et renouvelle son engagement à respecter la charia pour ensuite réintégrer les siens. Concernant l’adultère, les concernés sont définitivement renvoyés de Thiénaba Seck puisque la peine de mort, qui doit être appliquée dans ce cas, n’est pas autorisée au Sénégal.
Rappelons que Serigne Ahmadou Ndack Seck a combattu la présence française avec les armes aux côtés de Cheikhou Ahmadou entre 1871 et 1875, année de la grande bataille de Samba Sadio, avant de fonder Thiénaba. La localité, qui s’étend sur une superficie de 158 kilomètres carrés, est composée de 38 villages pour une population estimée à environ 20 mille âmes.
Il est à signaler qu’elle partage avec quatre autres communautés rurales l’arrondissement de Thiénaba. Selon le Pr Souleymane Dia, auteur de «Samba Saajo» publié aux Editions de La Brousse en avril 2004, «l’histoire de Thiénaba, comme celle de la Guerre Sainte au Sénégal, est inséparable de la lutte contre l’envahisseur, en un mot contre le colonisateur».