Pour régler le problème de la crise alimentaire des Etats de la Cedeao, du Tchad et de la Mauritanie d’une manière définitive, il faut que la Cedeao revoie fondamentalement sa manière de faire. C’est en substance ce qu’a fait savoir le ministre de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage. Mabouba Diagne appelle à une rationalisation des ressources et à des réformes foncières et agricoles substantielles afin de garantir un avenir alimentaire durable pour l’Afrique de l’Ouest.
Au Sahel et en Afrique de l’Ouest, la situation de la sécurité alimentaire s’est fortement dégradée au cours des dernières années. A Dakar et dans certains départements, l’insécurité alimentaire aiguë est en passe d’atteindre son niveau le plus élevé depuis 10 ans dans la région. Et selon les analyses réalisées sur la base du cadre harmonisé en mars 2024, le nombre de personnes ayant besoin d’une assistance alimentaire pourrait atteindre 50 millions entre juin et août 2024. L’alerte est de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui tient depuis mardi dernier à Dakar, des travaux de concertation sur la réponse aux crises alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l’Ouest, y compris la Mauritanie et le Tchad.
Et face à cette situation alarmante, Mabouba Diagne, ministre de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage, a pris la parole pour dénoncer l’inefficacité des mesures actuelles de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). «Vous savez la Cedeao, ce sont 381 millions de personnes. Dire que plus de 50 millions sont en situation de détresse alimentaire et que l’Agence régionale pour l’agriculture et l’alimentation (Araa) a été créée depuis 2013, ça veut dire que fondamentalement il y a quelque chose qui ne marche pas», a déclaré Mabouba Diagne. Le ministre de l’Agriculture pointe du doigt les failles de gouvernance et appelle à une meilleure coordination des initiatives.
«L’Afrique d’une manière générale importe plus de 30 milliards en denrées alimentaires. Si on ne fait rien, ça va passer à 120 milliards. Importer autant de nourriture pour nourrir nos populations, c’est exporter des emplois. Et les expériences de ces 10 dernières années ont montré que le problème, ce n’est pas l’argent, mais l’organisation. J’ai vu la Cedeao et l’Uemoa faire des initiatives, les pays à leur niveau individuel faire des initiatives ; conjuguons ces efforts. Et il est temps, à mon humble avis, que la Cedeao revoit fondamentalement sa manière de faire et ensemble, avec les partenaires techniques et financiers, qu’on essaie de régler le problème d’une manière définitive. Et j’ai l’intime conviction que c’est possible de le faire», a-t-il indiqué. Dr Mabouba Diagne est également critique envers la dépendance à l’aide internationale. «Tant que les pays de la Cedeao disent qu’il faudrait compter sur l’aide au développement pour nourrir leur population, on sera toujours dans cette situation d’assisté. L’aide au développement n’est pas une mauvaise chose, mais il faudrait que les pays africains l’utilisent afin de partir pour de bon», a-t-il insisté.
En cela, indique le ministre de l’Agriculture, «nous devons revoir nos méthodes et qu’on ait la franchise de le dire ouvertement. Dépendre de l’aide pour nourrir nos populations est un signe de faillite. Et je suis désolé de le dire, c’est décevant ce que nous vivons en Afrique de l’Ouest».
«La Cedeao doit revoir sa manière de faire»
Lors de cette rencontre de 3 jours, Dr Mabouba Diagne a appelé à une rationalisation des ressources et à des réformes foncières et agricoles substantielles afin de garantir un avenir alimentaire durable pour l’Afrique de l’Ouest. «On n’a pas besoin de ces centaines de conférences qui se tiennent chaque fois, chaque année. Adressons les vrais problèmes. La Cedeao doit revoir sa manière de faire», dira-t-il, tout en soulignant que ce n’est pas possible de faire la même chose pendant des années et espérer avoir des résultats différents. «51 millions de personnes en situation de détresse, peut-être, c’est la ligne rouge qu’il ne faut pas dépasser», fait-il savoir.
Dans la même veine, il soutient aussi que les ressources investies dans les séminaires et réunions pourraient être mieux utilisées pour des infrastructures de qualité comme des hangars de stockage. «Je suis sûr que des réunions de ce genre, vous en avez des dizaines. Je ne dis pas que nous n’avons pas besoin d’aide, mais ça ne peut pas continuer. Et j’ai l’intime conviction qu’avec une très bonne volonté, en mettant les priorités sur les secteurs qu’il faut, dans moins de 5 ans, on règle ce problème», dit-il avec conviction. Toutefois, pour Dr Mabouba Diagne, il est temps pour la Cedeao de prendre des mesures décisives pour mettre fin à la crise alimentaire qui frappe des millions de personnes en Afrique. «Mettons les hommes à la place qu’il faut. Mettons nos sous sur nos priorités. On a envie que ça change et c’est la seule chose qui m’anime. Le financement de notre secteur agricole, les réformes foncières, la Cedeao doit en faire une priorité. Ce n’est pas le ministre qui parle, mais c’est le jeune Africain qui parle», a conclu Dr Mabouba Diagne.