Khartoum estime que la coopération militaire avec Moscou est d’autant plus nécessaire que les pays occidentaux ont été incapables de mettre fin à l’envoi d’armes aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), qui sont engagées dans une lutte fratricide contre l’armée régulière.
Le Soudan est sur le point de signer un accord militaire avec la Russie pour l’établissement d’un centre de soutien naval russe sur la mer Rouge, a annoncé le lieutenant-général Yassir al-Atta (photo), membre du Conseil souverain de transition dirigé par l’armée soudanaise, le samedi 25 mai 2024.
« La Russie a proposé une coopération militaire par le biais d’un centre de soutien logistique naval et non d’une base militaire complète, en échange de livraisons urgentes d’armes et de munitions », a-t-il déclaré dans une interview accordée à la chaîne de télévision saoudienne Alhadath TV. Et d’ajouter : « nous avons accepté cette proposition, mais avons suggéré d’étendre la coopération à des aspects économiques tels que des entreprises agricoles, des partenariats miniers et le développement de ports. La Russie a accepté ce champ d’application élargi ».
Commandant en chef adjoint de l’armée soudanaise, le lieutenant-général al-Atta a également révélé qu’une délégation militaire soudanaise devrait se rendre prochainement à Moscou, suivie d’une délégation ministérielle conduite par le vice-président du Conseil souverain, Malik Agar, pour finaliser la signature d’une série d’accords militaires et économiques, y compris celui relatif à l’établissement du centre de soutien logistique naval russe en mer Rouge.
« Il n’y a rien de mal à cela. Il n’est pas honteux d’accorder une base militaire à un pays avec lequel nous avons établi des partenariats économiques », a-t-il argumenté, notant que le Soudan est « ouvert à des accords similaires avec d’autres pays, notamment les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et l’Egypte ».
Khartoum estime que la coopération militaire avec Moscou est d’autant plus nécessaire que les pays occidentaux ont été incapables de mettre fin à l’envoi d’armes aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par le numéro deux du régime, Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », engagées dans une lutte fratricide contre l’armée régulière.
« Aujourd’hui, le pouvoir réside dans l’influence financière, tandis que les valeurs et l’éthique sont devenues des marchandises. Nous devons faire preuve d’audace pour atteindre nos objectifs militaires et économiques dans l’intérêt de notre pays et de notre peuple », a souligné le numéro deux de l’armée régulière soudanaise dans son entretien accordé à Alhadath TV.
Le projet de base navale russe au Soudan remonte à 2017. Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue soudanais, Omar el-Béchir, avaient alors signé un accord stipulant que Moscou obtiendrait un bail de 25 ans pour construire une base navale à Port-Soudan, le principal port du pays. Cette base devait permettre d’accueillir 300 hommes et jusqu’à quatre navires de guerre. Mais le projet a été mis en veilleuse après la chute d’El-Béchir en 2019. D’autant plus que Khartoum s’est rapproché, pendant cette période de transition démocratique, des chancelleries occidentales et a bénéficié d’un important soutien économique des Etats-Unis.
Le retour des militaires au pouvoir, à la faveur du coup d’Etat mené par le général Abdel Fattah Al-Burhan en octobre 2021, a cependant favorisé un nouveau rapprochement entre Moscou et Khartoum.
Il y a un an, un nouvel accord a été conclu entre les deux pays, lors d’une visite du chef de la diplomatie russe à Khartoum, pour l’installation d’une base navale à Port-Soudan. Deux mois plus tard, la guerre opposant les généraux a éclaté et l’accord a à nouveau été abandonné.