En 2022, le nombre de comptes mobile money ouverts en Afrique sub-saharienne a augmenté de 17% en glissement annuel pour atteindre 763 millions, selon la GSMA. Pour la Banque mondiale, les décideurs doivent évaluer les risques encourus par les utilisateurs en cas d’insolvabilité d’un opérateur.
Vu l’importance grandissante des services de mobile money dans les pays en développement, les décideurs politiques devraient réexaminer les régulations applicables aux opérateurs en cas d’insolvabilité, suggère un récent rapport de la Banque mondiale. Selon le rapport intitulé « Insolvency of Mobile Money Firms in Developing Countries Overview for Policy Makers », l’objectif est double : sécuriser les fonds déposés sur les comptes de mobile money, et atténuer les risques inhérents.
Pour les auteurs, « bien qu’aucun acteur majeur du mobile money n’ait encore connu l’insolvabilité, les défaillances d’autres fournisseurs de monnaie électronique soulignent la nécessité cruciale de clarifier les mécanismes de protection des fonds des utilisateurs ». Ils expliquent que l’insolvabilité d’un opérateur de mobile money peut entraîner une perte immédiate de confiance dans le système financier puisque les utilisateurs de ces services sont souvent des individus sans accès traditionnel aux banques.
(Source GSMA)
Selon un autre rapport intitulé « State of the Mobile Money Industry in Africa 2019, » la défaillance d’un ou de plusieurs opérateurs de monnaie mobile « pourrait gravement nuire au système financier et économique global d’un pays en développement ». Pour les auteurs, l’insolvabilité expose aussi les utilisateurs à des risques de dépréciation et de liquidité. Ces risques sont amplifiés par le fait que, dans la plupart des cadres juridiques, les utilisateurs sont souvent traités comme des créanciers non privilégiés. Cela signifie qu’en cas de liquidation, ils ne seraient remboursés, qu’après les créanciers prioritaires et dans la mesure de fonds restants.
Par ailleurs, le processus de liquidation peut être long et coûteux, réduisant ainsi davantage les fonds disponibles pour les utilisateurs. Vu que les procédures de liquidation peuvent souvent s’étendre sur plusieurs années dans les pays en développement, les utilisateurs ne peuvent accéder à leurs fonds avant longtemps. Ceci aggrave donc les situations financières des utilisateurs, et potentiellement de leur communauté.
Des marges d’amélioration pour les régulations africaines
En Afrique, les régulations existantes prennent en compte ces risques dans une certaine mesure. Par exemple, dans la zone UEMOA, deux cadres règlementaires encadrent les activités des opérateurs de mobile money. Il s’agit notamment le règlement n°15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiements et l’instruction N°008-05-2015 de la BCEAO régissant les conditions et modalités d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique.
Le volume des transactions a plus que doublé entre 2029 et 2022 (source GSMA)
L’instruction N°008-05-2015 en particulier vise à atténuer les risques d’insolvabilité en imposant des exigences en matière de capitalisation, de gestion des risques et de protection des fonds des utilisateurs. Elle requiert par exemple des opérateurs de maintenir un niveau de fonds propres, suffisant pour couvrir les risques opérationnels et de crédit. De plus, les fonds des utilisateurs sont séparés des actifs de l’entreprise, ce qui offre une protection supplémentaire en cas de faillite.
Néanmoins, pour les auteurs du rapport, malgré ces régulations, plusieurs défis subsistent. Par exemple, dans la plupart des cas, les fonds des utilisateurs ne sont pas classés comme des créances prioritaires et sont donc sujets à un risque accru en cas de liquidation. De plus, dans bon nombre de pays, les exigences de protection des fonds applicables aux opérateurs mobile money peuvent potentiellement être en contradiction avec d’autres lois, particulièrement en matière d’insolvabilité et de fiducies, expliquent-ils. Ils ajoutent que ces défis sont aggravés par le fait que peu de systèmes sont pleinement conformes aux principes de la Banque mondiale régissant le traitement de l’insolvabilité et la protection des droits des créanciers.
Le rapport émet donc des recommandations pour guider les décideurs dans la révision et le renforcement des cadres réglementaires robustes, capables de gérer les défis posés par l’insolvabilité des entreprises de mobile money. Il incite par exemple les décideurs à définir un statut juridique clair pour les utilisateurs. Ce statut devrait notamment déterminer si les utilisateurs seraient considérés comme créanciers sécurisés, prioritaires ou non sécurisés, ou si besoin est, créer une autre classification appropriée. Il recommande aussi l’examen des régulations pour établir leur conformité aux standards internationaux comme les Principes de la Banque mondiale sur les régimes d’insolvabilité et de relations créanciers/débiteurs.