Des experts du secteur de l’eau alertent sur le contrat de dessalement de l’eau de mer signé «in extremis» à la veille de l’élection présidentielle. «Alors que l’attention nationale était captivée par l’issue de l’élection historique marquant la troisième transition démocratique au Sénégal, une décision controversée du Président sortant Macky Sall, suscite de vives inquiétudes.
À l’ombre des projecteurs politiques, un contrat de 450 milliards de FCFA a été signé par entente directe avec une entreprise privée étrangère, pour l’achat d’eau sur 35 ans, à partir d’une usine de dessalement d’eau de mer de 400.000 m3/j à construire sur la Grande-Côte des Niayes», lit-on dans une tribune qui nous est parvenu. La même source d’ajouter : « Si ce contrat, dont l’ampleur et les implications socio-économiques suscitent moult interrogations était confirmé, la réalisation du projet Canal du Cayor serait de facto compromise, car les deux opérations ne peuvent manifestement pas être exécutés sur le même horizon temporel, pour des raisons économiques évidentes».
Allant plus loin, les experts du secteur de l’eau s’interrogent sur la pertinence de la signature du contrat. «Sous l’angle de l’éthique et de la procédure, la signature de ce gros contrat par un Président en fin de mandat, sans appel d’offres ni consultation, jette le doute sur l’intégrité du processus décisionnel. Les réserves des experts du secteur de l’eau, concernant la pertinence et le coût exorbitant du projet et son impact sur l’équilibre financier du secteur de l’eau, semblent avoir été purement ignorées. Aussi, l’empressement avec lequel le contrat a été ratifié, en présence du Chef de l’Etat lui-même ainsi que le Ministre de l’Eau et le Ministre des Finances qui ont contresigné le contrat séance tenante, nécessite des explications aux citoyens sénégalais qui revendiquent une gouvernance transparente et responsable », rapporte la même tribune.
A les en croire, « sur le fond, l’argument du Président Sall, selon lequel le projet n’alourdira pas la dette nationale, n’est pas soutenable ». « L’absence de précisions de sa part sur le coût élevé de production de l’eau dessalée qui sera trois fois supérieur à celui du système actuel augure, soit une augmentation significative du tarif de l’eau au consommateur, ou une subvention étatique colossale estimée à plus de 40 milliards FCFA par an, pour le maintien de l’équilibre financier de la SONES qui pendant 30 ans, a pu mobiliser des financements importants et supporté toute seule la dette du secteur. Ces coûts induits, qui pèseront inéluctablement sur les épaules du contribuable sénégalais, sont d’autant plus préoccupants que le projet est en désaccord flagrant avec la stratégie nationale de gestion des ressources en eau et les recommandations de l’étude sur la sécurité de l’eau dans le triangle Dakar Mbour Thiès (DMT) à l’horizon 2050 », indiquent les experts du secteur de l’eau.
C’est pourquoi, ils interpellent le nouveau gouvernement. « Il est donc crucial pour le nouveau Gouvernement de réexaminer au plus vite ce contrat de dessalement signé illégitimement dans l’urgence et sans concertation publique, en le replaçant dans le contexte originel de la stratégie nationale de mobilisation des ressources en eau, afin d’éviter la répétition des erreurs qui avaient, il y a trois décennies, entravé la réalisation du Canal du Cayor ! Il y va de la responsabilité des nouvelles autorités du pays envers le peuple sénégalais et de l’avenir du développement durable du secteur de l’eau au Sénégal dont les performances sont reconnues à travers le monde entier grâce à une politique judicieuse d’investissement », soutiennent-ils.