Cet emballement du marché de la médiation politique est le signe de la faillite d’une justice qui a perdu toute crédibilité au point d’être le prétexte, en raison d’une suspicion de corruption de ses acteurs les plus éminents, d’une modification constitutionnelle qui a permis à des gens que nous avons élus d’organiser un putsch pour préparer les conditions de la conservation d’un pouvoir qu’ils sont censés rendre le 02 avril prochain.
Ils sont nombreux à offrir leurs services. Comme une vente à la criée.
Ces médiateurs savent utiliser la presse pour être au centre de toutes les attentions.
Ils espèrent se payer sur les dividendes à venir.
Ils ont cette capacité à se renouveler, à toujours intégrer les systèmes de constitution de « malaises sociaux », de majorités d’opinions et de courants de pensée.
Mais ils mesurent, également, la fragilité de leur position. Ils ont servi sans état d’âme les pouvoirs en place ; ils ne veulent pas se mettre à dos ceux qui vont les remplacer.
Ils prennent date : il est devenu aussi important d’agir que de le faire savoir. En réalité, il faut faire savoir qu’on agit même si c’est juste de l’agitation.
Ils doivent tout à la République : leur formation, leur fortune et leur renommée.
Pourquoi ne se sentent-ils pas redevables de ce que ce pays a fait pour eux ?
Pourquoi la conservation de leurs privilèges les amène-t-il à ménager leurs bienfaiteurs et d’essayer, vainement, de renvoyer dos à dos les auteurs de ce coup d’État constitutionnel et ceux qui le dénoncent ?
Ne pas appeler au respect du calendrier constitutionnel, ne pas exiger la tenue des élections à la date fixée, ne pas désigner et nommer l’auteur et le responsable de cette forfaiture, c’est soutenir, de façon implicite mais franche, ce coup de force.
Les juristes, pas ceux qui sont à la solde de ces putschistes à col blanc et qui se targuent de faire de la « haute couture », ont dit tout ce qu’il y avait à dire.
Il y a un accord sur ce qui nous oppose au pouvoir en place : la prolongation du mandat du Président de la République par l’Assemblée Nationale est anticonstitutionnelle.
Je dois ajouter qu’elle est immorale et injuste.
Toute médiation doit le rappeler et partir de ce postulat.
On peut avoir des doutes à cet égard.
Comment celui qu’il qualifiait il y a peu de « maitre-chanteur » peut lui dire cette vérité dans le blanc des yeux ?
Comment accepter qu’on passe par pertes et profits les morts, les trajectoires contrariées, les complots ourdis et soutenus au sein de l’appareil d’État, les combines nauséabondes, et les réputations saccagées, par le subterfuge d’une loi d’amnistie ?
Nous devons nous dire la vérité : à un moment donné de l’histoire politique de notre pays, un homme à qui nous avons fait l’honneur de nous diriger a décidé, par des moyens que l’éthique et la morale la plus élémentaire réprouvent, de conserver le pouvoir en jouant à nous faire peur.
A quoi pense-t-il quand il affirme : « et si les politiques ne sont pas capables de s’entendre sur l’essentiel, … d’autres forces organisées le feront à leur place » ?
De quelles forces s’agit-il ?
Les seules que nous connaissons sont régies par le Constitution.
Les autres, toutes les autres, seront des putschistes.
La médiation politique va alors s’internationaliser.
Unis, sourds au brouillage médiatique, nous vaincrons !
Le coup d’État ne prospèrera pas !
Dakar, mercredi 14 février 2024
Prof Mary Teuw Niane