Le président de la BAD estime que l’Afrique, qui est déjà lésée par le changement climatique malgré sa part négligeable dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre, a désormais besoin d’utiliser le gaz naturel pour réduire sa pauvreté énergétique et soutenir son industrialisation.
Les pays africains devraient être exemptés de l’application du mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières (MACF)qui risque d’engendrer un manque à gagner de 25 milliards de dollars par an pour le continent en pénalisant ses exportations à forte valeur ajoutée telles que le fer et les engrais, a plaidé le président de la Banque africaine de développement (BAD), AkinwumiAdesina (photo), le mercredi 6 décembre 2023.
« L’Afrique est confrontée à un nouveau défi en matière d’exportations, en particulier vers l’Europe, son principal partenaire commercial, avec le mécanisme d’ajustement de la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne (UE) qui limitera considérablement ses exportations de produits à valeur ajoutée tels que le ciment, le fer, l’acier, l’aluminium et les engrais », a-t-il déclaré lors d’une conférence sur le commerce durable tenue à Dubaï (Emirats arabes unis), en marge de la 28e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP28).
« Compte tenu du déficit énergétique de l’Afrique et de sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles, en particulier du diesel utilisé par les entreprises, l’Afrique sera contrainte d’exporter à nouveau des matières premières vers l’Europe. Ce qui accentuera la désindustrialisation du continent », a ajouté M. Adesina, indiquant que le continent « pourrait perdre jusqu’à 25 milliards de dollars par an à cause du mécanisme d’ajustement de la taxe carbone aux frontières de l’UE. »
Le président de l’institution financière panafricaine a également souligné que l’Afrique, qui ne contribue que marginalement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, a désormais besoin d’exploiter le gaz naturel pour réduire sa pauvreté énergétique et augmenter ses niveaux d’industrialisation.
« L’Afrique devra utiliser le gaz naturel comme combustible de transition, afin de réduire la variabilité de l’énergie renouvelable et de stabiliser ses systèmes énergétiques pour soutenir l’industrialisation. Le continent, qui a déjà été lésé par le changement climatique, ne doit pas l’être par des taxes sur le carbone aux frontières qui restreignent le commerce », a-t-il dit.
Une mesure de défense commerciale
Plus connu sous l’appellation de la taxe carbone européenne, le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières a été mis en œuvre le 1eroctobre 2023, avec une période de transition de trois ans au cours de laquelle seules les obligations de déclaration s’appliqueront. Les paiements ne seront exigés qu’à partir de 2026.
Cette taxe s’appliquera dans une première étape à sept secteurs (ciment, acier, fer, aluminium, engrais, électricité et hydrogène). Mais la liste des secteurs couverts devrait s’élargir graduellement.
Le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières constitue à la fois un moyen pour atteindre l’objectif d’une diminution de 55% des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2035 (par rapport aux niveaux de 1990) et une mesure de défense commerciale. Il vise en effet à rendre plus équitables les conditions de concurrence entre les entreprises de l’UEet celles des pays tiers en attribuant un prix du carbone à certains produits importés.
Le MACF est conçu pour compléter le système d’échange de quotas d’émission (SEQE)qui s’applique depuis 2005 à l’ensemble des pays membres de l’UE ainsi qu’à l’Islande, au Liechtenstein et à la Norvège. LE SEQE oblige les entreprises européennes à acquérir un nombre de quotas d’émission de GES correspondant à la quantité réelle de leurs rejets de CO2 ou de gaz équivalents pour décarboner leur processus de production. Pour éviter des délocalisations induites par l’absence de taxation du carbone pour les importations, l’UE a décidé de soumettre les produits importés au même prix carbone imposé aux biens produits dans l’espace européen.