Le rapport souligne que six pays, dont le Maroc, le Kenya et l’Afrique du Sud, se positionnent déjà comme de futurs poumons portuaires du futur marché unique africain, grâce à leur position géostratégique, aux investissements consentis dans les infrastructures et à l’adoption de politiques prenant en compte l’intégration sous-régionale.
Avec l’opérationnalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), les Etats devront adopter de nouvelles politiques publiques axées l’amélioration de la productivité et de l’efficacité de leurs ports ainsi que sur le renforcement des capacités des administrations portuaires et des autorités douanières pour faciliter le commerce transfrontalier, souligne un rapport publié en juin dernier par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels.
Intitulé « Le rôle des ports africains dans la mise en œuvre de la ZLECAf », le rapport rappelle que plus de 80 % du commerce extérieur des pays du continent – y compris ceux dépourvus de façade maritime – transite par les ports.
Au regard de l’importance stratégique de ces poumons économiques, les pays africains ont investi environ 50 milliards de dollars dans la modernisation de leurs infrastructures portuaires entre 2007 et 2017. L’accent a été particulièrement mis sur l’acquisition d’équipements performants, la réactivité commerciale, la culture du résultat et la gestion transparente avec, à la clé, une privatisation de plus en plus importante de la gestion des ports africains. Les autorités portuaires d’Abidjan et de San Pedro (Côte d’Ivoire), de Kribi (Cameroun), de Dakar (Sénégal), de Pointe-Noire (Congo), de Conakry (Guinée) et de Tanger Med (Maroc) figurent parmi celles qui ont choisi de déléguer l’exploitation des terminaux à des opérateurs privés. Bolloré et MSC (désormais AGL) ou encore China Merchants ont ainsi pu étendre leur présence sur le continent, dans le cadre de partenariats public-privé (PPP).
En sus des politiques nationales mises en place pour assurer le développement de leurs ports, certains pays africains n’ont pas attendu la ZLECAf pour accélérer leur intégration portuaire. En Afrique du Sud-est par exemple, les pays de la sous-région ont lancé le corridor logistique de Nacala destiné à connecter des zones économiques importantes. Il comprend la création et la gestion de chemins de fer, d’autoroutes, de ports et d’aéroports qui desservent le Mozambique, le Malawi et la Zambie. Des cadres de coopération régionale comme le Forum africain des ports (FAP) ont également vu le jour pour permettre aux pays du continent de réfléchir ensemble sur le développement de leurs capacités.
Six pays déjà bien positionnés
Le rapport souligne également que six pays se distinguent particulièrement dans chaque région par leur position géostratégique, les investissements consentis pour améliorer leurs infrastructures portuaires, l’adoption de politiques prenant en compte l’intégration sous-régionale et les projets de développement futur. Tel est le cas du Maroc, où la plateforme portuaire de Tanger Med semble bien positionnée pour être l’une des locomotives des échanges maritimes de la future ZLECAf avec le reste du monde. Classé premier port africain en trafic conteneurs (24e mondial) selon la Lloyd’s List, et port africain le plus performant selon la Banque mondiale en 2021 (6e mondial), le port de Tanger Med a traité en 2022 quelque 7,59 millions de conteneurs EVP. Il assure aussi environ 100 000 emplois pour un chiffre d’affaires atteignant les 13,3 milliards de dollars.
Outre son positionnement en tant que porte d’entrée des investissements étrangers dans le futur marché unique africain, le Maroc est aujourd’hui l’un des principaux pays du continent à disposer des capacités nécessaires pour impulser des échanges maritimes intra-africains dynamiques. D’autant plus qu’il est déjà le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et le deuxième sur le continent.
Le Kenya se positionne de son côté en tant que principal hub portuaire en Afrique de l’Est, grâce au port de Kilindini à Mombasa et au nouveau port de Lamu, dont la capacité devrait atteindre 20 millions d’EVP par an d’ici 2030. Soutenu par l’Union africaine, ce dernier est pressenti pour être l’un des principaux axes de déploiement de la ZLECAf en Afrique de l’Est, puisqu’il s’inscrit dans le cadre d’un programme intégrationniste régional. En effet, le port de Lamu est l’un des sept projets d’infrastructures clés du Corridor de transport Lamu Port-Sud Soudan – Ethiopie (LAPSSET), un projet d’infrastructures de grande envergure qui prévoit de relier le Kenya, le Soudan du Sud et l’Ethiopie par des chemins de fer, des aéroports, des routes et des oléoducs.
En Afrique de l’Ouest, ce sont le Port autonome d’Abidjan et le port de San Pedro (Côte d’Ivoire) ainsi que le port de Lomé (Togo) qui se positionnent comme les futurs poumons portuaires de la ZLECAf, grâce notamment aux projets de développement visant à augmenter leurs capacités.
Réduire les droits et taxes portuaires
En Afrique centrale, le Cameroun s’est déjà imposé comme un pôle central de l’activité portuaire dans le golfe de Guinée via ses plateformes portuaires de Douala et de Kribi.
Et last but not least, l’Afrique du Sud devrait jouer un rôle crucial dans la mise en œuvre de la ZLECAf en s’appuyant sur sept principaux ports de commerce, dont le plus important est celui de Durban.
Malgré ce potentiel important, de nombreux ports africains sont confrontés à des obstacles en matière d’efficacité et de compétitivité. Ces défis, qui comprennent des infrastructures inadéquates, des coûts élevés, des procédures douanières complexes et des retards significatifs, peuvent entraver la libre circulation des marchandises et empêcher une forte hausse du commerce intra-africain. Avec l’opérationnalisation de la ZLECAf, les ports africains devront être en mesure de traiter rapidement un volume de marchandises beaucoup plus important et de faciliter le commerce transfrontalier. Et c’est pour cette raison d’ailleurs que les réformes du secteur portuaire en Afrique doivent au-delà de la modernisation et de l’agrandissement des infrastructures pour englober des politiques publiques communes portant sur l’amélioration de l’efficacité et de la productivité des ports ainsi que le renforcement des capacités des administrations portuaires et des autorités douanières, et la simplification des procédures de dédouanement et de traitement des cargaisons.
Le rapport élaboré par notre confrère Moutiou Adjibi Nourou indique qu’il faudrait d’autre part adopter des stratégies communes de développement du cabotage régional et du transport maritime de courte distance, soutenues par des pratiques tarifaires incitatives et par des réformes douanières.
Enfin, il est nécessaire de réduire les droits et taxes portuaires afin d’augmenter les volumes et les escales dans les grands ports, mais aussi dans les ports secondaires. A cela doivent s’ajouter la construction d’infrastructures routières et ferroviaires, et le développement de corridors pour relier les zones de production et de transformation aux zones d’exportation. Cette nouvelle vague de réformes doit être aussi accompagnée de véritables politiques d’industrialisation, pour que l’Afrique ne reste plus cantonnée au rôle de simple exportateur de matières premières, et de nouveaux investissements dans l’amélioration de la sécurité du trafic maritime afin d’en finir avec le fléau de la piraterie maritime.