Le calvaire est quotidien et s’accentue pour les usagers des transports en commun de la banlieue dakaroise. Le Train express régional (TER), malgré son fonctionnement depuis bientôt deux ans et l’affluence, n’y fait pas l’affaire, de tous notamment ceux éloignés de son tracé. Les problèmes de la mobilité urbaine se posent encore avec beaucoup d’acuité dans nombre de quartiers et zones de la périphérie de Dakar.
Il est 7h du matin à Keur Mbaye Fall, situé sur la route de Rufisque. C’est le remue-ménage dans ce quartier périphérique de la région de Dakar. Le Train express régional (TER) est très prisé par ces banlieusards, notamment des travailleurs. Surtout en cette période d’effectivité de la rentrée scolaire 2023-2024. Le flux d’usagers a augmenté.
Les lundi, mardi et mercredi, c’est une situation inédite, contrairement aux deux mois précédents où les élèves et plusieurs personnels enseignants étaient en vacances (scolaires). Une période pendant laquelle la clientèle était moins importante. «Ce sont de longues files d’attente à cette gare. Les personnes qui sont restés à quai attendent impatiemment d’embarquer», constate-t-on. Même si toutes les 10 minutes un train entre en gare, à destination ou en provenance de Dakar.
Ces voyageurs résident à Rufisque, Bambilor, Mbao, Niacoulrab, Keur Massar, entre autres zones et localités n’étant pas desservis par le TER. Ils se dérobent des embouteillages monstres sur les axes routiers. Mais aussi le confort fait partie de ce qui attire les clients vers le TER. Il y a également la sécurité dans ces gares qui est assurée par des gendarmes. Ainsi qu’à l’intérieur des trains. Elles sont équipées de caméras de surveillance. L’incivisme est sévèrement puni par la réglementation. Tout acte de resquillage doit être réglé dans l’immédiat c’est-à-dire par le versement d’une amende. A défaut, le contrevenant est mis à la disposition des gendarmes.
LE TER : DE LA POLEMIQUE SUR LA VIABILITE ET LE COUT A SON «APPROPRIATION» PAR LES USAGERS
Les deux guichets de vente des tickets, ouverts depuis 6h00, fonctionnent sans répit. Les clients en file indienne passent à tour de rôle acheter des tickets. Seuls les abonnés dérogent à la règle. Les prix varient entre 500 FCFA pour les destinations de Yeumbeul/Thiaroye et 1000 FCfa pour toutes autres zones confondues, y compris Dakar, le terminus. En ce qui concerne les sièges de 1ère classe, il faut débourser 2500 FCFA. Au total, on dénombre trois zones, de Dakar à Diamniadio, avec des tarifs variant respectivement, (pour la 1ère, 2ème et 3ème zone) de 500 à 1500 FCFA, et 13 gares.
Pourtant le TER avait suscité une vive polémique. Quant à sa viabilité et surtout son coût jugé exorbitant. Mais, aujourd’hui, les populations s’en sont appropriées. «Il y a des propos qu’il faut mettre sous le compte de la politique. En vérité, le train a apporté beaucoup de changements dans le transport urbain. Les pertes de temps pour les usagers ont considérablement diminuées», confie un usager.
Une jeune fille cheminote aide les passagers en partance pour Dakar ou Diamniadio. L’hôtesse de TER, puisque c’est sa fonction, les oriente et intervient en cas de défaillances techniques des validateurs de tickets. «Depuis le lundi dernier, c’est le grand rush au niveau cette gare. Ce spectacle est très fréquent au niveau de cette gare. Nous laissons les gens passer par vague de 70 personnes, pour éviter des débordements. De 6h à 9h, nous étions obligés d’ériger des barrières. Pour une meilleure organisation du service», a indiqué une employée des chemins de fer. Le TER refuse du monde, les passagers passent par vagues. Certains passagers sont restés à quai, ils attendent l’arrivée d’un autre train, déplore un client.
DES PARTICULIERS «TROQUENT» LEURS VEHICULES AVEC LE TER, POUR FAIRE DES ECONOMIES
Interpellé sur le tarif du transport, Ousmane Mané répond : «quel que soit le prix, moi je préfère le TER aux bus Tata ou Dakar Dem Dikk. Au moins, on est sûr d’arriver à l’heure au boulot. Je quitte Niacoulrab pour venir jusqu’à Keur Mbaye Fall prendre le TER. Je dépense 2500 FCFA par jour, pour mon transport. Dans la semaine, je travaille trois jours. Je gagne du temps. Sans compter le confort dont on bénéficie. Avec les Tata, c’est le calvaire. Nous étouffons. Les gens s’entassent comme dans des boites à sardines. La capacité du véhicule, le chauffeur et le receveur s’en foutent. C’est pourquoi, les cas de malaise sont fréquents».
Autre gare, autre réalité. Au passage à niveau de Rufisque (PNR), le décor est différent de celui de Keur Mbaye Fall. Plusieurs véhicules sont stationnés au parking de la gare du TER. Il est situé à quelques mètres de la Caserne des Sapeurs-pompiers et de la gare routière de la ville. Selon l’agent de sécurité, «les propriétaires de ces véhicules qui sont stationnés sur le parking ont pris le train pour se rendre à leur lieu de travail. Ça leur permet de faire des économies».
«PLUS DE BUS POUR LE TRANSPORT ELEVES ET ETUDIANTS» QUI, AVANT D’ARRIVER EN CLASSE OU DANS L’AMPHITHEATRE, SONT COMPLETEMENT ABATTUS
Toutes les 10 minutes un train arrive à l’arrêt. Contrairement aux autres véhicules de transport, les clients peuvent passer des heures à attendre. Sans trouver de moyen de locomotion. En fait, les habitants de la périphérie endurent le martyre. En atteste, à l’arrêt «garage» de Niacoulrab, l’affluence est grande. Il est le point de ralliement des populations de la localité. Ainsi que des visiteurs qui se déplacent pour la première fois dans ce faubourg.
Les lignes 220 et 311 de Dakar Dem Dikk qui rellient respectivement le Lac Rose à Keur Massar et le Lac Rose à Gaday, dans le Guédiawaye, «n’assurent pas plus de deux rotations dans la journée. Pis, il arrive que l’on reste des jours sans qu’on aperçoive un bus dans la circulation. Nous ne nous attardons pas à attendre l’arrivée hypothétique des bus Dem Dikk. On prend les Tata ou les cars», a révélé un enseignant.
«Il n’existe plus de bus pour le transport élèves et étudiants. Comment peut-on travailler dans ces conditions ? L’élève ou l’étudiant, avant d’arriver en classe ou dans l’amphithéâtre, il est complétement abattu», a-t-il poursuivi. C’est pourquoi, selon lui, «quand on parle de baisse du niveau des élèves, les raisons, il faut les rechercher ailleurs et non sur la qualité des hommes et femmes qui officient dans l’éducation». Par ailleurs, rappelant tous les avantages que la défunte société de transport public SOTRAC offrait à ses clients, il estime que Dakar Dem Dik devait faire la même chose, voire plus.
Les taxis «verts–blancs», mis en circulation dans le cadre du projet de régularisation des taxis-banlieues communément appelés «clandos», en partance pour Jaxaay, Sedima et la gare du PNR précisément au quartier Diouty, sont un embarras. Les rues de ce quartier spontané sont des labyrinthes. Les conducteurs se perdent en s’y aventurant, surtout en cette période d’hivernage où toutes les routes et rues sont soit inondées ou très dégradées. Ils se retrouvent dans des impasses. Leurs véhicules s’enlisent. Les cars «Ndiaga Ndiaye» à destination du centre-ville se font rares.
IMPRATICABILITE DE LA ROUTE DES NIAYES, DE KEUR MASSAR A BAMBILOR, ET SUPPLICE DES PATIENTS AYANT DES RV MEDICAUX
C’est le calvaire pour les patients qui ont rendez-vous avec leur médecin : à l’hôpital Principal, Abass Ndao, Fann, entre autres. Thierno Souaré, vendeur de café révèle qu’«à partir de 5 heures du matin, il n’y a plus de cars pour aller en ville. C’est une des conséquences de l’enclavement de la localité. Ceux qui ont rendez-vous avec leur médecin, il est difficile, à 6h00, même en taxi, de se rendre et d’arriver à l’heure à l’hôpital. Nos routes sont dans un état de délabrement tel qu’il va falloir trouver une solution à ce problème de la mobilité dans Dakar.»
Le trafic routier relève d’un véritable parcours du combattant, la route des Niayes est impraticable. De Keur Massar jusqu’à Bambilor, les automobilistes sont obligés de dévier, procéder par des détours parfois, pour éviter que leurs voitures ne s’abiment. Pourtant, les travaux de réhabilitation notamment le pavage de la route principale, a suscité beaucoup d’espoir. Mais aujourd’hui, la circulation est rouverte, alors que les travaux de réhabilitation de l’infrastructure ne sont pas achevés. Les barrières érigées sur le trafic ont été levées. Les automobilistes renouent de nouveau avec les difficultés. Cela a contraint des usagers à marcher pour rejoindre la station ou le garage des cars Ndiaga Ndiaye. A cause de l’inaccessibilité de certains endroits de la commune, les arrêts intempestifs des chauffeurs exaspèrent les clients pressés de rejoindre leurs lieux de travail.
MOINS DE 100 BUS DAKAR DEM DIKK EN CIRCULATION DANS DAKAR, EN ATTENDANT L’ARRIVEE D’UNE COMMANDE ANNONCEE DE 500 AUTRES
Par contre, un ancien journaliste du Desk Social de Sud Fm, la première radio privée du Sénégal, souligne qu’«avec les bus «Tata» et le Train Express Régional (TER), les problèmes du transport sont atténués dans Dakar et sa banlieue. Il y avait un moment, la situation du transport urbain était désastreuse. La défunte société SOTRAC, son dépôt à Thiaroye était rempli de bus défectueux. Les populations étaient confrontées à de sérieux problèmes. Les cars Niaga Ndiaye et les cars rapides qui devaient suppléer à ce déficit ont installé la pagaille : surcharge, flambée des tarifs du transport. En outre, les apprentis chauffeurs sont très désagréables avec des clients».
Et d’ajouter : «Cependant, pour ce qui est de Dakar Dem Dikk, il y a moins de 100 bus en circulation dans la région de Dakar. Le parc automobile attend d’être renouvelé, avec ce partenariat entre la République Thèques et le Sénégal. D’ailleurs, une mission a été effectuée par la Commission sénégalaise dans ce pays partenaire, en septembre dernier. Lors de cette visite, un contrat de 500 bus a été signé. Cette commande, dont la livraison est imminente, va s’effectuer en lots. Pour cette année, les nombreux usagers doivent prendre leur mal en patience. Seuls les établissements qui ont des conventions de partenariat avec l’entreprise vont être servis ; il s’agit du lycée français Jean Mermoz, Mariama Niasse, Birago Diop, entre autres», explique-t-il, en réponse à nos questions.
«ARRETER DE FAIRE DES BOYS DES BOUCS EMISSAIRES»
A Dieupeul, nous avons assisté à une passe d’arme entre des clients et le chauffeur d’un bus de la ligne 10. Las d’attendre, ils ont protesté contre le retard du P10. La réplique du conducteur ne s’est pas fait attendre : «ces problèmes sont les conséquences des actes de vandalisme perpétrés par les boys, lors des manifestations de juin. Voilà maintenant la situations dans laquelle on se retrouve», a-t-il martelé.
«C’est faux ! Arrêtez de faire des boys vos boucs émissaires. Avant les événements de juin, les rotations des bus se faisaient de façon irrégulière. Les gens perdaient beaucoup de temps au niveau des arrêts bus. Pis, dans les localités de la banlieue, les gens peuvent rester une journée entière sans voir un seul bus passer», a rétorqué un client amer.