Grande consommatrice de poisson, l’Afrique de l’Ouest recourt aux importations pour satisfaire une demande croissante, alors que la surpêche réduit chaque jour un peu plus les stocks côtiers. Ce qui conduit les gouvernements à miser de plus en plus sur l’aquaculture, un secteur promis à un important développement. Mais il faudra d’abord régler les difficultés d’approvisionnement en intrants, de financements et d’accès aux technologies.
Bien qu’elle ait été multipliée par plus de dix au cours des deux dernières décennies, la production aquacole en Afrique de l’Ouest n’arrive pas encore à se substituer aux importations de poissons dans une région où le système de production, essentiellement basé sur les captures, a atteint ses limites, souligne un rapport publié le 13 octobre par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels.
Intitulé « En Afrique de l’Ouest, l’aquaculture connaît un regain d’intérêt, mais l’essor prendra encore du temps », le rapport révèle que plusieurs pays de la région affichent des niveaux de consommation de poissons par habitant parmi les plus élevés du continent.
Au Sénégal et au Ghana, la consommation atteint ainsi respectivement 29 kg et 25 kg par habitant et par an, soit plus du double de la moyenne africaine (10 kg) et un peu plus que le niveau mondial moyen (20,5 kg).
Dans d’autres pays comme la Gambie, la Mauritanie, le Nigeria elle reste aussi supérieure à 10 kg.
Avec l’augmentation des revenus, de l’urbanisation et la préférence de plus en plus marquée des consommateurs pour le poisson qui est perçu comme plus sain et nutritif comparativement aux autres produits carnés, les besoins de la région devraient aller crescendo dans les prochaines années.
Alors que les besoins actuels dépassent déjà l’offre et impliquent des importations massives de poissons, la problématique de l’approvisionnement en cette source de protéines se pose avec acuité en Afrique de l’Ouest.
Les différents pays côtiers de la région ont une riche tradition de pêche grâce à leurs eaux poissonneuses, mais la surexploitation et la dégradation des écosystèmes aquatiques mettent à mal les stocks de poissons. La surpêche et la pêche illégale ont représenté 40% des captures en Afrique de l’Ouest entre 2012 et 2015, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Pour tenter de satisfaire les besoins croissants des populations, les gouvernements misent de plus en plus sur le secteur aquacole. Plusieurs pays de la région, dont le Sénégal, le Niger et le Nigeria, ont annoncé ces dernières années le lancement de feuilles de route pour développer leurs filières aquacoles.
Un engagement politique plus important est nécessaire
Le rapport élaboré par notre confrère Espoir Olodo, précise d’autre part que la production de poissons issus de l’aquaculture reste encore modeste en Afrique de l’Ouest.
A l’échelle régionale, la production aquacole a atteint 345 300 tonnes en 2020, soit environ 12% de la production halieutique totale. Mais cette contribution de l’aquaculture à l’offre totale de poissons cache des disparités entre les pays. Elle varie de 17% au Ghana à 5% en Côte d’Ivoire et plonge à moins de 1% au Sénégal.
Plus généralement, l’aquaculture a connu un développement important dans la région ouest-africaine au cours des deux dernières décennies. De nombreux pays où la filière était quasi-inexistante au début du 21ème siècle ont investi dans les exploitations aquacoles tandis que d’autres ont renforcé leur industrie avec la multiplication d’entreprises de petites et moyennes tailles. En 20 ans, l’offre ouest-africaine a ainsi été multipliée par plus de 10 en partant d’un niveau de seulement 32 000 tonnes en 2000.
Pour l’essentiel, la dynamique régionale est portée par le Nigeria, dont la production aquacole a atteint environ 262 000 tonnes de poissons en 2020. Le pays le plus peuplé d’Afrique est suivi de loin par le Ghana, le Mali, la Côte d’Ivoire et le Bénin.
Si globalement, la tendance est positive pour l’aquaculture ouest-africaine, son rythme de progression reste encore faible pour espérer réduire les importations croissantes à court ou moyen terme. Les importations de produits halieutiques ont fluctué entre 1,6 et 1,9 million de tonnes durant la période 2018-2022, soit entre 33 et 40% de la consommation de la région durant la période sous revue. La facture des achats a atteint en moyenne 1,8 milliard de dollars.
Notant que la région dispose de plusieurs atouts pour développer la filière, dont un réseau hydrographique dense et la proximité du vaste marché nigérian, le rapport identifie cependant plusieurs freins à l’essor de l’aquaculture. Il s’agit des difficultés d’approvisionnement en intrants (aliments aquacoles et alevins), du manque des financements, du déficit de formation des aquaculteurs et de leur accès limité aux nouvelles technologies.
Pour relever ces défis, les pays de la région devraient faire preuve d’un engagement politique plus important en offrant aux investisseurs privés un environnement incitatif et protectionniste vis-à-vis des importations, et en renforçant la coopération régionale, le partage des meilleures pratiques, l’harmonisation des réglementations et surtout la promotion du commerce intra-régional