Cité religieuse située au cœur du département de Linguère, Affé Djoloff a la particularité d’être le lieu d’origine de la mère de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh (Tivaouane), Sokhna Safiétou Niang, et de celle de Serigne Fallou Mbacké (Touba), Sokhna Awa Bousso. Un lien de parenté qui témoigne de l’unité et du vivre ensemble jusque-là bien conservés par les notables et guides religieux.
C’est jour de louma à Affé Djoloff. Le village grouille de monde. L’axe Affé-Sagatta Djoloff, une piste de production en pleine réhabilitation, est très fréquenté. Les taxis « wopou yaha » et autres véhicules de transport se disputent la chaussée et roulent à grande vitesse. Comme chaque jeudi, tous les chemins ou presque mènent à cette localité située dans l’arrondissement de Sagatta Djoloff. Depuis plusieurs décennies maintenant, ce marché fait partie du patrimoine local comme un événement hebdomadaire marqué sur l’agenda des commerçants et autres qui viennent de Dahra, Thiarny, Thiel, Gassane, Sagatta et autres localités alentour. Pendant toute une matinée, Affé reprend vie. Senteurs et clameurs se mélangent. Commerçants et clients se côtoient dans une bonne entente, une joie de vivre fiévreuse dont eux seuls ont le secret. Selon le maire, Cheikh Niang, ce louma date de longtemps. « Il a pris de l’importance, c’est ce qui a fait qu’il a été délocalisé et agrandi », explique l’édile de la ville. « Des recettes importantes sont enregistrées chaque jeudi », note-t-il.
L’une des particularités d’Affé Djoloff, selon son maire, c’est d’être un ardent foyer religieux. C’est ce qui explique qu’il est très couru, fait savoir le maire Cheikh Niang. Une intense vie religieuse y a toujours régné, renseigne-t-il. Depuis plus d’un siècle, fait-il savoir, la foi a guidé et continue de guider les pas des populations.
Affé Djoloff a joué un grand rôle religieux et spirituel dans la consolidation de la foi islamique au Sénégal. Cette localité n’a pas ursurpé sa vocation de centre religieux parce qu’Affé constitue un pan important de la religion musulmane au Sénégal, car étant « un cordon ombilical de deux grandes confréries » à savoir le mouridisme et la tidjaniya. Il a la particularité d’être le lieu d’origine de la mère de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh (Tivaouane), Sokhna Safiétou Niang, et de celle de Serigne Fallou Mbacké (Touba), Sokhna Awa Bousso. Il s’y ajoute que de nombreux érudits y ont séjourné, étudié, acquis du savoir et contribué à l’expansion et au rayonnement de la religion. Aujourd’hui encore, assure le premier magistrat de la ville, cette ferveur n’a pas diminué.
Mame Maty Niang, mère de Sokhna Awa Bousso qui a mis au monde Serigne Fallou Mbacké est originaire de Affé Djoloff, (département de Linguère). Son mausolée, situé à l’entrée du village, est l’attraction des talibés mourides qui y effectuent des ziarras et y organisent des séances de récitals de ‘’Xassaid’’, notamment durant le mois de Ramadan. Selon des témoignages recueillis sur place, Serigne Abdou Karim Mbacké de Ndindy s’y rend régulièrement pour se recueillir devant la tombe de sa grand-mère.
Non loin de ce lieu de culte, se trouve un grand baobab sous lequel le fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, habitué du village, récitait le Saint Coran. Cet endroit est également devenu un lieu de recueillement et de prière pour les fidèles. « Tout ceci est la raison pour laquelle la localité est très connue et fréquentée », dit Mor Niang, jeune du village.
La deuxième épouse de Seydi El Hadj Malick Sy, Sokhna Safiétou Niang, mère de feu El Hadj Abdoul Aziz Sy Dabakh, ancien khalife général des Tidiane, est aussi issue de la localité. Outre Dabakh, Sokhna Safiètou Niang, une femme aux multiples vertus, a eu avec le Saint homme trois autres garçons (El Hadj Mansour, El Hadj Habib et Alioune décédé très jeune à Diacksao) et cinq filles (Sokhna Fatimatou, Sokhna Assiétou, Sokhna Oumou Kalsoum, Sokhna Rokhaya et Sokhna Nafissatou).
D’ailleurs, Sokhna Safiétou Niang et Mame Maty Niang sont du même père : Papa Ngagne Khary Niang. Un statut particulier qui fait que, malgré la modernité, le village garde toujours sa particularité d’être une population unie d’abord par le même sang. Ainsi, Affé Djoloff, qui compte sept quartiers, ne dispose que d’une seule grande mosquée, point de convergence, chaque vendredi, de tous les musulmans du village. Ce, même si dans chaque quartier est installé au moins une petite mosquée (diakka). « C’est ce qu’avaient toujours voulu et réclamé les anciens. Nous n’allons jamais dévier de ce chemin qu’ils nous ont tracé. C’est pourquoi, on a choisi une seule personne en l’occurrence Tafsir Ngagne Ndao, avec des suppléants, à la tête de la mosquée », a relevé El Hadj Mouhamadou Lamine Bara Niang, guide religieux. À l’en croire, toutes les familles ont adhéré à cette démarche salvatrice.
Et c’est également le cas pour la chefferie. « Le village n’a non plus qu’un seul chef de village et c’est Serigne Ahmed Sy Niang. Un fait très rare dans les grandes localités. Mais, tout cela prouve que nos pères et grands-pères, unis d’abord par le sang, ensuite par la religion, ont toujours mis en avant la charia et les enseignements prophétiques », a ajouté le fils d’El Hadj Tafsir Dame Niang.
En tout état de cause, guides religieux et cadres du village sont unanimes : Affé constitue un pan important de la religion musulmane au Sénégal, car étant « un cordon ombilical de deux grandes confréries » à savoir le mouridisme et la tidjaniya.
Et si ce statut est toujours maintenu, c’est parce que les jeunes et notables du village ne cessent d’œuvrer en vue de perpétuer le legs des ancêtres. Et de vivre ensemble dans l’harmonie, la paix et la confiance réciproque. « Ici, nous n’avons aucun autre programme si ce n’est la religion », précise El Hadj Mouhamadou Lamine Bara Niang qui rappelle, pour s’en réjouir, la pléthore de Gamous, Ziarras et autres conférences religieuses, sans compter les ’’Wasifa’’ et ‘’Xadras’’ qui se font quotidiennement.
Et le combat des fidèles est de conserver jalousement cet héritage religieux, culturel et spirituel pour les générations futures.
L’œuvre d’El Hadj Tafsir Dame Niang
Quand on parle de Affé Djoloff, également appelé Affé Niang, on pense à El Hadj Tafsir Dame Niang. Né le 19 janvier 1915 de Bara Maty Lame Niang et de Sokhna Faty Bassine Niang, Tafsir Dame Niang a étudié et grandi dans la localité. Sa mère est la sœur de Sokhna Safiétou Niang, mère de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh. Ce qui, selon El Hadj Mouhamadou Lamine Bara Niang, a consolidé leurs liens fraternels avant d’être spirituels.
Il fut ‘’Muqadam’’ de l’ancien khalife général de la famille de Seydi El Hadj Malick Sy dans le Djoloff. « Mame Dabakh avait demandé à tous les talibés du Djoloff de se ranger derrière Tafsir Dame parce qu’il trouvait en lui un saint homme plein de sagesse », confie notre interlocuteur. Ce dernier fait savoir que son village a toujours été considéré comme une terre de vulgarisation de la religion islamique. Pour preuve, « tous les guides religieux qui sont passés par Affé Djoloff se sont, plus tard, distingués par leur maîtrise parfaite de la sharia et des écrits du saint Coran », a-t-il fait remarquer.
Mais El Hadj Tafsir Dame Niang était plus connu pour ses nombreux miracles, à l’instar de beaucoup d’autres érudits de Affé Djoloff. Un jour, raconte son fils, des habitants du village devaient répondre à l’appel de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh pour la refondation de Sine Djoloff, située à quelques kilomètres. Mais quand il est arrivé sur le lieu de départ, l’unique véhicule de la localité était déjà en chemin. Ne voulant pas rater le rendez-vous si important à ses yeux, El Hadj Tafsir dame Niang est retourné chez lui avant de se préparer mystiquement. Et on ne sait par quel moyen, il était le premier arrivé à Sine Djoloff où l’attendait Mame Dabakh.
L’autre prodige, poursuit notre interlocuteur, un jour les vieux du village devaient se rendre à Tivaouane. Mais le propriétaire de la voiture de transport en commun ne voulait pas l’attendre. Celle-ci tombera, toutefois, en panne à quelques encablures du village. Après les avoir rejoints en cours de route, El Hadj Tafsir Dame Niang demanda au chauffeur de redémarrer l’engin. Il le fit et ils partirent ensemble, au grand bonheur de tous.
Ce grand érudit de l’islam s’est éteint en 2003. Son fils, El Hadj Bara Niang est porté à la tête de son khalifat.
Pour conserver son héritage, ce dernier dit être sur la voie tracée par son père. Aussi, a-t-il dit, chaque année un Gamou est organisé dans la localité pour rendre hommage à El Hadj Tafsir Dame Niang, mais aussi mieux répandre son œuvre sur terre.
Terre d’avenir
Avec ses 25 villages et sa population de 6500 âmes, Affé Djoloff regorge de potentialités. Avec la route de 18 kilomètres qui est en cours de bitumage, estime le maire Cheikh Niang, la localité est promise à un bel avenir. Cette nouvelle route, indique-t-il, va booster l’économie locale. « D’ici quelques années, tous les chemins mèneront à Affé Djoloff. Déjà, nous recevons chaque jour des demandes de parcelles à usage d’habitation. Cela démontre tout l’intérêt que les gens accordent à notre terroir », indique Cheikh Niang. Ici, relève-t-il, les jeunes n’attendent pas qu’on leur donne du travail, ils se débrouillent comme ils peuvent. Et investissent dans le commerce, la boulangerie, la pharmacie et le transport. Jadis, explique-t-il, le commerce du charbon de bois était une activité très lucrative et faisait vivre beaucoup de familles. « Quand on parlait de charbon dans la zone, on pensait aussitôt à Affé Djoloff. Cette activité a connu des périodes fastes dans la zone. Beaucoup de jeunes ont construit des maisons, fondé des familles grâce à l’argent tiré de la vente du charbon», indique le maire Cheikh Niang. Cependant, note-t-il, cette activité a connu une chute libre du fait de son caractère prohibé parce que l’activité était clandestine et ils ne disposaient pas de permis de circulation délivré par les services des Eaux et forêts. « L’exploitation a fortement diminué ces dernières années. De moins en moins de jeunes prennent aujourd’hui le risque d’abattre des arbres. Avec la traque des services des Eaux et Forêts suivie d’arrestations