Le chef de la toute-puissante Garde républicaine, tombeur d’Ali Bongo Ondimba, dit vouloir mettre un terme à une « corruption massive » et redistribuer les richesses du pays aux plus pauvres.
Porté en triomphe par des centaines de ses redoutables bérets verts au lendemain du putsch au Gabon, le général Brice Oligui Nguema, jusqu’alors discret voire secret, est décrit comme un homme agissant d’une main de fer dans un gant de velours. En cinq jours, ce chef de la garde prétorienne du président Ali Bongo Ondimba, qu’il a renversé, s’est lancé dans un véritable marathon ultra-médiatisé.
Il a invité toutes les « forces vives de la nation », en plus des diplomates et des organisations internationales, pour expliquer qu’il avait pris le pouvoir pour « éviter un bain de sang », mettre un terme à une « corruption massive » et à une « gouvernance catastrophique » après cinquante-cinq ans de dynastie Bongo, et redistribuer les immenses richesses du Gabon jusqu’aux plus pauvres.
N’élevant jamais la voix, cet homme de 48 ans à la carrure athlétique et au crâne chauve a sermonné chefs d’entreprise, leaders religieux, syndicalistes, « politiciens » et journalistes, et même menacé les patrons qui participaient à la corruption, avec le regard noir et le ton ferme du militaire vantant « l’ordre et la discipline ». Il a promis d’affecter 7,2 milliards de francs CFA (11 millions d’euros) saisis en espèces aux domiciles des plus hauts responsables du cabinet de M. Bongo, dont l’un de ses fils, à des forages pour ceux qui n’ont pas accès à l’eau potable.
Devant plus de 200 chefs d’entreprise « convoqués » à la présidence, il a promis son aide aux « vrais patrons », « patriotes », à condition qu’ils renoncent aux pratiques « systématiques » de la « surfacturation » contre rétrocommissions aux plus hauts responsables de l’Etat. « Je ne le tolérerai plus », a menacé le général Oligui en fixant l’assistance.
Il a surtout annoncé la rapide privatisation des caisses de retraite et d’assurance maladie, pour mettre un terme au cauchemar de « pauvres retraités » ou de « malades » qui ne touchent pas leurs pensions ni ne sont remboursés, en raison d’une gestion catastrophique dénoncée depuis des années par la société civile.
Tout au long de ces rencontres, assis à un bureau dépouillé d’ornements, face à des centaines d’interlocuteurs dans une immense salle du palais présidentiel, il a pris consciencieusement en note chaque doléance pour y répondre. Il a ainsi promis des « élections libres et transparentes », mais sans fixer de délai ni dire si les cadres du putsch pourraient être candidats, une nouvelle Constitution par référendum et des « institutions plus démocratiques et plus respectueuses des droits humains ». « Sans précipitation toutefois », a-t-il prévenu.
Un homme du sérail
La prise du pouvoir, sans effusion de sang et à la surprise générale, par cet officier chargé de protéger le cœur du système Bongo à la tête de la toute-puissante Garde républicaine (GR), était tout sauf une évidence. C’est pourtant véritablement un homme du sérail, avancent ses rares critiques.
Ce parachutiste, chef charismatique réputé francophile, a vite gagné ses galons en tant que fidèle et dévoué aide de camp de l’ancien président Omar Bongo Ondimba, le père d’Ali, qui dirigea le Gabon quarante-et-un ans durant avant sa mort, en 2009. Formé à l’Académie royale militaire de Meknès, au Maroc, il a suivi Omar Bongo comme son ombre jusqu’à son dernier souffle dans un hôpital de Barcelone, raconte une proche à l’AFP. Ecarté en 2009 après l’élection d’Ali Bongo, il devient attaché militaire des ambassades du Gabon au Maroc et au Sénégal pendant dix ans.
Fang par son père, l’ethnie majoritaire au Gabon, il a principalement grandi avec sa mère dans la province du Haut-Ogooué, le fief du clan Bongo, dans un milieu très proche d’Omar, au point que certains le qualifient aujourd’hui de « cousin » d’Ali, sans pouvoir l’étayer. Revenu sur le devant de la scène en 2019, colonel à la tête des redoutables renseignements de la GR, il sera propulsé seulement six mois après général et chef de cette garde prétorienne de la présidence, s’imposant comme la clé de voûte du dispositif sécuritaire du Gabon.
Il a notamment poussé M. Bongo à améliorer les conditions de vie et de travail de ses hommes : réfection et modernisation des infrastructures, financement d’écoles destinées aux enfants de militaires, restauration des logements et des baraquements… Ce « meneur d’hommes » s’est rapidement attiré la sympathie, le respect et surtout la fidélité des bérets verts et au-delà dans l’armée.
Selon un rapport du consortium d’investigations Organized Crime and Corruption Reporting Project en 2020, le général Oligui s’est constitué un important patrimoine aux Etats-Unis, où il a acheté trois propriétés en 2015 et 2018 dans le Maryland, pour un total de plus de 1 million de dollars, payé en espèces.
Le Monde avec AFP