Depuis plus d’un mois, la température grimpe de jour en jour et la chaleur devient insupportable pour les populations de Dakar qui étouffent à cause de la canicule.
Reportage de Mariama DIÉMÉ » LE SOLEIL »
Depuis le début de l’hivernage, entre fin mai et début juin, contrairement aux autres régions du Sénégal, Dakar n’a enregistré qu’une seule pluie. Malgré des passages nuageux de temps à autre, le sol n’est pas assez humide pour faire baisser la température. Généralement, pendant cette période de l’année, la chaleur dicte sa loi dans cette région trop petite de par sa superficie, mais très peuplée. En cette matinée du vendredi 7 juillet, le soleil n’est pas encore au zénith. Malgré tout, une chaleur étouffante règne dans l’atmosphère. Dans les bus, on transpire, alors qu’il n’est pas encore midi. Au marché Hlm, certains commerçants ont déjà ouvert leurs cantines. Cependant, l’ambiance n’est pas encore au rendez-nous. La plupart des commerces sont fermés. Devant une cantine en zinc, un jeune homme, la trentaine, verse de l’eau fraîche sur la tête et s’essuie le visage avec la main. À la question de savoir si c’est la chaleur qui justifie son geste, il répond : « Certes, il faut très chaud, mais, je me lave le visage à cause de la poussière causée par les travaux de canalisation qui sont actuellement en cours ici ».
À côté de lui, Samba Ndiaye, son aîné, tient également un sachet d’eau fraiche qu’il a presque terminé. « Il fait extrêmement chaud ces temps-ci, en plus, il y a de la poussière avec les travaux au niveau du marché. On est obligé de boire beaucoup d’eau pour pouvoir supporter la chaleur. On peut acheter 50 sachets durant la journée à cause de la chaleur. La nuit aussi, c’est pareil, même ceux qui ont des climatiseurs chez eux souffrent à cause de la chaleur », lance cet homme, la cinquantaine, tout en continuant d’échanger les salutations en toucouleur avec ses frères qui viennent d’arriver sur les lieux.
Ici, Samba et ses frères tiennent leur business de change. Dans de petits sacs qu’ils gardent jalousement, ils sortent des billets d’euros qu’ils décomptent. « Si tu veux échanger du dollar ou de l’euro, tu peux passer ici », nous dit M. Ndiaye, d’un air taquin.
À l’autre bout du marché, en allant vers Ouagou Niayes, Ndèye Penda est assise sous l’ombre d’un arbre d’acacia, avec un sachet d’eau fraîche à la main. Habillée en marinière wax, la tête à peine couverte avec un léger foulard qui laisse apparaître sa perruque, elle sirote calmement son eau où il ne reste que de la glace. Interpellée sur la forte canicule, elle hésite un peu avant de se lancer. « La chaleur est actuellement invivable. Je suis venue au marché Hlm pour faire des achats. Mais, je n’ai pas pu supporter la chaleur. J’ai acheté un sachet d’eau pour me rafraîchir sous l’arbre avant de poursuivre mes achats. La nuit, parfois, c’était pire avec les coupures par moments. Nous souffrons vraiment à cause de la canicule », confie-t-elle.
Habitante de Rufisque, dans la banlieue dakaroise, cette dame, la quarantaine, témoigne qu’il fait aussi chaud dans sa ville que dans les autres communes de Dakar. « Pis, le constat est que, chaque année, il devient plus chaud. Parce que l’année dernière, il ne faisait pas autant chaud. Au-delà du changement climatique, je pense que la chaleur, c’est une affaire divine. C’est Dieu qui décide de comment sera le climat. Tantôt, il fait froid. Tantôt, il fait chaud. C’est Dieu qui contrôle le temps. Tout dépend de Lui », insiste-elle.
La chaleur fait l’affaire des vendeurs d’eau
Si la chaleur est insupportable pour tout ce beau monde, elle fait quand-même, l’affaire des vendeuses et vendeurs d’eau. Ils courent partout à travers la capitale et profitent des embouteillages et des arrêts de bus pour écouler quelques sachets. À l’arrêt de bus du « Garage Guédiawaye » de la commune des Hlm, il est rare de voir un bus stationné sans qu’un client ne sollicite de l’eau. Le business est devenu fructueux et attire de plus en plus de jeunes filles et garçons. C’est le cas de Marie Noël Ndione. Depuis l’approche de la tabaski, cette jeune fille, la vingtaine, s’est lancée dans la commercialisation de l’eau. « Parce que c’est une activité très rentable, surtout avec la canicule, je m’en sors très bien. Je rends grâce à Dieu. Parfois, à la descente, je rentre avec 2000 ou 4000 FCfa. Il y a certes beaucoup de vendeurs d’eau dans les parages, mais chacun y trouve son compte en cette période », avoue-t-elle. Très joviale, Marie Noël affirme qu’elle gagne pour chaque pack d’eau vendu 500 ou 400 FCfa au minimum. « Il nous arrive d’acheter des packs congelés et parfois on met de la glace dessus. Mais, de toute façon, c’est un business très lucratif avec la chaleur », dit-elle.
MOR KÉBÉ, INGENIEUR-PREVISIONNISTE A L’ANACIM
« Les conditions chaudes vont prédominer dans les jours à venir »
Ce n’est pas encore la fin de la canicule à Dakar. Selon l’ingénieur-prévisionniste à l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim), Mor Kébé, les conditions chaudes vont prédominer dans les jours à venir, à moins qu’il y ait de la pluie.
« Nous sommes actuellement au mois de juillet et du point de vue de la climatologie, c’est l’un des mois les plus chauds au Sénégal et la région de Dakar en particulier. Pendant cette période, les températures fluctuent souvent autour de 31°C à Dakar. À ces températures plus ou moins élevées, s’ajoute aussi la présence d’humidité dans cette région qui a tendance à accentuer la sensation de chaleur », explique Mor Kébé, ingénieur-prévisionniste à l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim). D’après lui, une température de 25°C dans l’air humide est plus chaude qu’une température de 35° dans l’air sec. Car, la transpiration cutanée devient « très difficile » quand l’air est humide. « Pendant cette période les seuls facteurs pouvant faire baisser les températures, sont la pluie et la couverture nuageuse. Et, depuis le début de l’hivernage, il n’a plu qu’une seule fois à Dakar. En somme, les conditions chaudes vont prédominer dans les jours à venir, à moins qu’il y ait des manifestations pluvio-orageuses qui intéressent la région », fait savoir M. Kébé. Cet ingénieur à l’Anacim explique qu’à l’échelle planétaire, l’on assiste à une augmentation de la chaleur, d’année en année. La comparaison des normales climatologiques a montré que les températures ont connu une hausse de plus de 1°C par rapport à l’époque préindustrielle. « Et ceci n’est qu’une des conséquences des changements climatiques qui a comme signal le plus fort, le réchauffement planétaire. Pour lutter contre cette hausse grandissante des températures, la principale solution, c’est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de promouvoir des activités de reboisement contribuant à capter le CO2 existant », préconise Mor Kébé.