De l’opinion publique, Elisabeth Noëlle Neumann disait qu’elle est celle-là « qui commande une attitude et un comportement de soumission, en menaçant d’isolement l’individu récalcitrant, et le politicien d’une perte de soutien populaire. »
Des objecteurs de conscience, par des sorties calculées sur la troisième candidature du Président Macky Sall, par le ton et le verbe à la limite de l’insulte qui les a portées, démontrent ainsi toute l’actualité et la pertinence de la spirale du silence théorisée par la sociologie allemande dans les années 70.
Ces objecteurs de conscience, à travers leurs sorties, fustigent l’attitude de ceux qui expriment leur vœu de voir le président Macky Sall présenter sa candidature en 2024.
Ils appuient leur argumentaire autour de deux axes :
⁃ une candidature du président Sall serait l’expression d’un recul démocratique ;
⁃ une candidature du président Macky Sall pourrait mettre en péril la concorde politique et la stabilité sociale à travers des heurts sanglants.
Ils croient de la sorte, porter les habits immaculés du héros amoureux et protecteur de son peuple. Un héros plutôt proche du héraut contraint, tant il confond aimer son peuple et faire plaisir à une minorité du peuple bien plus bruyante. Mais le bruit ne fait pas le peuple. Pas plus que l’écho ne fait la voix.
*D’une nouvelle candidature et de l’éthique plurielle
Il n’est pas difficile de déconstruire le premier axe argumentaire de nos chers objecteurs de conscience.
Dire qu’au Sénégal une troisième candidature est un marqueur de recul démocratique reviendrait à vouloir faussement considérer cela sous l’angle éthique et non point juridique. Car il est unanimement admis qu’aucune barrière juridique ne saurait s’opposer à une nouvelle candidature du président Macky Sall.
Dès lors, nos objecteurs de conscience tentent de déplacer le débat en plaçant le curseur sous l’angle de l’éthique.
Or, pour ceux qui connaissent la dimension plurielle de l’éthique, c’est chose aisée que de déconstruire de telles approximations.
En effet, nous savons, depuis Max Weber, la distinction tranchée entre l’éthique de conviction de l’éthique de responsabilité.
Dès lors, lorsque des personnes convaincues du rôle essentiel que peut jouer le Président de la République, son Excellence M. Macky Sall, dans la préservation des acquis et la gestion des menaces de toutes sortes qui nous environnent, elles -ces personnes, font appel à l’éthique. Mais pas à celle à laquelle on s’attendrait logiquement : Il ne s’agit pas ici ,d’une éthique de conviction, partisane et partiale. Il s’agit d’une éthique de responsabilité. Celle-là qui demande au président de la République de s’oublier pour penser au plus grand nombre. Qu’il s’oublie et qu’il oublie la possibilité d’aller profiter individuellement, et avec sa famille et ses proches, de ses acquis étatiques et professionnels pour se consacrer à lui-même ou pour relever de nouveaux défis à l’échelle internationale.
Nous pensons et nous soutenons que le Président de la République est un atout bien trop précieux pour que l’on observe, passif, son « utilisation » par une organisation ou une structure autre que le Sénégal. Même un poste de Secrétaire général des nations-unies, qui lui tend ses bras, n’a pas plus d’utilité pour nous sénégalais, que son maintien démocratique à la tête de notre jeune et prometteuse nation.
Aimer le Sénégal, c’est aussi cela ! Savoir éviter les éternels recommencements, surtout dans un contexte périlleux et chargé ; pour préférer une gestion expérimentée, crédible, compétente et prête à agir positivement et immédiatement sur les conditions de vie de nos compatriotes.
*Pour une éthique de la responsabilité *
Nous refusons donc de mettre sur le banc notre numéro 10 au nom d’un simple fétichisme rotatoire.
Que les potentiels et hypothétiques remplaçants restent donc au chaud, sur le banc de touche. L’heure est trop grave pour leur donner du temps de jeu juste, pour le plaisir de les voir jouer. Nous nous ne voulons pas assister à un spectacle. Nous voulons la victoire ; celle du peuple sénégalais.
Sans désemparer, nos objecteurs de conscience nous mettent en garde contre une potentielle effusion de sang. Effusion de sang qui proviendrait d’une déclaration de candidature que seule pourtant la loi encadre. Comment peut-on, au nom d’une peur du sang à verser, vouloir prendre en otage tout un peuple, toute une constitution et toute une génération ?
La lutte libère, dit-on. Alors,c’est cette même lutte, faite de résistance à l’intolérance et à l’inacceptable qui nous maintient dans notre humanité. Si la lutte pour la liberté et le triomphe du droit peut faire couler du sang, alors nous accepterons que le nôtre soit versé. Nous ne mourrons pas entièrement. Car le Sénégal nous survivra. Oui, nous sommes tous sénégalais. Il n’y a pas de sang bleu ou de sang noir. Il n’y a pas de sang pastefien, libéral, républicain ou communiste. Nous tous sommes sénégalais et chaque personne qui meurt est une partie du Sénégal qu’on assassine ! Alors, pourquoi vouloir évoquer, pour apeurer, et légitimer par la même occasion le sang de tout sénégalais qui pourrait être versé ?
Est-il normal que le jeu démocratique et l’application juste de la loi en arrive à être perçus comme potentiel détonateur de meurtre et de morts ?
Qq devons prendre conscience du stratagème subversif ainsi utilisé et éviter à l’avenir de débattre de toute proposition ou de tout énoncé qui n’entre pas dans les lignes directrices définies par la “nécessité bien comprise” de n’objectiver que « le temps présent », le contexte et l’intérêt supérieur de la Nation. Le Président Macky Sall lui, l’aura depuis toujours intégré à sa démarche.
C’est d’ailleurs l’occasion de saluer la pertinence de son refus de se prononcer sur la question de sa candidature avant l’heure. Car lui savait avant l’heure que les rabatteurs, les adeptes de roulette russes et les flibustiers seraient à l’affût.
Ils ont été perdus, ces parieurs politiques du dimanche, par l’appel au silence lancé par le Président. Un silence sur le mandat , déstabilisateur de leur agenda en les forçant à demeurer dans une sorte d’indecidabilité difficilement tenable dans le temps.
Convaincus par Neumann que le « le rôle actif d’initiateur d’un processus de formation de l’opinion est réservé à quiconque peut résister à la menace d’isolement », nous refusons. Et demandons à tous les républicains de refuser ensemble. Pour dire :
Oui Macky, présentez-vous à nouveau ; le peuple le vaut bien !
Nous invitons donc le président Macky Sall à ne regarder que cette dimension éthique de la responsabilité dans le processus menant à sa prise de décision, le moment venu et , suivant sa convenance et son bon vouloir.
Refusons d’être cette majorité silencieuse qui se sentirait vaincue en dépit de sa situation majoritaire ; refusons ce « fatalisme de la multitude » qui est, pour reprendre Bryce, « perte du pouvoir de résister, d’un sens affaibli de la responsabilité personnelle et du devoir de se battre pour ses propres opinions. »
A tous les objecteurs de conscience et autres rentiers de la tension à venir, la fin de non-recevoir suffit.
Nos convictions sont fortes, notre détermination aussi. Nous saurons tenir debout devant la ruse et l’aventure, même organisée et orchestrée.
Le Sénégal le vaut bien !
Amadou Thierno Diop & Mamadou Thiam
(Plumes Debout Pour la République), Chapitre 1- Octobre 2022.