Au Sénégal, de plus en plus des familles se désengagent tout comme l’Etat de la prise en charge des personnes souffrant de maladie mentale surtout celles qui errent, les laissant au sort de la rue. Ces dernières sans protection, ni prise en charge médicale sont soumises à des dangers permanents. L’accident du Ter en est un exemple patent.
Le Sénégal compte 15 structures de santé mentale, pour 391 lits dans 8 régions dont sept d’entre elles sont à Dakar. Selon le ministère de la Santé et de l’action sociale du Sénégal (Msa), plus de 86.000 malades mentaux ont été recensés dans ses hôpitaux psychiatriques en 2020 pour 3.515 cas d’hospitalisation. Cependant, la tutelle renseigne que la schizophrénie représentait 19,4% de ce chiffre, suivie de la bouffée délirante aiguë (16,4%), tandis que la dépression était à 5,4%.
Il faut signaler qu’à côté de ces malades prises en charge, un bon nombre continue d’errer dans les rues de la capitale et des régions sans protection médicale et sociale. Une situation décriée par l’Association sénégalaise pour le Suivi et l’Assistance aux malades mentaux. Si plusieurs personnes soutiennent qu’au Sénégal, la prise en charge des personnes atteintes de maladies mentales est toujours compliquée, l’Etat peine à mettre en place un cadre approprié pour la prise en charge de ces malades qui devait être sectorielle, tant médicale avec des internats qu’aussi sociale.
Le constat que la majorité des malades pris en charge est comptabilisée en consultation externe. Si on prend le cas du centre psychiatrique de l’hôpital Fann avec une quarantaine de lits d’hospitalisation et une fréquentation de 1542 cas par an, les consultations occupent une grande place dans ce dispositif de prise en charge.
Selon Amadou Mbengue, un des accompagnants, il n’est pas donné à tout le monde d’être admis en internat dans cette clinique. « Il faut payer le séjour, le traitement. Les médicaments sont très coûteux. A défaut, votre malade est pris en charge en ambulatoire ». Et de poursuivre : « certes, il y a des malades mentaux (péjorativement fous) dans la clinique, mais ils sont en isolement, le temps de les calmer. Mais, il faut dire que ce sont des malades bien entourés qui bénéficient du soutien de leurs familles ou proches. Mais, voir un malade errant être interné dans ces lieux est très rare ou s’il est là, on le stabilise pour un moment avant de le laisser au sort de la rue ».
Au niveau de l’hôpital psychiatrie de Thiaroye, le lieu est plutôt réservé à l’internement des malades frappés de mesures judico-médicales. En dehors des consultations externes, peu de malades mentaux y sont internés avec une marge quasiment inexistante de malades errants. Là aussi, les hospitalisations sont de courtes durées. Toutefois, pour avoir les malades errants, il faut se rendre au centre de Dalal Xel situé dans la localité de Thiès.
Dans tous les cas, le problème de moyens, la disponibilité de médicaments rythme le quotidien de ces structures et ce sont les régions qui en souffrent le plus. Et déjà en mars 2019, la Division Santé Mentale du ministère de la Santé regrettait dans un rapport « l’insuffisance des ressources humaines, de personnels qualifiés dans la prise en charge psychiatrique, de budget alloué à la santé mentale et l’indisponibilité des psychotropes ». Dans une des sorties du ministère de la Santé, seuls 35 psychiatres sont disponibles sur toute l’étendue du territoire. Des efforts dans ce domaine ont été faits avec la réhabilitation de plusieurs centres de psychiatrie dans les régions dont celui de Kénya dans la région de Ziguinchor, la dotation de tous les centres de psychiatres. Malheureusement ces structures continuent de « refouler »les personnes qui en ont le plus besoin à savoir les malades errants faute de moyens, ce qui les expose à des dangers de toutes sortes (viol, accidents, maltraitance entre autres).
Pour rappel, le rapport d’enquête sur les malades mentaux de l’Association sénégalaise pour le Suivi et l’Assistance aux malades mentaux fait état de près de 4000 malades mentaux errants au Sénégal, aussi bien dans les rues qu’au sein même des familles. Dans la capitale sénégalaise, 375 malades mentaux errants y sont comptabilisés selon toujours ce rapport, malgré la polarisation de la plupart des services de santé mentale et la concentration presque de la totalité du personnel spécialisé.