Peut-on toutes expérimenter l’«émission fontaine» ou est-ce seulement réservé à quelques-unes ? Réponses d’un andrologue sexologue et d’une psychothérapeute sexothérapeute.
Longtemps relayée au rang des créatures mythiques à côté des licornes et autres sirènes, la femme fontaine existe pourtant bel et bien. «C’est une femme qui, au moment de l’excitation sexuelle ou au cours de l’orgasme, va émettre une quantité de liquide pouvant aller jusqu’à l’équivalent d’une cannette de soda», définit Pierre Desvaux, andrologue, sexologue, directeur d’enseignement à Paris-Descartes et co-auteur du livre Femmes fontaines et éjaculation féminine, mythes et réalité.
Reconnaître le phénomène
Provenance de l’émission
Lors d’une étude réalisée en 2015, Pierre Desvaux et Samuel Salama ont mis en avant l’origine du liquide de cette éjaculation féminine. Les deux confrères ont examiné sept femmes concernées volontaires avant, pendant et après leur émission. À l’aide d’échographie, ils ont observé que le liquide provenait de la vessie et qu’il possédait «la même structure chimique que les urines, à une différence près : sur cinq patientes sur sept, il y avait une substance chimique fabriquée uniquement par la prostate», décrit Pierre Desvaux.
Contre toute attente, cet état n’est pas si rare. Alors comment savoir si on en fait partie ? «En général, cela ne passe pas inaperçu», répond le sexologue. Mais toutes les femmes ne sont pas «fontaines» de la même manière. Au cours de leurs travaux (2) sur le sujet en 2015, Pierre Desvaux et son confrère Samuel Salama, gynécologue et sexologue, ont mis en lumière quatre cas différents. Les deux premiers concernent le déclenchement du phénomène : «Les « dépendantes », les plus nombreuses, sont fontaines grâce à la stimulation du point G et peut-être de l’urètre» en opposition aux « »autonomes » chez qui le liquide est expulsé au moment de l’orgasme sans stimulation du point G». Et deux formes cliniques qui catégorisent l’aspect de l’écoulement. On y trouve les «jaillissantes», pour qui l’écoulement peut avoir deux voire trois mètres de portée, en opposition aux «ruisselantes», chez qui le liquide s’écoule du sexe telle une cascade.
«Certaines femmes sont concernées dès 18 ans et d’autres plutôt vers 40, après avoir eu plusieurs enfants ou avec un nouvel amant», précise la psychothérapeute et sexothérapeute Caroline Lesaffre-Meauxsoone, auteure d’un travail universitaire intitulé L’Émission fontaine ou l’éjaculation féminine. L’émission de liquide n’est pas automatique. Dans le cas des dépendantes, certaines «peuvent le contrôler parfaitement voire jouer avec», informe le sexologue.
Pouvons-nous toutes être femmes fontaines ?
Émission fontaine ne signifie pas « super orgasme »
«Être femme fontaine n’est pas lié à l’orgasme, c’est comme une décharge qui ne calme pas l’excitation sexuelle», explique Caroline Lesaffre-Meauxsoone. Souvent vendu par les coachs comme le summum de la jouissance féminine, l’écoulement est quelque chose de plaisant pour celles qui le vivent mais ne pas être fontaine ne signifie pas que l’on a une «sexualité au rabais», complète Pierre Desvaux.
Devenir fontaine ne coule pas de source, si l’on peut se permettre l’expression… «Techniquement oui, en pratique c’est très modulé par le contrôle que l’on a sur soi», explique Pierre Desvaux. En effet, trois facteurs conditionnent cet état. Pour y parvenir, le sexologue précise trois conditions : «Apprendre à lâcher prise, accepter une stimulation de la zone du point G et pousser». Pour cette raison, on retrouve des coachs proposant des formations pour devenir femme fontaine à l’aide de tutoriels vidéo ou lors de soirées de coaching. À l’instar de la journaliste et réalisatrice américaine spécialisée dans la sexualité et la pornographie féminine, Deborah Sundahl, la plus connue de toutes.
De même, toutes les femmes fontaines n’y arrivent pas seules. Parmi celles interrogées par Caroline Lesaffre-Meauxsoone : «70% y arrivent par les mains de leur partenaire, 20% avec le sexe de l’homme et 10% seules avec leurs doigts». Au bout du compte, les deux spécialistes s’accordent à dire : si on ne parvient pas à devenir fontaine de ses propres mains, il suffit de trouver une «bonne source» pour faire venir les «grandes eaux». Un objectif, si tel était le cas, qui n’est pas inaccessible, donc.