Situées dans la commune de Koussanar, les terres agricoles des villages de Koutiakoto et de Koumbidia étaient menacées par le phénomène de l’érosion hydrique avec comme conséquences l’ensablement de leurs vallées, le ravinement de leurs versants et la perte des sols. Les ouvrages de défense et de restauration des sols (Drs) de l’Institut national de pédologie (Inp), à travers des cordons pierreux et des diguettes, ont permis une bonne récupération des terres en amont et d’épargner les bas-fonds.
Koutiakoto, à une vingtaine de kilomètres de Koussanar, région de Tambacounda, ne se distingue en rien des autres villages du Sénégal. Un charme bucolique, quelques cases en pisé, un grand arbre à palabres surmontant un auvent au milieu du village où devisent des personnes âgées dont la tranquillité est perturbée, de temps à autre, par les gambades de quelques mômes. Si cette scène est commune à beaucoup de bourgs du Sénégal, il y a un phénomène qui sévit à Koutiakoto qui ne se rencontre pas partout : la dégradation des terres par érosion hydrique. Ici, pas besoin d’un dessin pour en voir les manifestations.
Sur une partie du flanc de la zone de plateau (hauteur), le sol est devenu dur, les particules sédimentaires devant favoriser la végétation ayant disparu à cause du ruissellement des eaux. Du coup, l’herbe n’y pousse plus alors que les rares arbres encore debout ont une partie de leurs racines à l’air libre. Mais l’impact de l’érosion hydrique ne se limite pas seulement à la dégradation des parties fertiles. Elle cause également l’ensablement des bas-fonds en y déposant les sédiments entraînés par le ruissellement et qui empêchent une bonne pratique rizicole. Un double dommage préjudiciable.
Pour y faire face, l’Institut national de pédologie (Inp), dans le cadre de ses activités régaliennes, a réalisé, en partenariat avec le Programme d’appui au développement agricole et à l’entrepreneuriat rural (Padaer), des ouvrages de défense et de restauration des sols (Drs) à Koutiakoto, en 2017. « Le mécanisme du Drs cherche à ralentir le ruissellement et favoriser l’infiltration. Cela permet, en même temps, à la partie fertile du sol de rester sur place et à l’herbe de pouvoir pousser, il y a donc revégétalisation. Par ailleurs, les vallées sont épargnées par l’ensablement », explique Mamadou Thiam, Délégué Inp de Tambacounda.
À Koutiakoto, les ouvrages Drs réalisés par l’Institut national de pédologie sont de type cordon pierreux sur un linéaire de plus de 1000 mètres. Et cette action est en train de porter ses fruits. Sur une bonne partie du flanc de la vallée qui s’étale sur 10 hectares, l’herbe recommence à pousser, comme en témoigne le comblement des ravins et le bas-fond où les habitants de Koutiakoto et des trois autres villages alentours poursuivent leurs activités agricoles sans grande inquiétude. « Depuis 2017, la culture du riz a repris de plus belle dans nos faros (bas-fond). Les rendements ont augmenté parce que nous ne subissons plus l’ensablement », confie Badi Ndao, habitant de Koutiakoto et un des relais formés par l’Inp pour l’entretien de ces ouvrages. Justement, à propos de l’entretien qui tient particulièrement à cœur l’Inp, Badi Ndao assure qu’ils en ont fait un défi. À juste titre. « Notre vie dépend de cette vallée, donc nous avons l’obligation de bien nous occuper de ces cordons pierreux qui, à nos yeux, ont la même valeur que les intrants agricoles comme les semences », dit ce grand échalas dans un wolof approximatif mais assez compréhensible.
Les diguettes salutaires
Comme Koutiakoto, le village de Koumbidia situé à quatre kilomètres de Koussanar fait face à la problématique de la dégradation des terres par érosion hydrique. Ici également, l’Inp est intervenu pour mettre en place, en plus des cordons pierreux, des diguettes. Ces ouvrages, se félicite le Délégué Mamadou Thiam, ont permis un comblement conséquent des ravins en amont et une revégétalisation des flancs tout en évitant l’ensablement des bas-fonds. « Voyez comment la végétation autour de la vallée est dense au point que les services des Eaux et Forêt nous conseillent de faire des feux précoces pour éviter les feux de brousse, préserver le tapis herbacés et nos concessions. Et pourtant, il y a quelques temps, cette terre était quasiment nue à cause de l’érosion hydrique », témoigne Ngouye Camara, chef de village de Koumbidia. En plus des ouvrages Drs, M. Camara indique que l’Inp leur vient en appui en phosphate. Une intervention donc qui leur a permis non seulement de régénérer leurs sols mais aussi d’augmenter leurs rendements. Depuis qu’un barrage a été réalisé sur le bas-fond, Ngouye Camara souligne que les riverains de la vallée ne font plus de la riziculture, donc il ne leur reste que les pourtours pour faire du sorgho, du maïs, de l’arachide. « Pour vous dire ô combien l’intervention de l’Institut national de pédologie est déterminante », ajoute le chef de village.
Si l’érosion hydrique est aussi prégnante à Tambacounda, c’est parce que, explique Samba Sow, Chef de la Division fertilité et restauration des sols de l’Inp, la région est une zone accidentée où on rencontre des plateaux et des bas-fonds. « Dans un tel contexte, quand il pleut, avec la raréfaction des végétaux qui sont coupés de plus en plus, l’eau a tendance à partir des points hauts vers les bas et en ruisselant, elle provoque le phénomène de l’érosion », fait-il savoir. Devant une telle situation, les ouvrages Drs, en freinant la vitesse d’écoulement des eaux, ont un double avantage : sauvegarder les plateaux et protéger les bas-fonds.
LUTTE CONTRE LA DÉGRADATION DES TERRES
Le pari gagnant de l’approche inclusive
La dégradation des terres, notamment la salinisation, la baisse de fertilité et l’érosion gagne de plus en plus du terrain au Sénégal. Dans le Sine-Saloum (Kaolack et Fatick), le phénomène se manifeste par la salinité des sols, tandis que dans la zone pédoclimatique de Tambacounda, il se traduit par l’érosion hydrique. C’est fort logiquement donc que l’Institut national de pédologie y mène des activités de sauvegarde et de restauration des sols. La tournée effectuée du 20 au 23 décembre dernier dans les Délégations Inp de Kaolack et de Tambacounda a été l’occasion de s’imprégner des impacts sur le terrain. « C’est heureux de voir que certains ont commencé à reprendre l’activité de production agricole comme le riz. C’est un travail de longue haleine. Il faut donc un suivi et répéter les actions », insiste Samba Sow, Chef de la Division fertilité et restauration des sols de l’Inp. Il révèle que la salinisation des terres est le deuxième type de dégradation le plus étendu en termes de superficie au Sénégal derrière l’érosion hydrique. « Et ce phénomène s’aggrave de jour en jour », fait-il savoir.
L’approche de l’Inp, explique Samba Sow, c’est d’intervenir auprès des populations mais en appoint ou en synergie avec d’autres acteurs. « Parce que la dégradation des terres est un phénomène complexe, difficile à résoudre, il faut donc une synergie d’actions. L’approche de l’Inp s’inscrit donc dans la durabilité. Elle se traduit par « faire avec », c’est-à-dire que nous faisons avec les populations, nous ne leur imposons rien, nous les accompagnons, renforçons leurs capacités pour leur permettre de continuer les actions une fois que nous ne serons plus là », explique-t-il. Selon lui, il n’y a pas mieux que les populations elles-mêmes pour prendre en charge la question de la dégradation des terres. C’est fort de cette conviction que l’Inp insiste sur la formation, précise son Chef de la Division Fertilité et Restauration des sols. Elh. I. THIAM
NGUÈNE SÉRÈRE
L’apport décisif du compost
Sols plus riches, plantes moins malades, augmentation de la rétention d’eau, diffusion plus facile et plus rapide des nutriments dans le sol grâce au recyclage des déchets organiques… Les avantages du compost ne sont plus à démontrer. Les femmes du village de Nguène Sérère, commune de Missirah, département de Tambacounda, qui s’activent dans le maraîchage et la culture de la banane ne diront pas le contraire. Depuis que l’Institut national de pédologie (Inp) les a formées dans la fabrication et l’utilisation de fertilisant naturel, elles ne se plaignent plus de rendements faibles. Dans le domaine agricole de 58 hectares du village où poussent banane, ananas, papaye, citron, orange, fleurit aussi un jardin maraîcher communautaire où l’essentiel de l’engrais organique va. « Mais nous l’utilisons aussi pour nos plantations de banane. Entre une plantation où l’on utilise de l’engrais chimique et une plantation où l’on répand du compost, le résultat saute aux yeux. Les bananes avec compost sont de meilleure qualité et en meilleure santé. Les rendements aussi sont meilleurs », confie Chantal Dione.
Marie Louise Dione, vice-présidente du Gie des femmes de Nguène Sérère embouche la même trompette en donnant l’exemple des laitues et des aubergines qui, selon elle, s’épanouissent mieux quand elles sont saupoudrées de fertilisant naturel. Un produit que ces femmes ont appris à fabriquer elles-mêmes grâce à l’Inp. En bordure du jardin maraîcher, trois caissons en ciment servent à produire le compost. Ces femmes en demandent plus.
La formation en compostage entre dans le cadre de la lutte contre l’appauvrissement des terres, rappelle Mamadou Thiam, Délégué de l’Institut national de pédologie à Tambacounda. « Dans cette dynamique, l’Inp met en œuvre des activités de formation pour la promotion de méthodes de gestion et d’exploitation durables. Entre autres, la bonne gestion de la matière organique par la technique de compostage », souligne-t-il. Le compostage est un processus biologique de conversion des matières organiques en un produit semblable à un terreau, riche en composés humiques et minéraux, appelé compost.