Que cela soit intentionnel ou provoqué, les pays africains ont, en 2022, été absents sur le marché international des eurobonds. Perçus comme un « gros » risque par les investisseurs, les conditions d’accès leur sont devenues plus complexes.
A l’exception du Nigeria et de l’Angola, aucun autre pays africain n’a émis des obligations internationales (eurobonds) pour financer son économie en 2022. Les deux souverains ont respectivement mobilisé 1,3 milliard $ et 1,8 milliard $, pour un total de 3,1 milliards $ sur l’ensemble des pays du continent. Ce chiffre est en baisse de 74%, lorsqu’on le compare aux 11,8 milliards $ mobilisés par ces émetteurs en 2021.
S’il est difficile d’établir un lien de causalité, cette situation est allée de pair avec le discours des principales agences internationales de notation, qui ont constamment rappelé que la conjoncture marquée par les hausses de prix et les dépréciations des monnaies ont compliqué la capacité de ces pays à rembourser leurs dettes extérieures.
Dans ce contexte, les investisseurs ont rapidement augmenté la prime de risque qu’ils exigent sur les eurobonds de ces pays. Malgré les défis auxquels les gouvernances économiques sont confrontées, le système financier international semble encore négliger le fait que depuis ces dix dernières années, l’Afrique est la victime de problèmes internationaux qu’elle n’a pas contribué à créer.
La crise financière de 2008, provoquée par une régulation quasi inexistante des produits financiers complexes, a eu pour entre autres conséquences le renforcement des conditions d’octroi des crédits par les banques internationales. Alors que ces dernières sont les plus à même de soutenir les ambitions d’investissement des pays africains. Parmi les autres crises majeures, on retrouve la Covid-19 et son impact sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, ainsi que les conflits entre la Russie et l’Ukraine et entre les Etats-Unis et la Chine, qui renforcent la volatilité sur les marchés des matières premières agricoles et énergétiques.
Mais pour des experts de l’agence de notation GCR Ratings basée en Afrique du Sud, tous ces problèmes se résument en un seul, qui est la cherté du dollar. Au sommet des pays victimes de cette conjoncture, on retrouve le Ghana. Le pays se remet peu à peu des difficultés de 2022, après avoir souffert d’une inflation record à plus de 50%, d’une dépréciation de sa monnaie et du creusement de son déficit budgétaire.
L’année 2023 ne s’annonce pas sous de meilleures perspectives. La Banque centrale américaine n’est toujours pas certaine de ralentir sur ses taux directeurs qui déterminent le coût du dollar, le conflit en Ukraine ne trouve pas de voie de sortie et les tensions continuent de monter entre les Etats-Unis et la Chine.
Pour plusieurs pays africains, il faudra commencer à rembourser la dette internationale, et le Ghana a déjà donné le ton en suspendant le service de sa dette. Il n’est pas exclu qu’un pays comme le Nigeria suive le même chemin en raison de l’arrivée prochaine des maturités sur ses emprunts internationaux. Entre un marché local où les taux d’intérêt des banques commerciales grimpent et un marché international des obligations où ils sont parfois injustement sanctionnés, les pays africains n’ont que peu de marge et le système de Bretton Woods n’a jusqu’ici apporté qu’un appui assez limité.