À ‘’Tally Bou Bess’’ comme partout dans les différents arrêts automobiles de Dakar, des groupes de personnes interceptent les voyageurs ou servent d’intermédiaires entre ces derniers et le chauffeur de transport en commun, ils sont appelés ‘’coxeurs’’. À la gare routière des Baux maraîchers de Pikine, ils sont souvent pointés du doigt et vont jusqu’à être traités de voleurs.
11h passées de quelques minutes à Bountou Pikine, l’ambiance règne déjà. Plus loin, vers la route menant à Tally Bou Bess, un jeune homme, la trentaine, posté à côté d’un car ‘’Ndiaga Ndiaye’’, nous demande si nous allons à Colobane. Nous poursuivons notre chemin jusqu’au garage ‘’Clando’’ où Mamadou Moustapha Thiam officie en tant que ‘’coxeur’’. «Les ‘’coxeurs’’, dans certains modes de transport sont appelés des Régulateurs, c’est-à-dire ce sont eux qui se chargent de faire en sorte qu’il n’y ait pas de problème entre les chauffeurs, ils classent les véhicules par ordre de départ», nous explique Pa Thiam. Voulant encore être plus explicite, il avance qu’ «organiser les chauffeurs est le seul rôle que doit assurer le ‘’coxeur’’ principalement».
Il poursuit : «A la fin de chaque journée, chaque chauffeur remet quelque chose (argent) au ‘’coxeur’’. Il y a aussi de ces endroits où chaque chauffeur, avant de quitter, donne de l’argent au ‘’coxeur’’ une fois le chargement terminé. Il peut ainsi percevoir 100 FCFA, 200 FCFA ou même 50 FCFA, c’est juste en fonction du mode du trafic et du nombre de passagers amenés par le ‘’coxeur’’. Il y a des garages très organisés qui ont même des tickets pour ça, par exemple ici dans notre garage, chaque chauffeur donne 400 FCFA par jour que l’on répartis entre la Mairie, à qui nous devons des droits de taxe sur le parking occupé, la Caisse du garage et à nous les ‘’coxeurs’’.
Si on laissait les apprentis ou les chauffeurs seuls, entre eux, il pourrait y avoir des tiraillements, car la tolérance, entre eux, fait généralement défaut. C’est pour cette raison qu’on a instauré le ‘’coxeur’’ afin de régler les conflits. Il faut savoir que beaucoup des ‘’coxeurs’’ sont d’anciens chauffeurs qui n’ont plus de véhicules et la majorité d’entre eux disposent de permis de conduire et se sont convertis pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Il y a une différence entre ce qu’on appelle ‘’coxeur arrêt’’ et ‘’coxeur garage’’. Les ‘’coxeurs’’ de garage sont bien organisés, ils travaillent en groupe et prennent service de très bonne heure. Il y a de ces heures où le garage est un peu calme, il n’y a pas beaucoup de chauffeurs qui risqueraient de se disputer pour des clients ou bien à réorganiser, en ce moment-là, le ‘’coxeur’’ est donc à l’aise dans son travail». Abordant la question de l’irrégularité sur la hausse des prix du transport dans certains garages, Mamadou Moustapha Thiam fait savoir que le ‘’coxeur’’ est un organisateur. «En général, ce sont les apprentis chauffeurs qui fixent les prix à l’insu du chauffeur de véhicule de transport en commun, ceci entraîne souvent un désordre, ce n’est pas bon pour la clientèle et ce n’est pas normal.
La hausse des prix du transport n’est pas la prérogative du chauffeur encore moins du ‘’coxeur’’, mais c’est un décret présidentiel qui doit s’en charger. Cependant, il faut savoir que la responsabilité du client est aussi engagée, parce que si on hausse les prix et que vous trouvez cela injuste vous devez donc refuser et s’il le faut, vous vous regroupez et allez dénoncer auprès de qui de droit. Le manque de dénonciation de ces genres de faits et l’absence de ‘’coxeur’’ à certains ‘’arrêts’’ sont généralement la cause de nombreuses hausses abusives notées dans le transport. A ma connaissance, il n’existe nulle organisation ou structure légale regroupant les ‘’coxeurs’’, mais dernièrement, il y a eu une sorte de recensement des chefs de garage ; des gens sont passés nous voir dans ce cadre disant qu’ils veulent nous formaliser. Je pense que c’est une initiative de l’Etat en gestation, il pourrait aider comme cela a été le cas durant la Covid avec les ‘’Jakarta men’’ ; des fonds d’appui ont été distribués à ces gens mais les ‘’coxeurs’’ n’en ont jamais bénéficié», fait savoir le vieux Thiam. Après ce vieux, notre reportage nous conduit à la gare routière des Baux maraîchers où Cheikh Diop, la trentaine, criant sans cesse ‘’Tamba wala Kaolack fo dieum’’ nous aborde dès que nous nous dirigeons vers la grande porte.
Après la déclinaison de notre sujet de reportage, il tente de lever un coin du voile sur le métier de ‘’coxeur’’. «Je ne suis pas ‘’coxeur’’ tout le temps, c’est juste lorsque je ne dispose pas de voiture que je fais ça, je suis chauffeur la plupart de mon temps. Par contre, il y a d’autres qui sont des ‘’coxeurs’’ ou du moins c’est ce à quoi ils s’adonnent dans ce gare-routière, ils abordent les voyageurs juste à l’entrée et leurs proposent des véhicules censés aller à telle ou telle destination. Ils collaborent avec des chauffeurs dont le véhicule est en train d’être chargé quelque part dans la gare et prêt à partir. Ces chauffeurs leur demandent de trouver des clients dans les plus brefs délais afin de compléter les quelques places qui restent encore. Ils sont ensuite rémunérés d’un montant de 1000 FCFA voire plus selon les chauffeurs, la taille du véhicule ou le trajet même du voyage. Certains ‘’coxeurs’’ sont très connus de beaucoup de chauffeurs, ils sont tout le temps appelés au téléphone et ont des tableaux qui indiquent des destinations telles que Tamba, Guinée, Fouta, Touba et autres». «Des apprentis chauffeurs maliens ou guinéens se ‘’transforment’’ souvent en ‘’coxeurs’’ à leur arrivée à la gare, ils vont à la porte pour guetter les voyageurs, par exemple ils vous proposent une voiture qui prétend aller jusqu’à votre destination alors qu’il n’en est rien, ils ne veulent que gagner une rémunération auprès du chauffeur, c’est malhonnête et ce dernier va quand même, en cours de route, affréter un autre bus pour le client», informe le jeune ‘’coxeur’’.
Sous le couvert de l’anonymat, ce bagagiste poussant avec force un chariot rempli de bagages qui doivent certainement être acheminés parmi les horaires de Louga, renseigne sur le mauvais comportement de certains ‘’coxeurs’’ devant la gare des Baux maraîchers. «Certains voyageurs ont tendance à avoir peur des ‘’coxeurs’’. Je ne cautionne pas la manière abusive d’aborder les voyageurs en les importunant et d’ailleurs beaucoup d’entre eux sont taxés de bandits ou de voleurs, vu leur brutalité. Parfois, ils accourent en groupe et vous bousculent tout en vous demandant où vous allez et c’est gênant. Ce sont les apprentis guinéens qui le font le plus souvent, ils arrivent dès fois aborder une personne et celle-ci fait la sourde oreille juste parce qu’ils n’ont pas été polis. Il y a une façon d’aborder un inconnu, le saluer par exemple, mais eux malheureusement ne le font pas, ils ne vous disent même pas ‘’Salamalec’’ et s’agrippent à votre sac de voyage», nous dit le bagagiste tout essoufflé.