Le Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices) fait face à plusieurs menaces, notamment celle relative à son foncier. De 107 hectares, la superficie du Cices est aujourd’hui de moins de 30 hectares. C’est pourquoi, le Directeur général, Salihou Keita, interrogé par « Le Soleil », invite les autorités à revisiter la Convention de concession qui lie l’Etat du Sénégal à sa structure. C’est la seule façon, selon lui, de sécuriser ce périmètre réduit comme peau de chagrin par les prédateurs.
Propos recueillis par LE SOLEIL
Monsieur Salihou Keita, vous êtes le directeur général du Cices. Nous sommes à quelques jours de la clôture de la Fidak, est-ce que vous pouvez nous faire un bilan à mi-parcours ?
Avant de parler de bilan, permettez-moi de rappeler que nous avons démarré la 30ème édition de la Foire internationale de Dakar (Fidak), le 15 décembre 2022. La cérémonie a été présidée par deux ministres en charge du Commerce, le ministre sénégalais du Commerce et de la consommation et des petites et moyennes entreprises, Abdou Karim Fofana et son homologue de l’Algérie. L’Algérie est choisie comme pays invité d’honneur, parce que les relations entre les deux pays sont très bonnes et cordiales. Le Chef de l’Etat, Macky Sall a récemment effectué une visite officielle à Alger où il a rencontré le secteur privé algérien. Il est bon de savoir qu’entre l’Algérie et le Sénégal, au-delà de la ligne aérienne, nous avons l’ouverture de l’axe maritime. Et très bientôt on aura une banque algérienne à Dakar. Nous notons donc entre les deux pays une nouvelle dynamique de renforcement de la coopération bilatérale. Dans les différentes éditions de la Fidak, l’Algérie a toujours fait une participation remarquable. C’est pour cela que nous avons choisi ce pays comme invité d’honneur à titre honorifique. Aujourd’hui, tout le monde voit le pavillon tertiaire où on note plus de soixante entreprises algériennes. A côté, ils sont avec le Club des investisseurs du Sénégal (Cis).
Pourquoi avoir choisi le thème sur la souveraineté économique ?
Pour cette édition, nous avons choisi comme thème : « Le secteur privé national face aux défis de souveraineté économique ». C’est un thème d’actualité, parce que nous sommes un démembrement de l’Etat du Sénégal. Et le Gouvernement qui doit s’occuper des problèmes des Sénégalais a subi les méfaits de la Covid 19 et de la crise ukrainienne. Depuis lors, l’orientation donnée par les autorités sénégalaises, c’est la diminution de la dépendance du Sénégal sur les chocs exogènes, mais aussi et surtout de promouvoir la souveraineté économique. Mais cette souveraineté économique est fondée sur le secteur privé qui est un vecteur de création d’emplois, de richesses et de croissance. Il nous faut donc une croissance endogène pour que demain, quelques soient les crises à l’étranger, que cela ne se répercute pas sur l’économie sénégalaise. En tant qu’entité de l’Etat, c’est une obligation que nous avons d’apporter notre soutien à cette nouvelle vision.
A l’image de beaucoup d’autres structures, la Covid-19 vous a aussi impactés, quel est le manque à gagner, selon vous ?
Rester une année et ne pas organiser la Fidak est un manque à gagner pour le Cices. Parce que nous sommes la seule structure évènementielle de l’Etat. Et quand on est dans l’évènementiel, on organise les activités. Mais pendant, la Covid 19 les rassemblements n’étaient pas prévus. C’est pourquoi, on perd au moins un milliard à chaque édition de la Fidak manquée. En 2019 et 2020, nous n’avions pas organisé la Fidak et cela s’est répercuté sur le fonctionnement même du Cices. C’est pourquoi, nous avons travaillé sur une nouvelle orientation. J’ai été installé comme Dg du Cices, le 20 juillet 2020, en pleine Covid 19. Mais nous avons fait l’état des lieux pour mesurer le poids de la tâche. Et cet état des lieux a révélé beaucoup de choses.
Qu’est-ce que cela a révélé…
Le Cices est d’abord frappé par la vétusté de ses installations. Il est aussi frappé par la réduction de son périmètre géographique et de son périmètre d’activité. La vétusté de nos infrastructures a des répercussions sur nos résultats financiers. Parce que beaucoup d’acteurs et de clients se disent que ce n’est plus la peine d’aller au Cices, parce que le cadre ne répond plus. Je dois rappeler que le Cices est un patrimoine économique, culturel, touristique et architectural. En 1971, la vision du président Senghor était très belle. Car, il s’agissait de mettre en place un centre afin de promouvoir les échanges commerciaux entre le Sénégal et les autres pays. Aucun pays ne doit vivre en autarcie. Il s’agit donc de créer des rencontres commerciales entre opérateurs économiques du Sénégal pour favoriser les échanges et instaurer des partenariats économiques exemplaires. La finalité c’est la promotion de l’expansion économique du Sénégal. Notre mission en tant que Cices, c’est d’organiser des foires et des salons et ces manifestations commerciales sont très importantes. Pour ce qui est de notre périmètre d’activités, il faut dire que nous avons maintenant l’Asepex qui a été créée à partir du Cices. Le travail de promotion des exportations incombait au Cices, mais le président Abdoulaye Wade a décidé de mettre en place une agence qui s’occupe de la promotion des exportations. Ce n’est pas un problème à mon avis, parce que nous devons mutualiser nos efforts pour promouvoir les exportations. Le Cices est un contenant qui organise l’évènement, mais le contenu c’est l’Asepex, le Cosec, l’Adpme qui accompagnent les Pme sénégalaises pour venir participer à l’évènement créé par le Cices. Mais cet évènement se passe au Sénégal et à l’étranger aussi. D’ailleurs dès ma prise de fonction, je suis allé voir les chambres consulaires et les chambres de métier pour dire que l’évènement ne doit pas seulement rester à Dakar. Il nous faut donc aller dans les régions et à l’étranger. Enfin, la réduction du périmètre géographique est une réalité parce qu’au départ, le Cices c’était 107 hectares aujourd’hui, on est moins de 30 hectares. Un parc d’expositions ne doit pas faire moins de 100 hectares, parce que le parking fait partie de l’offre. Nous avons été à Dubaï où l’exposition est de dimension mondiale. Quelle que soit la masse de visiteurs qui arrive, nous avons un parking pour se garer. Aujourd’hui, le président Macky Sall m’aide pour qu’il n’y ait plus un seul mètre carré à usage d’habitation. Nous allons valoriser ce qui reste en appelant l’Etat du Sénégal à nous aider à réviser la convention de concession. Ladite convention a expiré depuis 2009. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de renouveler cette convention, mais plutôt pour sécuriser le foncier qui appartient à tous les Sénégalais et non à des prédateurs fonciers qui sont dans l’administration. La seule chose qui les intéresse c’est de prendre le foncier du Cices et d’en faire des maisons à usage d’habitation. Il nous faut aller, aujourd’hui, vers la réhabilitation du Cices et en faire un hub économique et culturel.
Quel est le coût de la réhabilitation du Cices ?
Ce que nous voulons c’est de faire du Cices, un centre des affaires, de promotion culturelle mais également des loisirs. Le Cices est un parc d’expositions et de congrès. Les grandes réunions et les grands rassemblements se passaient ici. Nous n’avons pas le droit de délaisser le Cices. En attendant de réhabiliter, nous avons demandé à l’Etat du Sénégal de mettre à notre disposition le parc des expositions de Diamniadio pour nous permettre d’organiser des salons spécialisés parce que la cible est professionnelle. Nous sommes la seule structure évènementielle de l’Etat et nous voulons accompagner l’Etat. La réhabilitation a un coût certes. C’est pourquoi, nous avons reçu l’accompagnement du chef de l’Etat, Macky Sall qui a fait que nous avons reçu un appui de la fondation Getty du Canada pour démarrer une phase d’études. Aujourd’hui, la nouvelle maquette futuriste du Cices est disponible. La seule chose qui reste, est que les autorités nous aident à réviser la convention de concession. Une fois que c’est fait, dans le cadre d’un partenariat public-privé, le Cices va aller dans sa réhabilitation.
Pourquoi, cette année les éleveurs n’ont pas exposé au Cices ?
Je n’ai pas vu le ministère de l’Elevage, ni le ministère de l’Agriculture. Ils ont tous reçu l’invitation du Cices, parce que la Fidak dépasse la Foire internationale de l’agriculture et des ressources animales (Fiara) parce que c’est une foire internationale. Il s’agit, avec les 24 nationalités qui sont là, de leur montrer les facettes économiques et commerciales du Sénégal. Nous avons le pavillon brun qui est le pavillon institutionnel, mais ces deux ministères ont favorisé la Fiara au détriment de la Fidak. Nous ne savons pas aussi pourquoi le ministère de l’Environnement n’est pas venu cette année, alors que l’année dernière ce ministère était la première institution en terme de participation. Je pense qu’il faut mettre de côté les clivages politiques. Quand il faut travailler pour le Sénégal, il faut faire fi de ces calculs politiques. Barthélémy Dias est un opposant farouche, mais quand il faut travailler pour le Sénégal, on doit mettre de côtés les clivages politiques. J’ai été voir tout le monde. Soham Wardini l’avait compris en mettant la main à la poche et Barthélémy Dias aussi. Quand on est dans une République, il faut qu’on soit galant.
Les exposants ont dénoncé la cherté des stands, cette année, que leur répondez-vous ?
Ce n’est pas une première que nous entendons ce genre de récriminations. Mais quand vous allez en Côte d’ivoire et au Burkina Faso, comparez les prix. Les prix au Sénégal sont faibles par rapport à ces pays. Mais nous comprenons les commerçants même si c’est 20 000 Fcfa, ils diront toujours que c’est cher. Mais le plus important, c’est le traitement qu’ils ont ici. Quand je suis allé au pavillon Orange, j’ai dit non comparé aux autres pavillons. Certes, ce sont les acteurs informels qui sont là-bas, mais le coût du stand est le même. D’ailleurs, nous voulons professionnaliser le secteur informel, parce que nous allons dans les autres pays et nous savons ce qui se passe là-bas de meilleur, pourquoi pas chez nous ? C’est pourquoi, l’image que les gens avaient de la Fidak, c’est comme Sandaga et j’ai mis fin à cela. Au pavillon vert, nous avons des produits qu’on ne trouve pas à Sandaga et c’est cela l’esprit de la Fidak. Mais professionnaliser c’est aller vers une bonne cession des aires d’exposition. Il faut que les visiteurs puissent circuler librement, sans tintamarre. Nous avons changé 100% les stands au pavillon Orange. Si la Direction générale fait des efforts pour améliorer les conditions de participation avec des stands neufs, il faut saluer cela d’abord, mais ils ne sont jamais satisfaits. Nous avons fait beaucoup d’efforts dans des situations extrêmement difficiles. La Fidak doit être inscrite dans l’agenda républicain du Sénégal. Chaque année, le Gouvernement doit faire une enveloppe pour la Fidak, mais ce n’est pas le cas.