Pour Columbia Center on Sustainable Investment, la décarbonation de l’électricité en Afrique est d’autant plus nécessaire que plusieurs projets d’exploitation des hydrocarbures seront abandonnés dans les années à venir, en raison du tarissement des financements.
Quelque 136 milliards de dollars d’investissements par an d’ici 2050 sont nécessaires pour décarboner totalement l’électricité en Afrique, a estimé le centre de recherche Columbia Center on Sustainable Investment (CCSI) dans un rapport publié le 2 novembre.
Intitulé Roadmap to zero-carbon electrification of Africa by 2050, le rapport précise que ces besoins annuels d’investissements sont répartis entre près de 96 milliards de dollars pour la production d’électricité bas carbone et 41 milliards pour le transport et la distribution de cette énergie.
Sur le total des investissements nécessaires d’ici 2030, environ 377 milliards de dollars devraient être consacrés à la production d’électricité en milieu rural (hors réseau) alors que 795 milliards devraient être affectés la production d’électricité en milieu urbain et dans les zones industrielles (en réseau).
Les nouvelles capacités de production de l’électricité bas carbone devraient provenir de l’énergie solaire à hauteur de 83%, contre 13% pour l’énergie hydraulique et 3 % de l’énergie éolienne.
Centre de recherche appliquée et forum universitaire consacré aux problématiques d’investissements durables à l’échelle internationale, Columbia Center on Sustainable Investment a réalisé ces estimations en se basant sur plusieurs paramètres, dont les prévisions de croissance économique dans les diverses sous-régions du continent, les projections de croissance démographique, les taux d’urbanisation futurs, les estimations de consommation d’électricité, les scénarios d’évolution des coûts de production des diverses énergies renouvelables et la capacité des différents pays à éliminer progressivement les combustibles fossiles.
Le rapport souligne également que plusieurs pays africains continueront de produire et d’exporter du pétrole et du gaz d’ici 2050. Ces recettes d’exportation sont essentielles pour la croissance et le développement de l’Afrique sur le moyen terme.
Des énergies compétitives et techniquement viables
Les prix du pétrole et du gaz sur le marché international devraient cependant chuter et les opportunités d’exportation de combustibles fossiles diminueront à mesure que le monde se détourne des combustibles fossiles pour se tourner vers les énergies neutres en carbone.
La baisse des coûts des énergies bas carbone devrait aussi rendre ces énergies compétitives économiquement et techniquement plus viables, ce qui diminuera le potentiel d’exportation des énergies fossiles. Le coût de l’électricité produite par les nouvelles centrales solaires photovoltaïques en 2019 était déjà 83 % moins élevé que celui enregistré en 2010.
Dans ce contexte, plusieurs projets d’exploitation des hydrocarbures seront abandonnés dans les décennies à venir, en raison du tarissement des financements.
Le conflit russo-ukrainien a renforcé la détermination des Européens à se sevrer du gaz russe à court terme et du gaz dans son ensemble à moyen et long terme, et à voir dans les énergies propres une précieuse opportunité pour atteindre des objectifs parallèles de décarbonation et d’indépendance énergétique.
Dans son dernier rapport sur les perspectives de l’énergie à l’échelle mondiale (World Energy Outlook 2022), l’Agence internationale de l’énergie a d’ailleurs indiqué que même au cas où les pays développés n’atteignent que partiellement leurs objectifs en matière de décarbonation, la demande mondiale de charbon, de pétrole et de gaz devrait atteindre un pic dans les années à venir avant de commencer à chuter progressivement.
Columbia Center on Sustainable Investment note par ailleurs que le financement de la transition énergétique en Afrique doit s’appuyer sur une combinaison d’instruments. Il s’agit d’abord de la mobilisation des financements climatiques auprès des pays riches, des financements concessionnels à grande échelle et à long terme auprès des institutions de développement multilatérales et des financements publics conséquents, grâce notamment la création d’un espace fiscal découlant de l’allègement de la dette et de la réorientation des revenus des exportations des hydrocarbures vers la transition énergétique.
Les Etats africains devraient également supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles, qui représentent par exemple 16,7 % du PIB de la Libye, 7,6 % de celui de l’Algérie et 5,2 % de celui de l’Egypte.