L’échange d’actions entre le groupe sud-africain Naspers et sa filiale cotée aux Pays-Bas, Prosus, représente environ 45% des flux d’IDE enregistrés sur le continent, l’an dernier.
Les investissements directs étrangers (IDE) vers les pays africains ont atteint un niveau record de 83 milliards de dollars en 2021 contre 39 milliards en 2020. Ce qui représente une hausse de 113%, selon l’édition 2022 du rapport l’investissement dans le monde publié le jeudi 9 juin, par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).
Cette hausse consécutive à l’atténuation de la covid qui a pesé lourdement sur les flux d’investissements vers le continent en 2020 est la troisième plus forte évolution après celles enregistrées en Europe (+171%) et en Amérique du Nord (+145%).
En dépit de leur forte croissance, les flux d’IDE vers l’Afrique n’ont représenté que 5,2% des flux enregistrés à l’échelle mondiale contre 4,1% en 2020.
Le rapport note également que la plupart des pays d’Afrique ont connu une hausse modérée des IDE durant l’année écoulée, car environ 45% du total des flux recensés sur le plan continental est lié à une transaction financière intra-entreprise en Afrique du Sud, en l’occurrence l’échange d’actions entre le groupe Naspers et sa filiale cotée aux Pays-Bas, Prosus.
« Si nous excluons cette transaction, l’augmentation des flux d’IDE vers l’Afrique, tout en restant positive, serait plus conforme à ce que nous avons observé dans d’autres régions en développement », a déclaré James Zhan, directeur de la division de l’investissement et des entreprises de la CNUCED.
La répartition des flux d’IDE par sous-région fait ressortir que l’Afrique australe, l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest ont vu leurs flux d’investissement augmenter durant l’année écoulée. En Afrique centrale, les flux sont restés stables, tandis que l’Afrique du Nord a enregistré une baisse.
L’Afrique australe en pole position
Les IDE vers l’Afrique australe ont enregistré une hausse de 895%, pour atteindre 42 milliards de dollars. Mais cette forte augmentation est due principalement à une importante reconfiguration d’entreprise en Afrique du Sud.
En Afrique de l’Ouest, les investissements directs étrangers ont connu une hausse de 48%, à 14 milliards de dollars, grâce notamment au doublement des flux vers le Nigeria (4,8 milliards de dollars).
Les flux d’investissement vers l’Afrique de l’Est ont augmenté de 35 % pour s’établir à 8,2 milliards de dollars. L’Ethiopie, plaque tournante de l’initiative chinoise « Belt and Road » en Afrique, a vu ses flux d’IDE augmenter de 79%, à 4,3 milliards de dollars en 2021. D’autres augmentations notables ont été signalées en Ouganda (+31%, à 1,1 milliard de dollars) et en Tanzanie (+35%, à 922 millions de dollars).
En Afrique centrale, les IDE sont restés quasiment stables, à 9,4 milliards de dollars.
Une baisse de 5% a été cependant enregistrée en Afrique du Nord (9,3 milliards de dollars). Les flux d’investissement vers le Maroc ont augmenté de 52% pour atteindre 2,2 milliards de dollars en 2021, tandis que l’Egypte a vu ses IDE reculer de 12%, à 5,1 milliards de dollars.
Malgré la tendance globalement positive des IDE sur le continent, le total des annonces de projets nouveaux (greenfield) est resté faible, à 39 milliards de dollars, ne montrant qu’une modeste reprise par rapport aux 32 milliards de dollars enregistrés en 2020, et bien en dessous des 77 milliards de dollars recensés en 2019.
La Guerre en Ukraine, principal risque
Selon la CNUCED, les plus gros détenteurs d’actifs étrangers en Afrique sont restés les investisseurs européens, avec en tête les investisseurs du Royaume-Uni (65 milliards de dollars) et de la France (60 milliards de dollars).
A l’échelle mondiale, les investissements directs étrangers se sont établis à 1580 milliards de dollars l’an dernier, en hausse de 64 % par rapport à l’année précédente. Les Etats-Unis (367 milliards de dollars), la Chine, y compris Hong Kong (322 milliards), Singapour (99 milliards), le Canada (60 milliards) et le Brésil (50 milliards) ont été les cinq premières destinations des investisseurs étrangers.
La CNUCED souligne toutefois que la guerre en Ukraine et l’évolution de la Chine vers un régime plus autocratique pourraient freiner la reprise des IDE dans le monde. « La guerre en Ukraine – en plus des effets persistants de la pandémie de covid-19 – provoque une triple crise alimentaire, énergétique et financière dans de nombreux pays du monde. L’incertitude des investisseurs qui en résulte pourrait exercer une forte pression à la baisse sur les IDE mondiaux en 2022 », a-t-elle averti.
La hausse des cas de covid-19 en Chine, avec de nouveaux confinements dans des domaines qui jouent un rôle majeur dans les chaînes de valeur mondiales, pourrait encore réduire les nouveaux investissements de création dans les industries à forte intensité de main-d’œuvre.
Par ailleurs, les hausses de taux d’intérêt attendues dans les pays industrialisés dans un contexte d’envolée de l’inflation devraient ralentir le marché des fusions et acquisitions, et freiner la croissance du financement de projets internationaux. Au mieux, les flux d’IDE à l’échelle mondiale resteront stables en 2022. Au pire, ils déclineront.