Fidèle lieutenant du Président Macky Sall, son engagement pour la victoire de la coalition Benno bokk yaakar (Bby) aux élections législatives le 31 juillet prochain ne souffre d’aucune ride. Dans cet entretien accordé à L’Observateur, le ministre de l’Enseignement supérieur, Cheikh Oumar Anne est revenu sur les retards notés dans la livraison des Universités, la situation sociopolitique du pays, non sans recadrer une certaine opposition qui souhaite déstabiliser le pays par une insurrection.
Monsieur le ministre, le pays a été frappé par un deuil suite à l’incendie de l’unité de néonatalogie de Tivaouane qui a coûté la vie à 11 nourrissons. Comment avez-vous vécu ce drame et comment l’analysez-vous ?
Tout d’abord je voudrais joindre mes condoléances aux familles. Il faut que nous œuvrions tous à ce que cela ne se reproduise plus dans notre pays. Cela dépend uniquement de notre volonté de revoir nos comportements face à nos responsabilités et notre engagement pour l’accomplissement de nos devoirs de citoyens et de travailleurs. Chacun de nous doit se remettre en cause et dans les secteurs tels que la santé et l’éducation c’est très urgent. L’Etat a mis beaucoup de moyens. Une vision portée par le chef de l’Etat veut positionner notre système de santé dans les standards mondiaux de qualité. Les acteurs surtout doivent mener la réflexion maintenant dans le sens de la mise en place d’une organisation qui répartit les moyens en priorité vers la prise en charge des malades, des structures de santé de qualité. Lors du lancement des travaux du Pse2A, le Président avait appelé les acteurs du secteur à aller vers une réforme, je pense que c’est le moment.
Le Conseil constitutionnel a rendu huit décisions suite à la saisine de certaines formations politiques. Quelle lecture faites-vous de ces décisions ?
Effectivement le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les recours introduits et parmi ces décisions, il y a la huitième qui accepte la requête formulée par la coalition Yewwi Askan Wi (Yaw) relative à la possibilité de faire des substitutions. Pour rappel, c’est sur la base d’une lecture du Code électoral que la Direction générale des élections (Dge) avait rejeté ces listes. Et d’ailleurs, les leaders de Yaw, qui avaient fait ces recours, reconnaissent leurs erreurs. A partir de ce moment, on peut comprendre aisément que le ministère de l’Intérieur ait agi selon le Code électoral. Mais les 7 sages ont suffisamment pris du recul pour se prononcer, en toute impartialité, en leur faveur. Le Conseil constitutionnel a donc fait une lecture correcte de la situation par rapport à nos textes législatifs et réglementaires pour permettre à la liste Yaw de Dakar de participer au scrutin. A cet effet, les 7 sages ont fait prévaloir la liberté que les citoyens ont devant la Constitution de briguer le vote des Sénégalais. En revanche, les listes et requêtes d’autres coalitions ont été rejetées.
Mais est-ce que ces décisions des 7 sages ne sont pas un peu un camouflet pour les hommes politiques. Parce qu’il y a des gens de l’opposition qui ont presque insulté les 7 sages avant cette décision et aujourd’hui, c’est eux qui sont en train de jubiler. Quel commentaire faites-vous de cette attitude ?
Le problème que vous posez va même au-delà de la décision du Conseil constitutionnel. C’est regrettable mais le terrain politique sénégalais permet à tout le monde de tenir un discours qui peut varier du jour au lendemain, selon ses intérêts personnels. Aujourd’hui, l’opposition, qui a eu un retour favorable, est en train de jubiler en considérant que le droit a été dit. Mais attendons demain à ce qu’elle dise le contraire. Malheureusement, on met tous les politiciens dans le même sac et c’est un jugement très grave. Car on n’indexe pas ceux qui mentent, ceux qui veulent déstabiliser le pays, ceux qui ne respectent pas les règles du pays. Il faudra donc que les Sénégalais, dans leur écrasante majorité, puissent avoir le courage de leur dire halte si ça ne marche pas et de les dénoncer en cas de besoin. Parce que c’est pratiquement les mêmes personnes qui font des déclarations incendiaires, qui foulent au pied la stabilité du pays à chaque fois que leurs intérêts sont en jeu. Pas plus tard qu’avant la décision du Conseil constitutionnel, quelqu’un a appelé à ce que 200 000 manifestants sortent dans la rue pour déstabiliser le pays. En outre, il a clairement dit qu’il s’en fou… de ce que les gens diront de son appel.
Vous parlez d’Ousmane Sonko qui a appelé à l’insurrection ?
Qu’il s’agisse d’Ousmane Sonko ou d’autres leaders de Yaw qui ont reconnu qu’il y avait des erreurs dans leurs listes et qui ont appelé à l’insurrection, tous devaient avoir le courage et l’honnêteté de ressortir et faire face aux Sénégalais pour reconnaître leurs torts à l’endroit de cette grande Institution. Mais Sonko ne va pas le faire parce qu’il ment à tout bout de champ pour préserver ses intérêts. Je profite de cette occasion pour rassurer les Sénégalaises et les Sénégalais que cette fois-ci, s’il décide de marcher pour déstabiliser le pays, il nous trouvera sur son chemin. D’ailleurs, je lui conseille de réserver auparavant une séance de massage à «Sweet beauté», son lieu habituel et favori. Il en aura vraiment besoin car chaque fois qu’on s’est dressé devant lui, il a détalé comme un lapin.
Etes-vous déçu de la validation de la liste de Dakar ?
Il ne s’agit pas d’être déçu ou pas. Mais il faut comprendre que l’objectif de la requête de Yaw était de pouvoir substituer des candidats de la liste. Et cette décision des 7 sages leur permet de le faire. Mais la question qui se pose ici est de savoir s’il est possible de remplacer un homme par une femme ?
Le problème n’est pas encore réglé, il est déplacé ?
A mon avis, il n’est pas encore réglé et il appartiendra aux hommes de droit, compétents en la matière, de se prononcer et de nous édifier.
Mais après la publication des listes par la Dge, on peut s’attendre à ce que Benno saisisse le Conseil constitutionnel ?
Je ne sais pas si Benno va faire des requêtes ou pas. Mais il y a deux cas de figure. D’abord, les 7 sages ont ordonné la substitution, mais on ne peut pas substituer un homme par une femme ou une femme par un homme. La substitution ne donne donc pas la liberté totale à Yaw qui a un problème de parité. Si la décision des 7 sages permet à Yaw de régler le problème de la parité, la liste sera acceptée. Par contre, si tel n’est pas le cas, la liste ne sera pas valide et par conséquent, elle sera disqualifiée.
Quelles peuvent être les conséquences ?
Le Conseil constitutionnel ne s’est pas encore prononcé sur la validité de la liste nationale. Mais à ce niveau, il y a la jurisprudence Alé Lô de 2009, quand il a été dans la liste du Parti socialiste et dans celle du Parti démocratique sénégalais. Le Conseil, pour ce cas Alé Lô, lui avait donné l’occasion de pouvoir choisir et les deux listes ont été validées. Mais, est-ce le même cas de figure ? Si on répond par l’affirmative, cette jurisprudence Alé Lô pourrait sauver la liste de Yaw. L’autre conséquence, est que l’invalidation de la liste de Yaw introduit une nouvelle donne. Aujourd’hui, les rapports de forces politiques font que personne ne pourra déstabiliser le pays, on ira librement aux élections et ceux qui seront élus auront toute la légitimité.
Pourtant, des leaders de Yaw ont déclaré ouvertement que si leur liste est rejetée, il n’y aura pas d’élections ?
Ces gens ne sont pas sérieux dans leurs déclarations. La coalition Yaw unie ne peut pas empêcher le déroulement normal des élections, a fortiori aujourd’hui qu’elle est divisée. Yaw est un conglomérat d’opportunistes qui ont en bandoulière la Présidentielle de 2024. Cette coalition-là n’a même pas la force d’organiser une manifestation populaire, a fortiori déstabiliser notre système. Ces sorties, il faut les ranger dans leur livret de déclarations. S’ils tentent de manifester, ils vont se faire masser.
Certes, il fallait régler les problèmes juridico-politiques avant même le début des élections. Mais du point de vue rapport de forces, est-ce que Bby est assez préparée pour gagner ses élections ?
Benno est, pour le moment, la seule coalition qui a le plus survécu aux aléas politiques. Depuis 2012, elle a participé à tous les scrutins et elle continue de survivre. Aujourd’hui, nous comprenons les enjeux et préparons, en toute sérénité, les élections comme tout le monde. Elles sont d’une importance capitale pour nous. On s’est réuni autour de l’essentiel, et dans l’unité, afin de maintenir notre régime et nous donner les moyens politiques pour continuer à gouverner ce pays. Aujourd’hui, nous sommes dans des conditions beaucoup plus favorables que lors des dernières élections et nous allons donc les gagner très largement. Nous avons bien travaillé nos investitures et la publication de nos listes se fera dans de bonnes conditions.
Récemment, le Président a reçu au Palais la communauté universitaire. Et beaucoup de recommandations ont été faites. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on peut retenir de cette rencontre ?
C’est juste une constance dans l’action du Président. Depuis son accession à la magistrature suprême, il a beaucoup œuvré pour l’enseignement supérieur. Il a investi dans les infrastructures et aujourd’hui, c’est l’un des enjeux pour tous les pays africains. L’infrastructure coûte chère, mais c’est la voie obligée.
Nous avons une démographie galopante et la demande pour accéder à l’enseignement supérieur croît de façon exponentielle. De 40 000 en 2011, nous allons atteindre d’ici peu 120 000 bacheliers par an. C’est pourquoi, il fallait construire des infrastructures et le Président l’a très bien compris. En plus de construire, il a renforcé les infrastructures des Universités. Il a également investi dans le social et à augmenter le budget de fonctionnement du ministère de l’Enseignement supérieur. C’était une nécessité. Aujourd’hui, les résultats sont visibles, palpables et appréciables, d’ici comme d’ailleurs. Notre système est un hub de l’enseignement supérieur en Afrique. Aujourd’hui, la reconnaissance vient de partout. De l’Unesco, de l’Afrique, mais également du système des Nations unies. Pour rappel, notre pays abrite le Pôle qualité inter-pays de l’enseignement supérieur (Pqip) de l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (Adea). Et d’ailleurs, chaque mois, je reçois des délégations de banquiers, de décideurs, d’investisseurs qui viennent soutenir notre système d’enseignement supérieur et nous demandent des partenariats. C’est très normal que le Président rencontre la communauté universitaire. Et lors de cette rencontre, la communauté a vu qu’il maîtrisait ce secteur et connaît ce qui s’y passe. Il a affiché toutes ses ambitions pour ce sous-secteur. J’estime également que les décisions qu’il a eu à prendre à l’endroit du corps enseignant et de recherche est très importante. Le président de la République place les enseignants de l’université et les chercheurs du Sénégal au sommet de la hiérarchie de nos corps d’élite. Laquelle reconnaissance a toujours été une revendication et qu’aujourd’hui, le Président Macky Sall a compris que les intellectuels doivent occuper une place de choix. Et l’augmentation de leurs rémunérations en est une parfaite illustration. Il s’y ajoute l’inscription de la nomination d’un professeur titulaire à travers les communiqués du Conseil des ministres est magnifiée, et cette action renforce les capacités du Cames, qui est l’organe académique de l’ensemble des systèmes d’enseignement supérieur de quelque 19 pays, le nôtre y compris. Au cours de cette rencontre, toutes les composantes de la communauté universitaire ont pris la parole et posé leurs problèmes. Dans les discussions, le Président a pris des décisions qui, à mon avis, seront bénéfiques à toute la communauté.
Parmi les problèmes évoqués, c’est le retard dans la livraison de certaines universités, comme Ahmadou Mahtar Mbow, Sine-Saloum El Hadji Ibrahima Niass, Uvs. Selon vous, où se trouve le problème ?
Le problème est très courant. Il y a beaucoup de chantiers qui ont été bloqués et souvent l’administration est au banc des accusés. Mais, ce que vous ne savez pas c’est que l’administration a dépensé plus que ce qui a été fait. Souvent, les entreprises posent beaucoup de problèmes. Sur Ahmadou Mahtar Mbow, il est clair que le projet a été très mal conçu, je l’avoue, mais l’entreprise a beaucoup plus plombé ce projet. Les entreprises gagnent nos marchés, mais en cours de route, montrent beaucoup d’insuffisances. C’est à ce niveau qu’il faut situer ce problème. C’est la raison pour laquelle nous l’avons changée et opté pour une autre qui est beaucoup plus performante. Le projet va être livré en juin. En un an, nous avons réalisé ce qu’on n’a pu faire pendant 5 ans.
Malgré les difficultés notées au sein de la communauté universitaire, il nous revient souvent que vous êtes un grand réformateur. Qu’est-ce qui vous motive à vouloir changer les choses ?
Aujourd’hui, les Maoïstes de la Chine sont appelés les réformateurs. J’ai eu ce parcours. C’est valable pour beaucoup de dirigeants dans ce pays. Nous sommes nés juste après les Indépendances. Nous n’avons pas de complexe de la colonisation. Nous avons fait tout notre cursus dans un Sénégal indépendant avec une vision nationale. Notre repère n’était pas le pays colonisateur. Le dispositif que nous avons au Sénégal a été hérité de la France. Normalement, si on a des ambitions et qu’on est patriote, on essaye de changer et de rectifier. C’est justement mon approche. J’estime que tout le dispositif national appartient aux Sénégalais et il faut le mettre à leur disposition de façon beaucoup plus large, démocratique et efficace.