C’est officiel. Annoncé depuis plusieurs années, le permis à points est institué au Sénégal avec l’adoption jeudi du projet de Loi n° 22/2022, portant Code de la route. A Dakar, des acteurs du transport et des usagers de la route adhèrent à cette mesure « salvatrice ».
Pour lutter contre les infractions et les nombreux accidents de la route et parfois mortels, les autorités sénégalaises ont lancé le permis à points. Objectif : réduire le nombre de conducteurs qui roulent sans respect des règles et le nombre « trop élevé de décès sur les routes », selon le ministre des Infrastructures et des Transports terrestres, Mansour Faye, qui défendait ledit projet de loi devant les députés.
En moyenne 644 décès chaque année
Cette loi est intervenue dans un contexte où les infractions de la route sont nombreuses et les conséquences souvent mortelles. Et le taux de mortalité lié aux accidents de la route reste inquiétant au Sénégal, ce, en dépit des efforts consentis par les autorités. D’ailleurs, au-delà du coût humain, ces accidents constituent un fardeau important pour l’économie du pays. En effet, d’après les chiffres de l’ONG Partners West Africa (PWA), les accidents routiers occasionnent en moyenne 644 décès chaque année. À en croire l’ONG, 90% de ces accidents sont liés aux comportements humains (excès de vitesse, téléphone au volant, effets des stupéfiants et de l’alcool). À ceux-ci s’ajoutent entre autres, la vétusté du parc roulant et l’état des routes. Une situation peu reluisante qui n’est pas sans incidence sur les finances publiques.
Exactement, c’est pour contrer ce phénomène que l’Etat a introduit un permis à points, destiné à dissuader les auteurs d’infractions. Une mesure plus ou moins bien acceptée sur place.
11h ce vendredi à l’auto-école « Sant Yalla », à Hann Maristes. Moussa, moniteur est en plein cours. Parmi les élèves, Djibril. Ce jeune de 21 ans suit une formation au code de la route: « Si on conduit une voiture et qu’on ne connaît pas le code de la route, c’est vraiment grave. Donc c’est pourquoi nous venons ici pour suivre des cours de code et de conduite, pour pouvoir identifier les dangers, les interdictions et les obligations », explique-t-il. Au Sénégal, beaucoup de chauffeurs conduisent sans savoir se comporter correctement sur la route.
Habsatou Faye est conductrice. Elle constate tous les jours des infractions routières : « Le code n’est pas appris comme il se doit. Ce sont des gens qui ont appris la conduite sur le tas. Des gens qui ne comprennent pas le langage de la route, qui tâtonnent quoi ! »
Ibou est chauffeur de taxi âgé de 40 ans. Au volant, les lunettes noires fumées bien ajustées, il salue cette mesure « salvatrice ». « J’ai appris la nouvelle ce matin (vendredi) à travers la radio. Mais, j’adhère à 100%. Parce que e trouve que, même si cela ne suffit pas à éviter les accidents, cela pourrait les permettre de les diminuer drastiquement. C’est une mesure salvatrice », dit ce père de famille, qui a acquis son permis depuis 2003. « Sur la route, il y a beaucoup de conducteurs qui n’ont pas appris le code. Et nous, à travers certaines manouvres, on parvient facilement à savoir que tel ou tel n’est pas un professionnel. Et souvent, ce sont eux qui provoquent les accidents », ajoute-t-il, l’air pressé.
Retirer les délinquants de la route !
Ces mauvais conducteurs disposent pourtant de permis. Des documents souvent obtenus frauduleusement. « Nous avons beaucoup de faussaires ici au Sénégal. Il y a beaucoup de faux permis. Il faut absolument lutter contre cela », assure formellement Djibril.
Excès de vitesse, feu grillé, les infractions sont devenues monnaies courantes. Résultats : les accidents se multiplient et les routes sénégalaises tuent beaucoup. L’Etat veut donc mettre en place un dispositif de sanctions pour endiguer ce phénomène. « Le permis à point, on l’introduit aujourd’hui pour faire en sorte que les délinquants soient retirés de la route », explique une source du ministère des Transports terrestres. « Les bons conducteurs vont continuer à conduire. Les mauvais conducteurs, on va les sensibiliser, on va les former mais un mauvais conducteur avéré, à un certain moment, il ne doit plus avoir le droit de rouler. Ça, il faut que la société sénégalaise l’accepte », insiste notre interlocuteur.
Maty, de son côté, pense qu’« il faut absolument tout faire pour que le conducteur puisse être conscient de ce qu’il fait. Il faut être sage, il faut de la discipline. Moi je suis pour à cent pour cent ».
Le permis à points, c’est quoi ?
En France où ce système est en vigueur depuis 1992 avec l’application de la loi n°89-469 du 10 juillet 1989, lorsqu’une personne reçoit son permis, elle est créditée de 6 points automatiquement. On appelle cela le permis probatoire. Pendant 3 ans, si le conducteur est irréprochable sur la route, il se voit attribuer 2 points chaque année. Au final, il peut donc en avoir 12, ce qui est le maximum. La conduite accompagnée est soumise à des règles quelque peu différentes.
En effet, la période de probation n’est que de deux ans et il gagne donc non pas 2 mais 3 points, par an, s’il ne fait pas d’infractions. La validité du permis est de 15 ans en général avec exception des poids lourds et du transport de personnes qui ne dépasse pas 5 ans.
Les mauvais conducteurs se voient retirer des points au fur et à mesure, trop d’infractions sur une courte durée (contravention ou délit selon la gravité), entraîneront un retrait du permis systématique et épure donc les routes.
Par exemple, l’usage du téléphone au volant, un excès de vitesse, la conduite avec une alcoolémie supérieure, entre autres.
Après une infraction, le conducteur pourrait récupérer automatiquement la totalité des points qui lui ont été retirés à condition de ne pas commettre de manquement pendant une certaine période. Mais, si le propriétaire du permis commet une nouvelle infraction, avant d’avoir récupéré ses points, ceux-ci peuvent lui être réattribués sous certaines conditions.