Des migrants de retour dans le département de Koumpentoum (est) ont choisi de s’investir dans le commerce, une activité qui permet d’assurer leur réinsertion socioéconomique, après avoir bravé les dangers des routes de l’émigration irrégulière. L’un d’eux, Omar Diallo, travaille au marché central de cette ville située à environ 81 kilomètres de Tambacounda.
A l’aide de ses deux employés, M. Diallo décharge sa marchandise en provenance de Dakar. Le trentenaire tient une échoppe dans ce haut lieu de commerce de la ville depuis son retour de la Libye en 2017. Il y vend des nattes, des matelas, des sceaux, etc. ‘’Je suis dans le commerce depuis mon retour. J’avoue que cette activité a facilité ma réinsertion’’, raconte Omar Diallo, qui ne quitte pas du regard ses employés.
L’homme au teint clair et à la stature imposante a tenté, à plusieurs reprises, de rejoindre l’Italie en passant par la Libye. ‘’En 2015, j’ai décidé de rejoindre l’Europe. Je suis passé par le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la Libye. Le voyage a été extrêmement difficile. C’était un suicide’’, se souvient-il, rapporte APS
La réinsertion économique des anciens migrants reste un grand défi pour les organisations intervenant dans les politiques migratoires. Omar Diallo affirme avoir bénéficié du soutien de l’Organisation mondiale pour les migrations (OIM). ‘’Lorsqu’on nous a rapatriés à Dakar, l’Organisation internationale pour les migrations a demandé à chacun d’entre nous dans quoi il voudrait se lancer. J’ai choisi le commerce. L’OIM m’a permis d’avoir la marchandise pour une valeur de 600.000 francs CFA’’, raconte-t-il, tout en discutant avec des clients. Trois vaines tentatives C’est avec tristesse que M. Diallo revient sur son odyssée en direction de l’Europe. ‘’J’ai dépensé plus de 2 millions de francs CFA durant mon voyage. J’ai tenté trois fois de rejoindre l’Italie en partant de la Libye, sans succès’’, déclare-t-il, affirmant avoir échappé de justesse à la mort lors de sa deuxième tentative.
‘’Notre navire a chaviré et plus de 140 personnes sont décédées sur le coup. Je les voyais mourir. J’étais traumatisé, c’était horrible. Je ne réalise pas jusqu’à présent que j’ai survécu à cette tragédie’’, raconte Omar Diallo. Amadou Tidiane, un célibataire de 28 ans, a eu une aventure similaire en suivant le même itinéraire. Comme M. Diallo, il est devenu commerçant et tient une boutique de produits alimentaires à Koumaré, son village natal situé à 35 kilomètres de la ville de Koumpentoum.
Avant de se lancer dans le commerce, il a tenté plusieurs fois d’entrer en Europe. ‘’J’ai souffert financièrement, physiquement et psychologiquement. Mes parents et mes amis ont aussi souffert. Rêver d’un eldorado a été une erreur, du début à la fin. Heureusement, je suis encore en vie’’, dit-il en poussant un long soupir. Devant sa boutique, un petit groupe de personnes discute sous un hangar. A côté d’eux, des hommes assis sous un arbre, à même le sol, jouent aux cartes sous un soleil ardent. ‘’J’ai ouvert cette boutique grâce à l’accompagnement de l’Organisation mondiale pour les migrations, qui nous a offert 500.000 francs FA. Je suis heureux avec ça. Je sens que je peux faire beaucoup choses avec le commerce et, surtout, venir en aide à mes parents qui sont dans le besoin’’, explique-t-il. En ce milieu du jour, le soleil irradie de ses rayons Malème Niani, une commune située à 30 kilomètres de Koumpentoum.
Allongé sur un lit, Thierno Ousmane se repose tranquillement. Cet homme de taille moyenne avait réussi en 2005 à rejoindre l’Espagne, via le Maroc. ‘’J’étais parti de Kayar. On a fait onze jours en mer. Mais le voyage n’a pas été trop difficile’’, se souvient-il avec force gestes.
‘’C’est un suicide’’
Son séjour en Espagne démarre sans difficulté. ‘’Les garde-côtes espagnols nous ont arrêtés et conduits dans des centres d’accueil. Au bout de quelques semaines, ils nous ont demandé si nous connaissions des gens qui pouvaient nous accueillir en Espagne. J’ai contacté un de mes parents qui était à Séville, qui a accepté de m’accueillir chez lui’’, se rappelle Thierno Ousmane. ‘’J’avais réussi mon intégration. Je travaillais et je commençais à parler espagnol, mais tout a basculé brusquement’’, explique-t-il. En 2011, Thierno Ousmane se retrouve en prison après un séjour de sept ans en Espagne.
‘’J’avais commencé à travailler en Espagne. Je pouvais gagner entre 40 et 50 euros par jour. Mais j’ai eu la malchance de mener une activité illicite et j’ai fini par être arrêté et emprisonné’’, dit-il, sans préciser la nature de cette activité. ‘’Les autorités espagnoles m’ont demandé de faire le choix entre la prison et le rapatriement. J’ai préféré revenir au Sénégal, car je risquais de purger une peine de cinq ans de prison’’, explique Thierno Ousmane.
Depuis son retour en 2012, il s’est associé à son frère aîné, qui s’active dans le commerce du charbon. Cette activité économique lui donne les moyens de se marier et de construire une maison. Père de trois enfants, l’homme ne regrette pas son retour au bercail. ‘’Je suis très heureux, aujourd’hui. Quand je suis revenu au village, j’ai tout entendu et tout vu. Mais j’ai fait fi de ces considérations en travaillant pour gagner dignement ma vie’’, poursuit Thierno Ousmane. Les anciens migrants recommandent aux jeunes d’éviter l’émigration clandestine, pour ne pas vivre le calvaire qu’ils ont vécu. ‘’Les jeunes doivent croire en eux et rester au Sénégal pour travailler. C’est mieux’’, leur conseille Omar Diallo. ‘’Je ne conseillerai même pas à mon pire ennemi de traverser la mer pour entrer en Europe. C’est un suicide’’, avertit Amadou Tidiane.