Deux faits divers tragiques ont récemment mis en lumière l’ignorance des adolescents face aux réseaux sociaux. Férus de « sexting » ou autres dialogues « sexy » et pensant agir dans la sphère de l’intime, les protagonistes peuvent se retrouver exhibés au grand public, répertoriés sur des sites à caractère pornographique ou harcelés. Les conséquences peuvent être catastrophiques.
Le suicide, le 11 octobre, d’une jeune fille d’à peine seize ans, Amanda Todd, a bouleversé le Canada et mis en avant les dangers, dans certains cas, des réseaux sociaux. La chronologie de ce tragique fait divers mérite d’être rappelée afin de mieux comprendre les mécanismes en cause.
Il se venge en affichant la photo de la jeune fille nue sur internet
Manquant d’amis, la jeune Amanda utilise des sites de « tchat » dès l’âge de douze ans. Elle tombe sur un prédateur qui la persuade d’abord de lui montrer ses seins via une webcam, puis il décide de la faire chanter pour qu’elle lui fasse « un show ». Elle refuse de s’exécuter et il décide alors de se venger en affichant la photo de la jeune fille sur internet.
Amanda deviendra par la suite la cible de messages d’intimidation sur Facebook, venant apparemment de ses camarades d’école. Elle qui éprouve des crises de panique et de dépression, poste sur YouTube un court film en noir et blanc dans lequel elle décrit, avec une série de cartons et en quelques mots, les mauvais traitements qu’elle a subis. Après sa mort, cette vidéo sera visionnée par des centaines de milliers de personnes. La famille de la jeune fille avait pourtant déménagé, mais cela n’aura pas suffi pour empêcher son passé de la rattraper via les médias sociaux. Amanda avait également cherché refuge dans la drogue et l’alcool.
Une fois la vidéo ou la photo en ligne, il est trop tard
La semaine dernière, une étude de l’IWF (Internet Watch Foundation), démontrait le caractère pernicieux des photos ou vidéos distribuées sur les réseaux sociaux ou grâce au téléphone mobile. Ainsi, alors que les adolescents postent des photos « drôles » ou « sexy » sur Facebook ou ailleurs, ils ne soupçonnent pas qu’ils alimentent bien souvent à leur insu des sites à caractère pornographique parasites ou s’en rapprochant.
C’est le résultat alarmant et perturbant obtenu par l’IWF qui a analysé 12 224 images et vidéos durant quatre semaines. Le résultat : 10 776 d’entre elles, soit 88 %, se retrouvaient distribuées ailleurs – soit sur des sites à caractère pornographique, soit sur des murs alimentés par des particuliers.
Sarah Smith, chercheuse à l’IWF, explique : « Durant notre étude, nous avons retrouvé beaucoup de contenus à caractère sexuel qui avaient été extirpés de leur support original pour se retrouver téléchargés ailleurs. C’est la première fois que nous avons une idée de la proportion. »
Car une fois la vidéo ou la photo mise en ligne, il est malheureusement trop tard. Copié sur un site parasite, on aura beau retirer le contenu originel, la copie tournera ailleurs… Susie Hargreaves, de l’IWF, met donc en garde : « Nous devons faire comprendre aux plus jeunes qu’une fois la vidéo ou image en ligne, ils ne pourront plus la retirer complètement. »
« Je vais détruire ta vie et diffuser la vidéo auprès de tous tes amis »
Plus proche de nous, à Brest, même constat tragique, avec suicide à l’arrivée. C’est rapporté par le journal Ouest France. Dans sa chambre, le 10 octobre, Gauthier, un jeune Brestois de 18 ans, s’est connecté à un site de rencontres sans savoir qu’il allait servir de « hameçon ».
Très vite, par vidéo interposée, une jeune fille se propose de retirer ses vêtements, tout en lui demandant en contrepartie de « montrer quelque chose ». Le jeune homme se dévêt et se rend au rendez-vous donné sur Facebook. Toutefois, il s’étonne que la jeune femme n’ait que lui comme ami sur son mur. Elle lui explique que c’est parce qu’elle vient de « refaire son profil ». L’explication semblant plausible, ils deviennent « amis » virtuels. Mais après avoir obtenu ce qu’elle demandait, le ton de l’interlocutrice change. Les messages se font plus menaçants. « Je vais détruire ta vie et diffuser la vidéo auprès de tous tes amis. » Elle égrène ainsi la liste des contacts du garçon. Gauthier tente en vain de l’interrompre. Elle continue tout en lui réclamant 200 € en échange de la suppression de la vidéo. À ce moment, comme en témoigne un échange de SMS avec un cousin de son âge, Gauthier prend peur. L’échange avec la jeune fille n’aura duré que dix minutes. Gauthier s’est pendu ce jour-là dans l’abri de jardin.