Que le chemin qui a mené à Médina Gounass fut long et difficile. Mais porté par une foi inébranlable en Dieu, Mouhamad Saïdou Bâ, fondateur de la cité religieuse, est aujourd’hui vénéré par des milliers de fidèles qui participent chaque année au « Daaka », la plus célèbre retraite spirituelle du Sénégal.
De son Fouta natal (il est né en 1900 au village de Thikité dans le département de Podor, région de Saint-Louis) au Fouladou, le périple de Mouhamad Saïdou Bâ, connu encore sous l’appellation de Mouhamadou Siradji Dine Bâ, a été long et pavé d’obstacles. Mais la foi en bandoulière, le saint homme n’a jamais été saisi par le doute.
L’érudit a toujours mis en avant sa foi inébranlable en Dieu. Orphelin de mère à neuf ans et de père à 14 ans, il va connaître un destin lié à celui du Sceau de la prophétie, Mouhamad, et de son marabout Cheikh Ahmed Tidiane Chérif, inspirateur de la Tidianya. Après un sinueux trajet qui le mena à Kolda, au sud du pays, à la recherche de la « terre promise », le marabout vécut des moments troubles, une période embrumée. « À Kolda, quarante jours après le rappel à Dieu de son marabout El Hadji Seydi Aly, certains dignitaires de la communauté (Dental) manifestèrent leur déception et remirent en cause la volonté du fondateur de Madina El Hadj de se faire succéder par Thierno Mouhamad Saïdou Bâ », relate Ahmad Tidiane Talla, membre de la famille du marabout et premier adjoint au maire de Médina Gounass.
C’est ainsi qu’est née, par la suite, une crise de succession qui a abouti à l’éclatement du village et à la dispersion des disciples. Certains ont rejoint El Hadji Seydi Aly. C’est dans ce chaos que Mouhamad Saïdou Bâ quitta Médina El Hadj, en compagnie de sa famille et de quelques fidèles, à la recherche de la « terre promise », un site qu’il avait vu en rêve. Mais ses détracteurs le calomnient auprès de l’administration coloniale. À cela s’ajoute la perte douloureuse de son fils Mamadou Lamine Bâ.
Seulement, il ne voulait pas l’enterrer dans les cimetières de Kolda pour des considérations d’ordre religieux. Le défunt garçon du marabout est finalement inhumé à Guiro Yéro Bocar, suite au refus des notables de Madina El Hadji de recevoir la dépouille mortelle. Plus tard, Thierno Mouhamad Saïdou Bâ quitte Kolda en compagnie de quelques disciples. Sur le chemin, il ordonne à une partie de ses talibés de s’installer à Mahon, localité située à une quinzaine de kilomètres de Kolda, sous la responsabilité de Thierno Ibrahima Diallo. Puis, il poursuit son périple qui le conduit successivement à Fafacourou, Bansang, Fatoto Niamanari Hamdallayi et Témanto. « Il termine son voyage sous un grand arbre dénommé « Thiékéwie » dans la langue locale, le pulaar. C’est ici qu’il va ordonner aux disciples de faire escale et l’endroit deviendra le site choisi pour la fondation du village de Médina Gounass », confie Mouhamad Siradjo Tidiane Bâ, petit-fils de Mouhamad Saïdou Bâ.
À l’époque, ajoute-t-il, le nommé Yéro Djeynaba, chef de canton du Kantora, avait, à l’occasion d’un voyage à Kolda, invité le marabout à venir s’installer dans sa circonscription administrative. C’est lui qui met un guide du nom Samba Bah, un chasseur renommé, à la disposition du marabout pour l’assister, en cas de besoin dans sa quête de connaissance de la zone. Et c’est en compagnie du chasseur que Thierno Mouhamad Bâ a fait le tour de la zone et porté enfin son choix sur un endroit très boisé et inhabité, situé près d’un affluent (Kosobo) et non loin d’un hameau, Gounassiyel. Ce hameau était occupé par des chasseurs et avait comme chef Thierno Coumba Boiro. Le marabout fonde son village Madina Al Mounawara le 27 février de l’an 1936. Ce carré de terre deviendra par la suite Madina Gounass, en référence à Gounassiyel, le petit hameau d’à côté. Ainsi, le marabout dirige ses illustres compagnons et fidèles pour accomplir la première prière (Tisbar) du « Dental » sur ce nouveau site béni du Créateur.
Les 7 compagnons
Comme le prophète Mouhamed (Psl) avec ses « Sahabas » (compagnons), le vénéré Cheikh Mouhamad Saïdou Bâ avait lui aussi ses hommes de confiance. Des compagnons avec qui il a prêché la bonne parole. Ils étaient au nombre de sept. Il s’agit de Bocar Moussa Cissokho, Abdoulaye Cissokho, Oumar Mânâ Baldé, Aliou Saré Yero Diamanka, Amadou Wane, Samba Bâ et Alpha Issaga Niang. Ces hommes, connus pour leur foi, leur engagement et dévotion à l’Islam, étaient originaires de différentes localités notamment de la Gambie, de la Guinée-Bissau et du Fouta. L’installation à Médina Gounass n’a pas été de tout repos pour le cheikh et ses fidèles compagnons.
Célèbre retraite spirituelle de Médina Gounass, le « Daaka » a été organisé, pour la première fois en 1942, par Mouhamad Saïdou Bâ. Depuis cette date, la retraite spirituelle de Gounass se tient chaque année pendant 10 jours à 10 kilomètres de Médina Gounass. Le « Daaka », c’est l’ultime retour de l’humain vers son Créateur. Dix jours de dévotion et de ferveur religieuse. Elle est un moment de conversation, de communion entre l’humain et le divin. De 1942 à 1960, elle s’est tenue de façon restreinte car n’associant que les membres de la famille et proches du marabout. Ce n’est qu’à partir de 1960 qu’elle a été élargie à tout le monde. Le choix du site actuel remonte au début des années 1970.