Dans le département de Goudomp, les femmes sont connues pour leur bravoure. Elles font partie de la frange de la population la plus active. Malheureusement, la plupart d’entre elles travaillent sans soutien. C’est le cas des maraîchères de la commune de Djibanar.
SEDHIOU – Elle est un bout de femme qui marche sur la pointe des pieds, évitant avec précaution de piétiner ses plantes. Par un temps clément avec le soleil qui est déjà sur le point de s’éclipser pour faire place à un doux climat et un peu frisquet, Fanta arrose, à intervalles réguliers, à l’aide d’un seau, ses légumes. Cette scène est le quotidien de beaucoup de femmes à Djibanar, dans le département de Goudomp. La quarantaine, cette brave dame entretient un potager que ceinturent des feuilles de paille en rônier. Elle n’est pas la seule, dans ce village situé à sept kilomètres de Goudomp, à mener cette activité. Elles sont nombreuses à trimer au quotidien pour entretenir un espace qui fait vivre leurs familles. Chacune d’entre ces femmes possède un périmètre bien clôturé où elles cultivent plusieurs variétés telles que le gombo, l’oignon, le poivron, le chou, l’oseille, l’aubergine, l’olive, le piment, la salade, la tomate, etc. Un milieu peuplé d’une cinquantaine de femmes.
Le dos courbé, allant d’un point à l’autre pour veiller précautionneusement sur ses plantes. Un milieu féminin où, par intermittence, on perçoit des éclats de voix joyeuses. Surtout ceux de toutes ces jeunes filles venues donner un coup de main à une mère, une tante ou une sœur. Une ambiance bon enfant souvent agrémentée par une belle chanson sortie d’une voix mélodieuse. La joie de vivre de ces femmes défavorisées, mais braves dans le travail de la terre. Le pagne relevé jusqu’aux genoux, Fanta, par d’incessants va-et-vient entre le puits creusé par les jeunes et son potager, les pieds nus, continue d’arroser ses plantes. « En période hivernale, on cultive du riz. Dès que la saison se termine, on se tourne vers la culture maraîchère. Ce qui fait qu’on s’accorde peu de répit », confie la dame très dégourdie. Une culture de subsistance qui permet à toutes ces femmes de se faire un peu d’argent et de subvenir à leurs besoins. « Le travail est dur, mais nous sommes fières de le faire. C’est mieux que de tendre la main », dit-elle, le sourire aux lèvres malgré une longue journée de labeur.
Oublier la fatigue
La période de gestation de ces plantes dure deux mois durant lesquels elle doit les arroser en plus de leur entretien au quotidien. Des produits qu’elle ira vendre à des prix qui ne sont pas fixes. Pour sa dernière récolte, elle avoue s’être retrouvée avec un gain de 85.000 FCfa. Ce qui lui a permis de régler des besoins urgents. À côté du jardin de Fanta, Mariama Faty tient son potager. Plus âgée que sa voisine, elle est moins vigoureuse à 51 ans. Ses deux mains sur les hanches, elle est aidée par ses filles dont certaines arrosent le périmètre pendant que d’autres triturent l’engrais avec leurs mains. Un travail d’équipe. Une ambiance bon enfant, campagnard, règne dans cet espace. On se chambre. Histoire d’oublier la fatigue.
Interrogée sur le soutien de la mairie, de l’État ou encore des Ong, Mariama raille : « Y a-t-il une mairie à Djibanar ? » Éclats de rire des autres dames et des filles à côté d’elle. « Nous n’avons aucune aide. On fait tout à la force de nos mains », lance-t-elle. Si ces dames s’investissent dans cette harassante activité, c’est justement pour ne pas rester inactives alors qu’il faut entretenir une famille. « On ne gagne pas beaucoup malgré tous nos efforts. Nos clientes à qui on vend nos produits et qui, à leur tour, les revendent, nous prennent nos cultures à crédit qu’elles ne paient jamais », se désole-t-elle.
À soixante ans, Kadi Gassama n’a connu que le travail de la terre. Toute sa vie s’est déroulée dans cet espace qui résume son quotidien. « Il faut demander à l’État de nous aider. Qu’onne nous oublie pas », dit-elle, non sans solliciter des grillages et des semences.
De l’autre côté, se trouve le jardin de Diénaba Danfa, une des sœurs de Fanta Danfa. Pus jeune, elle pouponne neuf enfants à trente-cinq ans. « Il me faut travailler pour entretenir tous ces enfants. Il m’arrive de gagner 11.200 FCfa par semaine quand je récolte certaines légumes », informe la dame. Elle partage son jardin avec Fanta Marone. Contrairement aux autres femmes, cette dernière est avare en paroles. Entre le puits et les plantations, elle n’a pas le temps de répondre aux questions. Cependant, Diénaba, une autre maraîchère qui trouve en nous un relais pour se faire entendre des autorités, liste leurs nombreux problèmes dont l’absence d’engrais de bonne qualité. En effet, à cause de leurs modestes gains, elles se rabattent sur l’engrais naturel pour doper la productivité de leurs potagers, leur secours avant la saison des pluies.