Sansancoutoto, dans le département de Goudomp, est le plus grand village de la commune de Baghère. Elle est une localité conservatrice très ancrée dans la religion musulmane, dont l’essor porte l’empreinte de ses fils émigrés. Sans rien attendre de l’État, ces émigrés essayent de sortir leur patelin de la pauvreté, malgré les problèmes liés au manque d’eau potable et au déficit d’éclairage public.
GOUDOMP – Sansancoutoto, une dénomination assez atypique, qui ne dit apparemment rien à beaucoup de compatriotes, mais renvoie à un des villages du Sénégal. Cette bourgade de la commune de Baghère, à 85 km de Goudomp, est à presque deux bornes de Tanaff. Cependant, il fait partie de Baghère. Un des paradoxes du découpage territorial. Sansancoutoto est également le bourg le plus peuplé de cette commune avec ses 4010 âmes. Son nom, il le doit à un groupe de marabouts mandingues qui s’était installé dans la zone après le passage de la première ethnie de la Casamance, les Baynouks. Il s’appellera « Alabatou Sansancoutoto », s’était dit le groupe de religieux, littéralement « attendons Dieu sous cet arbre », en langue mandingue. Et ils ont attendu et ont vécu la religion. Aujourd’hui encore, le village est connu pour sa forte islamisation.
Assis sur une natte à l’ombre d’un arbre, un atelier de menuiserie dans le même espace, le saint Coran entre les mains, ajustant et réajustant ses lunettes, Mankéba Faty, un des notables du village, est le deuxième adjoint au maire de Baghère du dernier mandat. La soixantaine révolue, M. Faty revient sur l’histoire de ce mythique village connu pour sa forte croyance islamique. « Les premiers habitants étaient des païens. Ils ont quitté un village appelé Kandjénou et parlaient baynouk. Ces derniers, qui n’avaient pas embrassé l’islam, venaient pour récolter du vin de palme et se cachaient pour ne pas payer les impôts, car le village avait une forêt. Il y avait un grand arbre où ils se reposaient. Ils y laissaient leurs bagages. Ce fut plus tard que des marabouts mandingues sont venus s’installer. Puisque les autres ne sont plus revenus, les mandingues ont pris possession du bourg », a raconté le sexagénaire.
Les meilleurs artisans de la zone
Les Baynouks, qui furent les premiers à habiter la localité, faisaient des allers et retours. N’étant jamais sur place, ils ont demandé aux marabouts mandingues de rester pour pouvoir gérer le village et accueillir les autorités à leur absence. Et aujourd’hui, le bourg reste toujours à forte domination mandingue. Il compte également des Balantes et Manjaks. Grâce à son ancienneté dans le village, la famille Diafoune gère la chefferie, même si elle n’est pas à l’origine de la création de ce bourg. Sansancoutoto est également connu pour être un lieu d’apprentissage des métiers professionnels. Dans toute la zone, maçons, mécaniciens, menuisiers, charpentiers, cordonniers, soudeurs et autres y pullulent. Les meilleurs artisans de la zone sont issus de ce village. Cependant, l’activité principale de Sansancoutoto reste l’apprentissage du Coran. Ses habitants cultivent l’arachide, le mil, maïs et autres. Les femmes, à l’instar de celles des autres villages du département de Goudomp, sont dans les rizières, le maraîchage, l’extraction du sel, la poterie etc. Malgré la disponibilité de l’électricité dans le village, seuls trois lampadaires fonctionnent. L’eau potable y fait également défaut. Ce qui fait que les habitants s’approvisionnent durant l’hivernage pour conserver l’eau de pluie.
Plus de 70 émigrés pour le développement du village
La localité est également un village où les jeunes sont pour la plupart hors du pays. La majeure partie étant en Europe. Un phénomène migratoire, fruit des prières des anciens, raconte-t-on ici. La localité se développe grâce à l’engagement de ses fils qui sont en Europe depuis plus de 70. Ils ont ainsi changé le visage hideux du village, qui comptait de sommaires habitations transformées aujourd’hui en dur avec des plans n’enviant en rien certaines capitales communales de la zone. « La force principale de ce village reste les émigrés. On n’aimait pas l’école. On voyageait. Les vieux priaient pour que les jeunes partent et réussissent en Europe », a expliqué M. Faty. Le village a grandi au fil des années et la participation des émigrés à la vie de la communauté a atténué la pauvreté. Ces jeunes achètent des médicaments pour le poste de santé sans rien attendre de l’État. Et ceci dans plusieurs domaines de la vie communautaire. Cependant, dans le secteur de l’éducation, il reste beaucoup d’efforts à faire.
À l’ombre d’un géant fromager, la théière tenue par un des leurs officiants à l’école élémentaire de Sansancoutoto, les professionnels de la craie discutent des grèves cycliques et autres manquements de leur établissement. Tout autour d’eux, des feuilles d’arbres jaunies forment le décor de la cour de l’école où ils ont l’habitude de se réunir quand ils sont en pause. Un vent fort souffle et fait s’envoler les papiers. Le sable que soulève le vent ne semble point indisposer les instituteurs. Ils sont habitués à ce climat. Ici, l’école est ouverte aux quatre vents faute de mur de clôture. Quatre abris provisoires dont deux en huttes, les deux autres en abris améliorés font offices de salles de classe. Dans cet établissement primaire, tout est prioritaire. Il compte 328 élèves répartis en 8 classes (deux CE2 et deux CI). Un bâtiment inachevé, qui devait abriter d’autres classes depuis 2017, est aujourd’hui envahi par les herbes qui en ont pris possession. « Plus d’une centaine d’élèves qui n’ont pas de places dans l’établissement vont à l’école coranique. J’ai 8 enseignants en français dont un maître coranique. Nous avons un manque de tables bancs. On m’a même offert quelques-unes », a expliqué le directeur de l’école de Sansancoutoto, Youssouph Diallo. Les parents préfèrent l’école coranique car « ce village a une forte présence islamique. Il y eut une époque où les parents refusaient qu’on mette les filles et garçons sur les mêmes tables bancs. Ils aiment bien l’école française, mais ils nous demandaient de respecter cette distance. Car, c’est un village mandingue très religieux », a révélé le chef d’établissement.
Malgré les manquements, M. Diallo informe que les résultats sont souvent très bons.