La politique a ses réalités et aucune candidatures n’est loufoque pour une compétition comme locales. A la publication des premiers résultats des élections de ce 23 janvier, la percée d certains candidats a beaucoup surpris. Il y a un renouvèlement et un rajeunissement de la classe dirigeante.
L’élection de Seydina Issa Laye Samb dans la commune de Yoff est, incontestablement, la plus grosse surprise de ces élections locales. Il a réussi à déboulonner le tout-puissant ministre de la Santé, également candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar pour briguer la mairie de la ville de Dakar. Au final, l’élection du jeune candidat de Yewwi Askan Wi est vécue comme un séisme.
Issa Laye Samb, 34 ans, réussit ainsi une entrée fracassante dans le monde politique. Sa candidature, disait-il, était motivée par un besoin de développer sa municipalité, à travers une dynamique communautaire, afin de mettre fin au pilotage à vue de l’équipe sortante. Son nom était jusque-là inconnu de beaucoup de Dakarois, mais le successeur d’Abdoulaye Diouf Sarr a fait ses classes au sein des jeunesses socialistes. Il était membre du Parti socialiste jusqu’à son exclusion avec Khalifa Sall et les actuels membres de la coalition Taxawu Senegaal. Le nouveau maire de Yoff a d’ailleurs été de tous les combats pour la libération de Bamba Fall et de Khalifa Sall, lorsqu’ils avaient été emprisonnés. Son statut de fils du terroir, doublé par un besoin d’alternance, a certainement pesé en sa faveur, lors de ces Locales. Il a surtout su surfer sur la vague Yewwi Askan Wi pour devenir maire.
A Guédiawaye, le couple gagnant de Yewwi Askan Wi a frappé fort. Le journaliste Ahmed Aidara, leader du Mouvement Guédiawaye la Bokk, tête de liste de la coalition Yaw, a déboulonné Aliou Sall de Benno Bokk Yaakaar. Une victoire qui peut sembler « insolite », au regard des profils des deux candidats. Seulement, le présentateur du groupe de presse de D-Médias tisse, depuis quelques années, des relations étroites avec toutes les couches de la population, à travers des tournois sportifs et des activités sociales. Le journaliste a donc pris le temps de mûrir sa candidature et de préparer les habitants du département à son avènement. Sur sa page Facebook, le nouveau maire de Guédiawaye a déclaré, au lendemain du vote : « Je rends grâce à Dieu Soubhana woutalah de m’avoir fait le premier magistrat de la ville de Guédiawaye. Remerciements et félicitations aux populations de Guédiawaye »
Toujours à Guédiawaye, dans la commune de Golf-Sud, Yewwi Askan Wi a triomphé. Là aussi, c’est une novice qui rafle la mise devant un ténor de la coalition Benno Bokk Yaakaar, Lat Diop. Khadija Mahécor Diouf a été élue maire de cette municipalité qui était jusque-là dirigée par Aida Sow Diawara. Elle fait partie de cette nouvelle vague de dirigeants qui émergent pour tourner la page des politiciens professionnels. Membre du Pastef, un parti qu’elle a intégré en 2017, elle est également coordonnatrice des femmes du parti d’Ousmane Sonko à Guédiawaye. Elle est mariée et mère de deux enfants. Khadidja Mahécor Diouf est spécialiste en économie du développement territorial. Elle est également titulaire d’un Master en ingénierie et management des entreprises industrielles. Elle doit, pour beaucoup, sa victoire à la dynamique victorieuse de la coalition de l’opposition, comme dans beaucoup de localités où l’élec torat a fait plus focus sur les leaders centraux que locaux. Aujourd’hui, les organisations de femmes peuvent se réjouir de voir la mairie de Golf-Sud revenir à une femme, après la gestion de la socialiste Aida Sow Diawara
Le docteur Babacar Diop a commencé son militantisme politique au Parti Socialiste, dans les années 2000. Il venait juste de démarrer son cursus académique à l’Ucad. A l’époque, avec de jeunes responsables comme Barthélemy Dias et Malick Noël Seck, il voulait donner un nouveau souffle au parti de Senghor qui venait de perdre le pouvoir. Des années plus tard, il décide de faire cavalier seul. S Il met sur pied le mouvement Les forces démocratiques du Sénégal et se lance dans tous les combats de l’opposition. Cela lui a valu de nombreuses arrestations. La dernière remonte à la veille du vote du projet de loi relatif à la modification du Code pénal et Code de procédure pénale du Sénégal. e A l’approche des Locales, son mouvement s’est mué en parti politique et a décidé d’intégrer la grande coalition Yewwi Askan Wi, mise sur pied par les grands leaders de l’opposition. Pour le Dr Babacar Diop, Thiès aspire au changement, au renouvellement de sa classe politique. « Je travaille pour mettre fin à l’hégémonie libérale qui règne à Thiès depuis 2000. Je suis en train de travailler autour d’un projet avec tous les partis politiques, tous ceux qui sont dans l’opposition, debout, avec des positions très claires. On va essayer de mettre en place une grande coalition gagnante. Moi maire, je sais que Thiès retrouvera sa dignité », déclarait-il. Candidate à la mairie de la ville de Thiès, les tendances sorties des urnes lui donnent la victoire. Mais celle-ci tarde à être confirmée. D’ailleurs, la situation reste confuse dans la capitale du Rail où les résultats provisoires sont attendus avec impatience et nervosité. S’il devait remplacer Talla Sylla à la tête de la ville, sa victoire fermerait le long chapitre victorieux de Rewmi qui règne en maître dans la ville, depuis des années.
Les populations de la commune de Thiès-Nord ont fait confiance à l’administrateur du Pastef, Biram Soulèye Diop. Son nom rappelle encore les évènements du mois de mars relatifs à l’affaire de viol dont 1 Ousmane Sonko est accusé. Il avait êté placé en détention avec d’autres militants et sa femme pour « associa tion de malfaiteurs, complicité de diffusion de contenus contraires aux bonnes mœurs, menaces de voie de fait et de violence ». Après son élection à la tête de Thiès-Nord, le natif de Keur Mame El Hadj, à Thiès, s’est adressé à ses militants et sympathisants pour les remercier.
L’ancien pensionnaire de l’école Saint Gabriel, qui a fait son cursus secondaire au lycée Malick Sy, reste cependant convaincu que cette élection n’est pas une victoire, mais le début d’une aventure pour la réalisation des projets qui ont été proposés durant la campagne. Là aussi, sa victoire doit être entérinée par les instances.
A Kaolack, Serigne Madina Mboup, leader de la coalition And/Nawlé And/Ligueye, a surclassé tous ses adversaires politiques pour se hisser à la tête de la ville de Kaolack. Une victoire nette et sans bavure devant Modou Ndiaye Rahma de Benno Bokk Yaakaar et les autres candidats. Le choix de l’opérateur économique est un message fort adressé par les populations du Saloum qui souhaitent sortir de la pauvreté et aspirent à des conditions de vie plus prometteuses.
En effet, Serigne Mboup s’est très tôt présenté comme un candidat de rupture. Lui, l’homme d’affaires et opérateur économique face aux redoutables machines politiques.
Ainsi, l’argument économique a prévalu devant les promesses politiciennes. Serigne Mboup est à la tête d’usines qui emploient beaucoup de compatriotes. Il organise depuis 2010 une foire commerciale annuelle à Kaolack, qui est devenue le point de convergence d’acteurs économiques et de visiteurs qui contribuent à l’attractivité et à la visibilité de la région. Il a aussi participé à la réhabilitation du Cœur de Kaolack, un complexe multifonctionnel à vocation commerciale. Âgé de 53 ans, le natif de Touba Ndorong (Kaolack) n’a pas fréquenté l’école française, mais a plutôt été pensionnaire du célèbre Daara de Coki. Le président de l’Union nationale des chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture du Sénégal a très tôt acquis les rudiments du commerce auprès d’un père opérateur économique à qui il succèdera d’ailleurs à la tête de l’entreprise familiale. Avec Serigne Mboup, donc, les Kaolackois espèrent un changement, surtout sur le plan économique.
A Pikine-Ouest, Pape Gorgui Ndong a perdu la bataille, face à un autre novice, Cheikh Diop. A Ouakam, c’est Abdou Aziz Guèye, actuel Président de l’Union sportive de Ouakam et leader de la coalition Ouakam avec Aziz 2022, qui met fin au règne de Samba Bathily Diallo de la majorité.