Noire, bisexuelle, antiraciste et féministe… Dès les années 20, Joséphine Baker a quitté son Missouri natal marquée par les émeutes raciales de son enfance, pour s’installer en France, où sa « danse sauvage » a fait d’elle une icône des Années folles. Après la guerre et son engagement dans la Résistance, Joséphine Baker est de retour aux États-Unis, pour une tournée durant laquelle elle n’hésite pas à s’ériger contre la ségrégation. Son passage à Miami en 1951 fait date : la danseuse impose de jouer devant une audience composée de noirs ET de blancs.
Il règne comme un parfum d’année folle dans le hall d’entrée du National Hotel, un des derniers établissements art déco de Miami Beach. Une jeune chanteuse afro-américaine reprend les standards de Joséphine Baker. Bianca Rosario se souvient de l’héritage musical mais aussi politique de la première icone noire du music-hall.
« Elle s’est battue pour nos droits civiques, pour l’égalité de tous, elle a vraiment été une pionnière, une femme forte pour son époque, explique Bianca Rosario. C’est grâce à elle, grâce à son travail que je chante et que suis ici aujourd’hui. Elle nous a ouvert beaucoup de portes en tant que femmes afro-américaines »
Miami Beach n’a pas oublié cette tournée mémorable de Joséphine Baker en 1951. L’une des salles les plus en vue de l’époque, le Copa City Club, veut faire venir la vedette. Mais dans cette ville du Sud des États-Unis, la ségrégation est encore strictement imposée. Alors Joséphine Baker, fidèle à ses engagements anti racistes, n’accepte de jouer qu’à une condition : que l’audience ne soit pas ségréguée.
Un choix courageux et qui fera date, comme l’explique Dan Gelber, le maire de Miami Beach. « C’était très audacieux pour son époque. Il faut imaginer qu’ici, jusque dans les années 60, si vous étiez noirs, vous deviez présenter une carte d’identité pour entrer dans notre ville le soir. Tous les établissements, tous les clubs étaient ségrégués. Vous aviez des restaurants pour les blancs et des restaurants pour les noirs, des toilettes pour les blancs, d’autres pour les noirs. Nous étions une ville du sud profond. Alors la mairie a dû choisir entre ses lois ségrégationnistes et la bonne décision. Et elle a finalement accepté la demande de Miss Baker et autorisé un public diversifié. Ce n’était pas rien pour l’époque. Donc avoir Miss Baker qui nous dit, vous devez changer vos façons de faire sinon je ne joue pas chez vous, c’était vraiment quelque chose » raconte-t-il.
Et pourtant, aujourd’hui, Joséphine Baker reste beaucoup plus connue en France où elle a passé la majeure partie de sa vie qu’aux États-Unis ou elle est née. À Miami, toutes les festivités pour son entrée au Panthéon sont d’ailleurs organisées par le Consulat de France.