Nombreux sont les résistants que le régime colonial avait choisi d’éloigner. A la fois sanction contre les récalcitrants et mesure pour se débarrasser de figures trop influentes, la déportation que les historiens ont choisi d’appeler « exil » a fini par devenir une politique assumée.
Parmi les plus célèbres exilés, il y a eu le Sultan Sidi Mohammed Ben Youssef de l’empire chérifien et Béhanzin du Dahomey, actuel Bénin. Mais d’autres comme Samory Touré en Guinée ou Cheikh Ahmadou Bamba au Sénégal, ont également subi le même sort. Peu nombreux sont ceux qui auront la chance de revenir vivants dans leur patrie. A part Mohammed V et Cheikh Ahmadou Bamba, la plupart périront au cours de cette déportation synonyme d’abandon.
Almamy Samory Touré, 20 ans de lutte
Ce fils de dioula, c’est-à-dire de commerçant, a créé un empire en très peu de temps. Grand chef de guerre, il a su conquérir des villes stratégiques par leur position ou par leur richesse comme le district de Buré à la frontière entre le Mali et la Guinée, particulièrement pourvu en or. Comerçant avec les britanniques de Sierra Leone, il importe des armes modernes grâce à cet or. Il établi des relations diplomatiques avec le royaume toucouleur qu’avait mis en place Elhadj Omar Foutiyou Tall. Ainsi, en 1981, l’empire du Wassoulou s’étend de la Guinée à une partie du Mali actuel, et intègre un bout de Côte d’Ivoire et de Sierra Leone. Pendant que s’étend le Wassoulou, la France a également commencé la conquête de l’Afrique de l’Ouest. C’est là que leurs chemins se croisent.
Redoutable chef de guerre, Samory mettra en déroute l’armée française à plusieurs reprises, notamment lorsque Antoines Combes essaya de prendre possession des mines d’or de Buré. Il a par ailleurs vite appris la nécessité de discipliner son armée. Ainsi, en 1887, il possédait 30.000 hommes organisés sur le modèle des armées européennes. Mais cela n’a pas suffi, puisque les Britanniques cesseront de lui vendre des armes, soucieux du respect de la Convention de Bruxelles de 1890. Après 13 ans d’affrontement, il sera finalement capturé en 1898. Exilé au Gabon, il mourut en 1900.
Béhanzin, un roi dépossédé de son trône
A Abomey, en ce mois de janvier 1894, le roi Béhanzin signe sa redditionaprès deux années de combats avec les troupes coloniales. Mais, le général Alfred Dodds qu’il a combattu entre 1892 et 1894 n’a aucune confiance en ce chef belliqueux qui n’a rendu les armes que pour mieux les reprendre. Alors, moins de trois mois après la fin de son affrontement, en mars 1894, Béhanzin sera déporté sur l’île de Martinique. Selon certaines sources, on lui aurait dit qu’il partait en France. Pour rendre la ruse plus crédible, les autorités coloniales le laisseront embarquer avec toute sa suite et toute sa famille.
Le roi d’Abomey sera maintenu en Martinique jusqu’en 1906. Durant son exil, les élus et la presse n’ont eu de cesse que de dénoncer sa détention en Martinique. Cependant, les autorités coloniales se montrent réticentes à l’idée de son retour, tout en lui accordant le droit de quitter la Martinique. Finalement, après un bref passage en France, il embarque pour le Dahomey, mais c’est à Alger qu’il est débarqué. Le roi est malade et meurt de pneumonie à Blida. Sa dépouille sera rapatriée en en 1928.
Cheikh Ahmadou Bamba, chantre de la non-violence
Ahmadou Bamba
C’est sans doute la première figure de la résistance passive en Afrique. L’homme religieux sénégalais né en 1853 n’a jamais voulu prendre les armes contre le colonisateur. Sauf qu’en ce milieu des années 1890, l’enseignement du guide soufi séduit de plus en plus d’adeptes. L’homme et ses disciples ne cessent de fonder de nouvelles localités qui deviennent rapidement des bourgades grouillant de monde.
Les autorités coloniales qui voient en lui une menace potentielle l’arrêtent en 1895 et décident de le déporter vers le Gabon. Il y sera maintenu jusqu’en 1902. A son retour, son aura a augmenté et ses mourides ou disciples s’investissant dans la production arachidière acquièrent une certaine puissance financière qui n’était pas du goût du gouverneur basé à Saint-Louis. Une nouvelle fois, on l’obligea à s’exiler en Mauritanie dès 1903, où il resta jusqu’en 1927. De retour au Sénégal, il sera placé en résidence surveillée jusqu’en 1927, date de sa disparition.
Source : le 360 Afrique magasine