C’est la galère pour certains enseignants de l’enseignement privé laïc. Pendant les vacances, ils peuvent rester trois mois sans salaire.
Malgré les énormes sommes d’argent que brassent les écoles privées, les enseignants n’en profitent pas. Entre salaires de misère, intimidation, exploitation, absence de prise en charge médicale, ils joignent difficilement les deux bouts. Durant les trois mois de vacances, de nombreux enseignants sont sans salaire, confirme Khadijatou Badji, qui offre ses services dans un établissement à la Cité Fadia. « Quand vous m’avez appelée, j’étais dans un véhicule, en provenance du tribunal du travail », confie la jeune dame. Très amère, Mme Badji soutient que les enseignants ont travaillé jusqu’au 16 juillet dernier, raison pour laquelle ils doivent empocher une rémunération. L’enseignante perçoit un salaire de 75.000 FCfa par mois. Cyriaque Diatta a, lui, été licencié à la fin de l’année avec comme prétexte « l’alcoolisme ». Ce qui est à son avis faux. Le vrai problème, explique l’enseignant, c’est qu’il a osé dénoncer le traitement salarial « dérisoire ». « Pour avoir porté au tribunal nos revendications, j’ai été licencié. Le responsable de l’établissement veut ainsi intimider les autres enseignants qui seraient tentés de se rebeller », relate M. Diatta qui servait dans un établissement privé à Guédiawaye où il a fait plus de 12 ans.
Titulaire d’un master 2 en Histoire, Djibril Kébé a échoué au concours de la Faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (Fastef), mais il enseigne dans des établissements de Grand-Yoff et des Hlm. « Nous n’avons pas de contrat. Pendant les vacances, c’est la galère. Pourtant, les parents d’élèves paient la mensualité du mois de juillet », dénonce M. Kébé. Selon ce dernier, dans le moyen-secondaire, les enseignants sont payés par heure. « Dans certains établissements, on paie 1500 FCfa/heure. Pour les classes d’examen, c’est 2000 FCfa », note l’enseignant qui ajoute que, parfois, des écoles paient 1000 FCfa l’heure ou moins.
Le contrat de travail, un luxe
« Dans beaucoup d’écoles privées, les enseignants n’ont pas de contrat de travail. On ne s’en sort pas, car les salaires sont très faibles. Pire, pendant les vacances, on ne nous donne rien », dénonce Yacine Diagne, professeur de francais-histoire géographie. Mme Diagne qui fournit ses services dans le même établissement depuis 2008, affirme avoir même honte de dévoiler le montant qu’elle gagne par mois, tellement il est dérisoire.
L’État interpellé
Enseignant dans une école franco-arabe de la commune de Fissel (département de Mbour), Cheikh Tidiane Sarr déplore, à son tour, la cupidité des chefs d’établissement. « Nous travaillons sans contrat avec des salaires dérisoires », déplore M. Sarr. Très amer, il se demande comment s’en sortir avec un salaire de 50.000 FCfa par mois en plus d’être laissé en rade pendant les trois mois de vacances. Il invite l’État à accorder une oreille attentive aux enseignants, surtout aux arabisants qui sont dans une situation critique.
Selon Khadijatou Badji, dans la plupart des écoles privées, il n’y a pas de prise en charge médicale ni de cotisation à l’Ipres non plus à la Caisse de sécurité de sociale (Css). « Quand on tombe malade, il n’y a aucune prise en charge. Certains chefs d’établissement n’hésitent pas à ponctionner votre salaire à la fin du mois », selon le nombre de jours d’absence pour des raisons médicales, déplore Mme Badji.
Cette situation de précarité est telle que beaucoup d’enseignants ont peur d’intégrer les syndicats pour éviter d’être licenciés, poursuit-elle. « Nous n’avons pas de prise en charge. Si on tombe malade et on n’a pas de certificat médical, on vous coupe les jours d’absence. C’est difficile », se plaint Djibril Kébé. Des débuts d’organisation pour mettre fin à la précarité sont en cours avec le Syndicat indépendant des enseignants du privé du Sénégal (Sieps).