Les Sénégalais délaissent à nouveau le port du masque, le lavage des mains, le respect de la distance physique dans un contexte de baisse des contaminations au coronavirus. Hier, le taux de positivité était de 0,6 %. Ce relâchement suscite pourtant des inquiétudes au regard de l’incidence de la troisième vague qui a battu le record de contaminations au quotidien.
Il est dix heures au rond-point Liberté 6. L’endroit, transformé en marché, grouille déjà de monde. Piétons et vendeurs se disputent la chaussée. Les voitures roulent doucement à cause des travaux Bus Rapid Transit (Brt). Un policier, sifflet à la bouche, régule la circulation. Les passants tout comme les acheteurs, en plus de la chaleur suffocante, sont condamnés à supporter le cocktail de sons que distillent les haut-parleurs des vendeurs pour attirer les clients. Dans ce méli-mélo, Pape Ndiaye propose ses articles à la gent féminine. Le trentenaire ne porte pas de masque. Pis, il reconnaît que les Sénégalais ne respectent plus les mesures barrières. « J’ai un masque, il est dans ma poche. Je ne l’ai pas mis à cause de la chaleur », se justifie-t-il, avant de s’en remettre à Dieu qui, à son avis, est le protecteur de l’humanité.
À quelques pas de lui, Dieynaba Ba, vivant à Dieuppeul, marchande des jeans pour ses enfants, le visage bien masqué. Elle déplore le relâchement des mesures barrières. « Regarde bien autour de toi, presque aucun vendeur n’a porté un masque. C’est pareil dans les maisons et dans les transports en commun. Tous les gestes barrières sont rangés aux oubliettes. Les gens circulent sans masque, se serrent la main. J’ai l’impression qu’ils pensent que la maladie n’existe plus », regrette la dame, qui n’a pas acheté les pantalons dont elle juge le prix trop cher. Derrière le marché, se trouve le garage des « taxis clandos » qui font la navette entre Liberté 6 et Rufisque. Sous un arbre, des chauffeurs, une dizaine, assis sur des bancs en bois, sont en discussion. En plus de l’irrespect du port du masque, la distanciation sociale est loin d’être respectée. « Nous sommes des collègues et nous nous connaissons. Nous savons que personne d’entre nous ne souffre aujourd’hui de cette maladie », explique Ibrahima Diop pour justifier le non-port du masque qui semble être érigé en règle dans ce garage. Cependant, s’empresse-t-il de dire : « Nous avons des masques dans nos véhicules et nous les mettons avant de démarrer ». Son collègue Latyr Ndiaye ne parle pas le même langage. Pour lui, cette maladie est une malédiction divine. Il est le seul qui peut la faire partir. À son avis, les gens doivent respecter les recommandations divines et prier davantage pour que la baisse des cas continue. « Personnellement, je ne pense que le port du masque peut nous épargner de la maladie », soutient-il. Pourtant, Latyr Ndiaye dit avoir été testé positif lors de la première vague et il s’en était bien sorti « grâce à Dieu ».
Toutefois, même s’il y a relâchement dans le respect des gestes barrières, force est de constater que ceux-ci sont toujours de rigueur dans certains lieux. C’est le cas dans cette agence de banque sise à Front de terre. Pour accéder à l’intérieur, le client doit obligatoirement mettre son masque et se désinfecter les mains avec du gel. « Le port du masque y est toujours obligatoire », garantit le préposé à la sécurité, le masque bien ajusté.
Pas à l’abri d’une nouvelle vague ou d’un variant
Rencontré à quelques encablures du rond-point « Khar Yalla », Moustapha Touré, vendeur de masques, confie ne plus faire de bonnes affaires depuis la baisse drastique des cas qui a favorisé le relâchement des Sénégalais. Son masque posé sur le menton, il avoue que son activité est au ralenti depuis quelques jours. « Au début de la maladie, je vendais, au moins, dix paquets de masque par jour. Mais aujourd’hui, c’est une prouesse d’en vendre deux. En plus, on ne fait plus de bénéfices. Je vends les deux masques à 100 FCfa l’unité alors qu’auparavant, ils coûtaient 200 francs. Le carton qui, à un moment, a coûté 5 000 FCfa, se vend maintenant à 1500 francs. C’est vous dire que les Sénégalais ne se protègent plus contre cette maladie qui, pourtant, est toujours là », regrette le jeune homme.
Ce relâchement des gestes barrières est, selon le Directeur de la Prévention au Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, Dr El Hadji Mamadou Ndiaye, liée à la nature humaine qui, devant la peur, essaye de s’adapter ou de faire attention à beaucoup de choses. « Mais dès que la peur n’est plus là, les gens ont tendance à relâcher », confie-t-il. Selon Dr Ndiaye, la solution pour lutter contre ce relâchement est de continuer la sensibilisation. Il estime que c’est maintenant qu’il faut renforcer les mesures préventives en continuant notamment à porter le masque surtout dans les endroits recevant du public, à se laver les mains régulièrement et à se faire vacciner. « C’est extrêmement important », insiste-t-il. Même si la troisième vague du coronavirus est maîtrisée au Sénégal depuis quelques semaines. Les cas positifs liés ont considérablement baissé. Le bulletin épidémiologique d’hier fait état de 10 contaminations sur 1 649 tests réalisés, soit un taux de positivité de 0,60 %.
De l’avis du Directeur de la Prévention au Ministère de la Santé et de l’Action sociale, même s’il y a une accalmie, le Sénégal n’est pas à l’abri d’une nouvelle vague ou d’un variant. « Il faut être extrêmement vigilant. L’épidémie est toujours là et il ne faut pas que les gens s’attendent à des zéros cas. On ne peut pas parler de zéro cas. C’est même imaginable, il faut que les gens le sachent », prévient-il.