En première ligne du combat contre l’épidémie à coronavirus, le personnel soignant est en contact direct avec les patients. Au centre de traitement des épidémies (Cte) de l’hôpital Dalal Jamm, le personnel médical nous replonge dans l’ambiance du centre au plus fort de la pandémie.
Khadidiatou Ndiaye Diop est le Chef du Service des soins infirmiers de l’hôpital Dalal Jamm. Le commerce facile, la dame a dû gérer des craintes et bien des humeurs. Elle a endossé la lourde charge de responsable de l’équipe d’infirmiers qui était au front. Des moments « inoubliables » qu’elle raconte avec beaucoup d’aisance. La baisse du nombre de personnes sous traitement dans le Cte de l’hôpital a quelque peu estompé ses inquiétudes quotidiennes.
Le plus difficile pour elle et son équipe a été de lutter contre un ennemi dont ils ne savent pas grand-chose. Un stress d’autant plus pesant que c’était la première fois que ces agents de santé sont confrontés à une pandémie. Dans cette guerre, la meilleure manière de montrer sa bravoure et sa vaillance était donc d’être très prudent. Une prudence pas du tout ordinaire puisqu’il y avait tout un protocole pour éviter de prêter le flanc à la Covid-19. « Ce n’était pas évident car il y avait énormément de risques. On avait toujours peur de contracter le virus et de le transmettre à notre entourage », raconte-t-elle. Ces souvenirs assez récents sont tout aussi vivaces chez les infirmiers qui étaient en contact avec les patients. L’infirmier d’État Alioune Badji était au cœur des interventions au Cte de Dallal Jamm.
Empathie avec les malades
Il révèle que la pandémie a été vécue en deux phases. D’une part, une période d’inquiétudes liée aux informations réelles relayées autour de la maladie mettant en exergue la dangerosité du coronavirus. D’autre part, le sentiment d’avoir profité de la pandémie pour pratiquer ce qu’il avait appris à l’école, mais aussi de mettre en valeur son savoir, son savoir-faire et son savoir-vivre en côtoyant des personnes infectées. « J’avais quitté le pavillon des malades asymptomatiques pour la réanimation où nous voyions des malades dont l’état se dégradait de jour en jour voire d’heure en heure », a-t-il avancé.
Alioune Badji se souvient qu’au moment où certains patients se comportaient correctement dans le centre, d’autres par contre versaient dans des comportements pas du tout irréprochables. Parmi les souvenirs les plus douloureux, il se rappelle qu’il lui arrivait d’échanger avec un patient et le voir quelques instants plus tard commencer à manifester des signes inquiétants. Néanmoins, à aucun moment de la pandémie, il n’a nourri le moindre regret d’avoir opté pour le métier. Mieux, cette expérience lui a permis d’être davantage outillé à tout point de vue pour pouvoir faire face en cas de résurgence de la Covid-19. Infirmière d’État nouvellement affectée à l’hôpital Dalal Jamm, Awa Cissokho a vécu des débuts très difficiles. Heureusement, elle a pu surmonter les écueils moraux, réussissant à s’adapter progressivement. « Au fil du temps, j’échangeais avec les malades et j’éprouvais par moment une certaine empathie pour eux au point que la peur finit par s’estomper », explique Awa Cissokho.
L’instant difficile
Le port d’équipements de protection individuelle (comme les masques) faisait partie des instants les plus difficiles en ce sens que la personne qui enfile cette combinaison de protection est aussitôt envahie par une chaleur si forte au point de devenir incommodante. Dr Khady Fall, anesthésiste réanimateur, coordinatrice adjointe au Cte de Dalal Jamm, confirme ces propos. En effet, son contact avec les personnes infectées a souvent été direct. Elle est sur toute la chaîne de traitement des malades ; de la prise en charge au suivi de certains cas. Cette maladie nouvelle a nécessité une capacité d’adaptation des conditions de travail. « Il fallait s’accommoder des équipements de protection, mais aussi des questions persistantes telles que si l’on va contracter la maladie ou pas », explique-t-elle pour raconter ses premiers jours sur la ligne de défense.
Défis techniques et psychologiques
Mais au fil du temps, Khady a appris à faire avec toutes ces nouvelles contraintes qui ont abouti à des questionnements psychologiques. Elle a vu des patients perdre rapidement la vie quelque temps seulement après leur avoir parlé. Des moments de douleurs sur lesquels se greffent souvent d’autres qui ne relèvent pas toujours du domaine médical.
Des contingences
Khadidiatou Ndiaye Diop, Chef du Service des soins infirmiers, se remémore des stigmatisations dont elle a été victime au plus fort de la pandémie. Même si ce n’étaient pas des comportements et discours méchants, elle sentait tout de même une certaine distance qui s’est créée entre elle et ses proches. « Certains m’ont demandé de me désinfecter avant de quitter l’hôpital et je rétorquais en leur disant que je suis plus protégée que vous », explique-t-elle, le sourire taquin. Ces discussions plus ou moins désintéressées avec les proches font tout de même que ces agents appliquent des consignes strictes avant de franchir la zone rouge (Cte). Mais n’empêche, il y avait quand même des infirmiers infectés. C’était le moment le plus touchant. Khadidiatou Ndiaye Diop peine à qualifier ces jours, tellement ils étaient pesants. « J’ai passé des nuits blanches », se rappelle-t-elle.
« Au moment où nous avions plus de 200 patients sous traitement, les contacts avec eux se sont donc multipliés. L’hôpital a fait face à la rupture d’équipement au niveau central et a dû confectionner des masques lavables. Par contre, il y avait rupture de masques Ffp2 et cela avait occasionné quelques réticences. On m’a appelé une nuit pour m’informer que l’équipe de garde ne voulait pas entrer dans la zone rouge parce qu’elle ne disposait pas de ce type de masque pour se protéger. Il a fallu donc les convaincre afin qu’ils puissent prendre quand même le risque », soutient-elle.