L’arrêté du Ministère du Commerce fixant les prix de certains produits continue d’être contesté par les boutiquiers détaillants. Si la majorité d’entre eux refusent de « vendre à perte », certains, plus téméraires, n’hésitent pas à ajouter une marge sur les prix homologués. Les clients sont partagés entre lassitude et résignation.
Ce lundi, après le marché, les ménagères envahissent les boutiques pour compléter les emplettes nécessaires au repas du jour. Elles achètent du riz, de l’huile et éventuellement du sucre…aux prix fixés par les boutiquiers. En effet, l’application des prix homologués par le Ministère du Commerce et des Pme est loin d’être une réalité sur le terrain. Un tour dans certaines boutiques nous a permis d’en faire le constat.
Ces commerçants détaillants disent ne pas pouvoir vendre à perte, car l’augmentation des prix n’est pas de leur ressort. Ils disent subir les conséquences d’une hausse généralisée des prix qui les touche au même titre que les consommateurs. Pour certains d’entre eux, il est hors de question de vendre à perte alors que les grossistes n’hésitent pas à répercuter la hausse des prix.
M. A. D., boutiquier à Keur Mbaye Fall, n’a pas hésité à répercuter, à son tour, sur le client final. Dans sa boutique bien garnie, aucune note d’information ne fait d’ailleurs état des nouveaux prix. Il vend les 250 grammes de sucre cristallisé à 175 FCfa, soit une marge de 25 FCfa sur le prix fixé par l’autorité. « Cette situation est indépendante de notre volonté. Nous subissons la loi des grossistes. Respecter à la lettre les nouveaux prix serait vendre à perte. Donc, nous estimons qu’il est compréhensible de rapporter notre bénéfice initial sur le prix actuel », explique-t-il. Idem pour l’huile dont le litre est vendu, dans certains quartiers, à 1400 FCfa au lieu des 1300 FCfa retenus par le Ministère du Commerce.
Y. B. assume cette augmentation unilatérale en précisant qu’elle est indépendante de sa volonté. Lui aussi n’a pas affiché l’arrêté du Ministère du Commerce, disant s’inscrire en faux contre cette mesure qui les désavantage au détriment des grossistes.
Certains ont arrêté de vendre le sucre
Cependant, la plupart des boutiquiers se veulent plus prudents. Pour ne pas s’attirer les foudres des services du commerce, ils ont décidé d’arrêter la vente de certains produits comme le sucre jusqu’à nouvel ordre. A. B. a choisi cette option. Sa boutique ne manque de rien, sauf du sucre cristallisé de 250 grammes. « C’est plus simple ainsi », trouve-t-il. Pour lui, cela ne sert à rien d’acheter un produit pour le revendre à perte ou risquer une amende salée en y ajoutant une marge. « Je risque, à tout moment, de perdre plus que le bénéfice que j’aurais pu faire avec le passage des agents du contrôle. Je préfère ne pas m’exposer », soutient-il.
A. B. n’est pas le seul à adopter cette posture. Du coup, le sucre cristallisé devient presque introuvable dans certains quartiers.
Cette situation affecte certaines activités comme la vente de jus de fruits. Avec la rareté du sucre cristallisé (ou vendu plus cher dans de rares boutiques du quartier), Aminata et Mariama ont décidé de suspendre la vente de jus rafraîchissants. « À notre niveau, nous ne pouvons pas répercuter cette hausse sur la bouteille de jus qui coûte 100 FCfa. Alors, nous avons pensé que le mieux, c’est d’arrêter momentanément le commerce en attendant un retour à la normale », argumente Aminata. Mariama, elle, raconte qu’elle a tenté le coup, mais elle ne s’en est pas sortie. Sa stratégie a consisté à réduire la quantité de jus embouteillée. Cependant, ses clients se sont plaints. « Je préfère donc observer une pause, le temps que la situation se décante », dit-elle.
Les clients résignés
Les témoignages de ces deux femmes résument l’attitude des populations, lesquelles sont partagées entre lassitude et résignation. Amateur de thé après un déjeuner bien huilé, Lamine Thiam se demande d’ailleurs comment faire pour dénoncer les boutiquiers récalcitrants. « Je ne me suis pas donné cette peine. De plus, je ne sais pas à qui m’adresser pour me plaindre du comportement de certains boutiquiers qui ne vendent pas aux prix fixés », souligne-t-il. Lamine n’est pas au courant qu’il a la possibilité de saisir le chef de quartier pour faire entendre raison aux commerçants en question. Mamadou Guèye, la soixantaine révolue, dit aussi qu’il ne va pas se donner cette peine pour dénoncer l’attitude de certains commerçants. « Il y a des services compétents qui sont payés pour faire le contrôle, mais nous ne les voyons que très rarement. S’il y avait un contrôle rigoureux, nous n’aurions pas à dénoncer nous-mêmes cette situation », pense le vieux retraité. Ainsi, même s’ils se plaignent, les clients disent ne pas avoir d’autre choix. Il faut satisfaire les besoins alimentaires, disent-ils. À n’importune quel prix ?