L’opposition n’a qu’un ennemi commun : Macky Sall et sa coalition. Mais l’autre enjeu de ces Locales réside dans le fait que le Pds et ses alliés, et Yewwi askan wi de Sonko, Khalifa Sall et autres vont aussi devoir être départagés après leurs divergences profondes qui ont abouti à leur séparation.
Macky Sall va faire face à deux grandes coalitions au moins : Yewwi askan wi (Yaw) avec Ousmane Sonko, Khalifa Sall, Pur, Gakou, Aïda Mbodj et Cie, mais aussi celle des Wade, de Pape Diop, Decroix, du Crd et Jotna, qui n’a pas encore de nom. Il y a aussi celle de Gueum sa bopp qui, pour le moment, n’a pas pris une décision officielle, même si son leader, Bougane Guèye Dany, a annoncé qu’elle ira aux Locales sous sa propre bannière. A côté de leurs ambitions de détrôner la majorité présidentielle, il y a une guerre des coalitions.
D’autant plus que le Pds et ses alliés ont quitté les discussions autour de la coalition devenue Yewwi askan wi avec fracas. Si le Pds a boudé Sonko et Cie pour «des points de désaccord qui n’ont pas été résolus» et des «jeux de l’ombre ainsi que des détours et subterfuges inutiles», Mamadou Diop Decroix, lui, a fait part à Khalifa Sall de «fortes réserves quant à la méthode» qui empêche son parti de «s’associer à l’initiative». Tandis que Pape Diop a indiqué au leader de Taxawu Senegaal sa décision de ne pas rejoindre la coalition parce qu’il «n’a été associé ni de près ni de loin aux discussions qui ont jeté les bases de cette coalition», considérant que «ce qui se fait sans lui se fait contre lui».
Que le Pds, Bokk gis gis et Aj se retrouvent, cela ne surprend pas puisqu’ils ont en commun d’avoir cheminé ensemble à des élections. Il ne devrait pas y avoir d’ailleurs d’obstacles majeurs puisque les trois, avec Tekki qui est membre du Crd, sont allés ensemble aux dernières Législatives et ont pu obtenir un groupe parlementaire. Pape Diop semble même avoir vendu la mèche en informant Khalifa Sall «des discussions engagées initialement avec la direction du Pds» dans le sens d’une collaboration.
La bataille entre Yaw et les autres oppositions
Ces Locales seront aussi un affront à laver entre Yaw et le Pds et ses alliés. Il est vrai qu’entre-temps les Libéraux ne se sont pas pesés, comme lors de la Présidentielle de 2019. Mais cette coalition pourrait, dans certaines localités, réduire ou compromettre les chances de Sonko, Khalifa Sall et autres. Si, bien sûr, Abdoulaye Wade et son parti bénéficient toujours de la fidélité de leur électorat. Parce qu’il ne faut pas oublier que le mot d’ordre d’abstention de Wade en 2019 a, sans doute, pesé sur la balance, se révélant une donne qui a participé à la réélection de Macky Sall.
Alors que le «Pape du Sopi» et son fils avaient l’occasion en or d’envoyer celui qu’ils considèrent comme leur bourreau à la retraite ou tout au moins au second tour. L’allégeance du leader de Pastef qui a interrompu sa campagne électorale n’y a rien fait. Wade a préféré le protocole de Conakry et pense aussi à l’avenir de Karim. Mais alors que pèse encore le Pds ? Tout se saura le 23 janvier 2022. Ce sera une victoire ou une défaite qui départagera les deux grandes coalitions de l’opposition. Surtout que, soupire-t-on, les négociations entre Sonko, Khalifa et Cie et le Pds ont échoué à cause d’une querelle de leadership, de préséance et de représentativité.
Les premières contestations qui ont découlé de l’annonce de cette grande coalition présageaient de la complexité de l’initiative. Bougane Guèye Dany qui a claqué la porte définitivement mardi – après avoir signé la charte sous réserve – comme Thierno Bocoum, le Congrès de la renaissance démocratique (Crd) et la coalition Jotna avaient dénoncé des négociations «pas du tout inclusives». Et en réalité, c’est aussi l’une des raisons de la colère de Decroix. «Le principe d’égale dignité, même si les uns et les autres sont de poids électoral différent, doit être constamment préservé pour mettre à l’aise tous celles et ceux qui veulent prendre part au combat pour une alternative réellement crédible», soutient-il pour indiquer que cela doit être le cas pour le «nouveau pôle oppositionnel» qu’il théorise. Et c’est la coalition électorale lancée hier «au terme d’échanges pragmatiques et profonds», et «fondée sur le réalisme, la transparence, l’équité et l’intérêt supérieur des citoyens». Le Pds et ses alliés ambitionnent de présenter des listes de candidats «dans tous les départements, villes et communes de l’étendue du territoire national». Tout comme Yewwi askan wi qui, dans sa charte, s’engage à «présenter une liste unique dans chaque commune, ville et département du Sénégal». Cependant, pour Sonko, Khalifa et leurs camarades, «chaque parti ou mouvement signataire (doit s’abstenir) de présenter ou de soutenir une liste concurrente à celle de la coalition». Mais alors les deux grandes coalitions de l’opposition pourraient faire l’affaire de la majorité, si et seulement si elles ne s’accordent pas sur le même principe de ne soutenir, pour l’une ou l’autre, que les listes de l’opposition. Et la plaie est si béante qu’un tel pacte serait illusoire. Tout comme, selon Pape Diop, il est «illusoire d’avoir un cadre unique regroupant toute l’opposition», parce que «la mise sur pied d’une coalition est une chose et que la nécessité de parvenir à des investitures consensuelles en est une autre». La petite pique du leader d’Aj à l’émission matinale Bët set de Seneweb, jeudi, a ainsi lancé les hostilités. Un défi aussi. «Askanou senegaal ken duko yewwi. Mooy yewwi boppam (Personne ne peut libérer le Peuple sénégalais à sa place)», a dit Decroix.
L’unité aux Législatives compromise ?
Le scénario des coalitions de l’opposition pourrait rendre davantage compliquée l’unité de l’opposition aux prochaines Législatives qui auront lieu 6 mois après les Locales. Et l’autre objectif d’imposer à Macky Sall la «cohabitation» dépendra justement de cette unité qui avait fait défaut à l’opposition en 2017. Pour Pape Diop, «il serait hypothétique et dangereux pour l’opposition d’avoir un cadre unique aux Locales pour, ensuite, le voir se disloquer en direction des scrutins législatif et présidentiel». Mais Yewwi askan wi y croit. Elle prend «solennellement» l’engagement de «poursuivre la dynamique unitaire aux élections législatives de 2022 afin de redorer l’image de l’Assemblée nationale en restaurant ses véritables fonctions de législateur, de contrôle de l’action du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques», de «restaurer l’état de droit et les libertés démocratiques en abrogeant toutes les lois liberticides et anti-démocratiques visant à confisquer la volonté populaire». Mais surtout, la coalition Yaw entend présenter et voter des propositions de lois «permettant à tous les leaders politiques de jouir de leurs droits civiques et politiques arbitrairement confisqués par le pouvoir en place». En clair, le rétablissement de Karim Wade – qui n’est plus membre de la coalition – et de Khalifa Sall. Mais les désaccords profonds pourraient-ils recoller les morceaux ?