Les Sénégalais n’adhèrent pas tous à la vaccination contre la Covid-19. Selon le rapport de l’étude des perceptions et de la gouvernance sociale de la riposte du think tank Legs Africa reçu, hier, à ‘’EnQuête’’, il y a encore des réticences catégoriques au sein des communautés, face au vaccin.
Malgré les différentes sensibilisations des autorités étatiques, guides religieux et chefs coutumiers, il existe encore des Sénégalais qui n’approuvent pas l’idée de se faire vacciner pour lutter contre l’expansion de la Covid-19. C’est ce que révèle le rapport de l’étude des perceptions et de la gouvernance sociale de la riposte du think tank Legs Africa, transmis, hier, à ‘’EnQuête’’.
‘’L’analyse révèle des réticences catégoriques au sein des communautés, face au vaccin. En effet, elles assument leur position d’anti-vaccin qu’elles justifient par les complications liées à la prise du vaccin. D’autres développent des idées sur le bien-fondé de l’efficacité des doses du type de vaccin qui a été mis à disposition au Sénégal. S’y greffe une certaine méfiance à l’égard des élites politiques nationales que certains individus considèrent comme de véritables manipulateurs, leurs actions à l’endroit des populations étant souvent perçues comme attitude trompeuse. Cette idée commune est appréhendée comme un sérieux motif de réticence vis-à-vis du vaccin’’, explique le document.
Cependant, la même source précise, par ailleurs, que les informations qui ont été collectées au niveau communautaire laissent déduire une ‘’appréciation positive’’ du vaccin. ‘’Car les populations pensent qu’il réduirait la propagation du virus et les décès y afférents, et éviterait la paralysie des espaces de socialité et de travail. L’implication d’experts et d’autorités sanitaires connus grâce à leur détermination et impartialité est très incisive dans la communication en faveur du vaccin. Ils sont cités comme modèles de référence pour convaincre et encourager la prise de vaccin’’, rapporte notre source.
Les opinions des communautés sur la prise en charge des cas graves révèlent une satisfaction. En effet, presque la moitié des personnes, soit 48,9 % dont 28,7 % d’hommes contre 20,2 % de femmes, pensent que la prise en charge a été efficace. ‘’L’appréciation de l’efficacité du plateau technique mis en place pour la prise en charge diffère selon les districts. On observe une proportion relativement faible concernant l’efficacité de la prise en charge dans les hôpitaux et CTE à Touba (7 %), comparée aux districts de Guédiawaye (27 %) et de Dakar-centre (22 %). Malgré la reconnaissance des efforts consentis par l’État pour améliorer les soins de prise en charge à l’échelle nationale, certains pensent que le plateau technique devrait davantage être amélioré et notent un déséquilibre de couverture entre Dakar et l’intérieur du pays, notamment à Touba’’, poursuit le texte.
Selon le rapport, les ‘’insuffisances’’ de la riposte sanitaire mises à nu ici, auraient contribué à exacerber la vulnérabilité du personnel de santé qui est supposé prendre en charge les cas contaminés par le virus. ‘’Les résultats mettent en évidence que le soutien aux personnes vivant avec une comorbidité (diabète, hypertension artérielle, etc.) a été diversement apprécié. Quarante-quatre pour cent de cette couche vulnérable ignore jusqu’à l’existence d’un cadre d’appui leur étant destiné ; tandis que d’autres, soit 25 %, estiment en avoir moyennement bénéficié. En revanche, 20 % des personnes vivant avec une comorbidité affirment n’avoir aucunement bénéficié de l’appui de l’Etat, dans le cadre de la pandémie’’, indique l’étude.
La gestion des fonds déplorée
Les données collectées par les enquêteurs de Legs Africa révèlent ainsi que la gestion des fonds ‘’ne tient pas compte’’ des conditions de vie, réalités et préoccupations de certaines catégories vulnérables vivant avec une comorbidité. ‘’L’absence de soutien dans ce contexte pourrait donc être considérée comme un facteur de vulnérabilité pour les communautés, particulièrement chez celles vivant avec une comorbidité. L’information sur l’existence d’un appui destiné à cette couche semble ne pas être parvenue aux populations et pose des problèmes de coordination et de gestion de l’appui destiné aux populations les plus vulnérables, renforçant ainsi les inégalités sociales en contexte d’épidémie’’, souligne Legs Africa.
Par rapport aux interventions de l’Etat, il est relevé, dans le rapport, que la tendance générale est ‘’favorable’’ au soutien de l’Etat aux populations, dans le cadre de la riposte contre la pandémie à Covid-19. Les personnes ayant témoigné avoir bénéficié d’un soutien dans le cadre de la riposte sont majoritaires dans les districts de Guédiawaye et de Dakar-centre, soit respectivement 69 et 52 %. Un taux plus faible a été enregistré dans le district de Touba, soit 42 %, donc moins de la moitié des personnes enquêtées.
En outre, les cibles se plaignent de la mauvaise coordination dans la distribution des aides de l’Etat. ‘’Malgré une perception positive en faveur de la communication du ministère de la Santé et de l’Action sociale dans les médias, il ressort que l’État doit davantage fournir des efforts dans sa stratégie de communication au niveau local, à Touba en particulier, ce pour une meilleure acceptation et appropriation des programmes de prévention par les communautés. Les réalités socioculturelles et religieuses des communautés ont une grande influence sur les représentations, les pratiques et les comportements des populations en matière de santé. D’où la nécessité d’intégrer ces aspects dans toutes les stratégies de communication pour une crédibilité des messages, compte tenu de la forte adhésion des populations aux croyances religieuses et de la grande légitimité des leaders religieux’’, poursuit le document.
Il convient de noter que le think tank Legs Africa a initié une activité de redevabilité active de la riposte de l’Etat du Sénégal, dont l’une des composantes consistait à réaliser une étude de la perception des citoyens bénéficiaires de cette riposte. Ce faisant, Legs Africa a mis en place un cadre de collaboration avec des chercheurs, dont un socio-anthropologue et une équipe technique du laboratoire Sahara de l’Institut des sciences de l’environnement de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
L’objectif général de cette étude est d’analyser les perceptions, représentations et attitudes par rapport à la gouvernance sociale de la pandémie à Covid-19 dans les districts de Dakar-centre, Guédiawaye et Touba. Pour atteindre cet objectif, une enquête par questionnaire a été effectuée sur un échantillon de 1 200 membres des communautés. Cette enquête quantitative a été complétée par des entretiens qualitatifs ciblant diverses catégories d’acteurs, de bénéficiaires et de populations vulnérables concernées par l’étude.