Le Centre de rééducation et de réadaptation a permis à beaucoup d’enfants et d’adultes vivant avec un handicap de retrouver l’usage de leurs membres, y compris des personnes du troisième âge, victimes d’Avc. L’espoir renaît au bout de l’effort physique ou grâce à une orthèse ou une prothèse fabriquée dans l’atelier d’orthopédie de l’établissement Talibou Dabo.
La dame, Lucie Ndiaye, flottant dans une robe fleurette tombante, suit les allers-et-retours de son garçon de trois ans qui se déplace sur un vélo de rééducation. Depuis avril 2020, Lucie et son garçon se rendent régulièrement au service de rééducation de Talibou Dabo, situé dans le quartier de Grand-Yoff. Elle se donne sans contrepartie pour que son enfant puisse marcher. « J’ai commencé à voir les effets de la rééducation. Il y a une grande différence avec le début de la rééducation. Il a 3 ans et jusqu’ici, il ne peut pas encore marcher. Mais j’ai commencé à voir les effets », confie Lucie Ndiaye. C’est une maman prête à tout pour donner la tendresse à ce garçon. Comme cette dernière, deux autres femmes sont dans un couloir de la zone de Kinésithérapie. Ils ne sont pas nombreux, ces parents qui se donnent pour aider leurs enfants souffrant d’handicap, à retrouver une meilleure santé. « Les familles doivent prendre conscience que rien n’est perdu pour les enfants handicapés. Nous avons vu des gens, sortis du Centre Talibou Dabo, devenir des personnalités », raconte le Directeur du Centre Talibou Dabo, Lassana Sidibé. À l’intérieur, tous les box individuels de rééducation sont vides, contrairement à l’espace collectif où un homme âgé, d’une voix à peine audible, s’époumone à soulever légèrement, avec ses pieds, un rouleau de poids. À côté, une vieille et un autre homme sont devant d’autres appareils, sous l’assistance d’un moniteur répétant les mouvements. Dans cet espace, seul le cyclorameur n’était pas utilisé. Chaque patient, dans son coin, fait un exercice de façon décontractée. Mais il faut plusieurs séances pour certains afin de retrouver la forme. « Pour les personnes qui ont un Avc, il faut parfois 45 mn d’exercice et cela peut durer jusqu’à une heure et demi, tout dépend de l’atteinte des muscles. Vous voyez ce que cela représente du point du vue du travail », informe le responsable du service de Kinésithérapie, Aliou Bocoum. L’espace collectif donne sur un couloir où sont installées les barres parallèles de fer. Sur l’une des extrémités, une dame d’un certain âge est en fin de son temps de rééducation sous la supervision d’un moniteur. « Les barres parallèles servent à aider les personnes à réapprendre à marcher », explique le cadre kinésithérapeute.
L’autre côté de l’espace de la Kinésithérapie n’est pas encore équipé. Un groupe de jeunes garçons sont concentrés sur leurs jeux. Nous traversons cette salle en longeant sa largeur au bout de laquelle se trouve un portillon qui donne sur une piscine. Elle vient renforcer l’arsenal de prise en charge des enfants souffrant d’handicap mais aussi des personnes âgées. « Il faut oser investir dans la créativité, sortir des sentiers battus. En plus de cette piscine, pourquoi ne pas créer un département d’eau, avec des soins à vapeur d’eau, avec un Hammam. C’est ainsi que nous pourrons augmenter nos ressources », a préconisé le cadre-thérapeute.
Contrairement à ce compartiment de la Kinésithérapie, le vaste atelier d’orthopédie est meublé de scies, de machines planeuses, défonceuses, perceuses, d’un four, d’une moule… Entre ces appareils, l’un des techniciens, Monsieur Diatta, essaie de redimensionner une prothèse tibia. Ici, ils fabriquent toutes les prothèses. « Nous fabriquons l’orthèse qui complète un membre et la prothèse qui remplace un membre. Nous faisons la conception et la fabrication après la prescription du médecin », informe le chef de l’atelier Idrissa Diallo. C’est grâce à ces derniers que des élèves, des personnes atteintes de l’Avc retrouve la mobilité ou l’usage de leurs membres supérieurs.
Lassane Sidibé, Directeur
« Ces enfants réussissent s’ils bénéficient d’un suivi médical »
La prise en charge médicale des enfants vivant avec un handicap du Centre Talibou Dabo a été nettement améliorée. C’est ce qu’avance le Directeur de cet établissement, Lassana Sidibé qui a exhorté les parents à ne jamais abandonner ces enfants qui parviennent, malgré leur handicap, à obtenir de bons résultats à l’école.
Vous êtes à la tête du Centre Talibo Dabo depuis juin 2020. Quels sont les résultats auxquels vous êtes parvenu ?
J’ai pris fonction, comme Directeur du Centre Talibou Dabo, le 26 juin 2020. Je dois rappeler que j’étais le point focal de cet établissement au Ministère de la Santé et de l’Action sociale. Tout ce qui venait donc de Talibou, passait par moi. Après la prise de fonction, j’ai rencontré le personnel et les parents d’élèves. Ces derniers, comme le personnel, ont exposé des doléances que nous avons essayé de prendre en charge. Je peux citer le suivi médical des enfants, parce qu’avant ma prise de fonction, il n’y avait ni la kinésithérapie, ni l’odontologie. À cela, s’ajoute la question du transport des élèves. En somme, c’était le cri du cœur. Avec les différents services, nous avons pris en charge ces préoccupations. Actuellement, les enfants bénéficient des soins dentaires, ils sont suivis par un neurologue. Nous avons une pédiatrie, un service d’appareillage. Nous avons aussi amélioré la restauration en intégrant un dessert. En somme, des avancées sont notées. Il faut un minimum pour un centre de rééducation et de réadaptation. Pour un centre de rééducation, il est nécessaire d’avoir des services de psychomotricité et d’ergothérapie. Nous n’avons pas de psychomotricien ni d’ergothérapeute. Nous avons signé une convention avec l’École dentaire internationale qui nous envoie, de temps en temps, de stagiaires. Nous avons une école maternelle mixte où nous avons bien portants et ceux vivant avec un handicap.
Chaque enfant a un dossier médical permettant de suivre l’évolution de son état. Les parents nous appellent pour nous remercier, suite au constat dans l’amélioration de la prise en charge des patients. Je dois préciser que notre service social mène des visites à domicile pour voir l’environnement dans lequel l’enfant évolue. Il peut y avoir un déphasage entre son milieu et celui qu’il fréquente. Ces visites sont sanctionnées par des rapports qui nous servent de support de prise de décisions.
Quels sont les aspects à améliorer ?
Ce sont des disciplines rares. Des psychomotriciens et des ergothérapeutes nous viennent de l’étranger. Ils faisaient deux à trois mois avant de repartir. L’année dernière, nous avons reçu des stagiaires de l’Institut des travailleurs spécialisés de Nice qui nous envoie des stagiaires pour un à deux mois. Nous avons bon espoir, avec la sortie des prochaines promotions de l’école dentaire internationale, nous pourrons recruter de psychomotriciens et d’ergothérapeutes ou le Ministère de la Santé et de l’Action sociale, le fera pour nous.
Comment le centre fait face à ses charges avec tous ces enfants qui ont parfois plusieurs maladies ?
Nous avons le budget de l’État, avec une partie pour le fonctionnement et l’autre pour l’investissement. Mais il faut le dire, la prise en charge des enfants en situation d’handicap est lourde. C’est un important budget certes, mais il est insuffisant. En dehors de l’argent de l’État, nous avons la contribution des partenaires et des bonnes volontés. Auparavant, la grande difficulté était la gestion des fonds mis à notre disposition par des donateurs et des mécènes. Mais nous avons décidé de changer.
Nous faisons une expression de besoins que nous soumettons aux bienfaiteurs et aux partenaires. J’ai mis en place une commission des marchés qui siège en toute autonomie et les fournisseurs sont choisis. Je dois dire que le Ministre de la Santé et de l’Action sociale appuie énormément le Centre Talibou Dabo. Il attache une importance particulière à cet établissement. Ce qui fait, en un temps record, le centre a changé.
Je remercie le Ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, au nom des enfants et du personnel. Le Ministre vient fréquemment au Centre Talibou Dabo.
Ce centre a été créé en 1981 pour la prise en charge d’enfants atteints de poliomyélite. Cette maladie est éradiquée. Actuellement, nous avons des enfants en situation d’handicap et de troubles associés. En partenariat avec la Délégation de la coopération de Monaco, nous avons ouvert une unité socioéducative spécialisée destinée à prendre des enfants avec un handicap lourd. Nous devons donner une seconde chance à ces enfants. J’invité les parents à ne jamais abonner leurs enfants car s’ils sont suivis, sur le plan médical, ils réussissent. L’année dernière, nous avions une fille qui avait obtenu une mention Bien au baccalauréat. Nous avons amélioré la prise en charge médicale des enfants.
Comme l’a dit le Ministre, il faut « décentraliser » le centre de santé Talibou Dabo. Actuellement, les agents posent le problème du changement du statut de l’établissement, parce que nous n’avons pas l’autonomie pour prendre certains engagements.