Dr Yaya Niang, Constitutionnaliste sur la loi sur le parrainage
Dans son arrêt rendu la semaine dernière, la Cour de justice de la Cedeao a ordonné à l’Etat du Sénégal de retirer la loi sur le parrainage, dans un délai de 6 mois. Une décision déjà récusée par les tenants du pouvoir. Mais pour le constitutionaliste Yaya Niang, notre pays est dans l’obligation de se plier à cette sentence.
L’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao sur la loi sur le parrainage emporte-t-il force exécutoire au Sénégal ? A cette question, le constitutionnaliste, Dr. Yaya Niang, répond par l’affirmative.
Contacté par Seneweb, il rappelle d’emblée l’article 15 du traité révisé, qui stipule que «les arrêts de la Cour de justice ont force obligatoire à l’égard des Etats membres, des institutions de la Communauté et des personnes physiques et morales».
«Il apparait, à la lecture de cet article, que l’Etat du Sénégal a l’obligation de s’exécuter. Pour cela, il faudra d’abord saisir la quintessence du dispositif de l’arrêt et en tirer les conséquences nécessaires dans l’intérêt de la démocratie. Il y va aussi de notre responsabilité ne pas contribuer à fragiliser l’institution communautaire», explique l’enseignant-chercheur en droit à l’université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis.
Absence de pouvoir d’injonction
A la question de savoir ce que risque l’Etat du Sénégal, notamment sur le plan communautaire, il souligne, pour le regretter, que la cour ne dispose pas d’un pouvoir d’injonction devant lui permettre d’assurer l‘exécution de ses arrêts. «Il appartient ainsi à la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement d’apprécier et de qualifier l’attitude de l’Etat du Sénégal», précise le Dr Niang.
Concernant, par ailleurs, l’avenir de la Cour d’Abuja, le spécialiste souligne qu’«il est fréquent que les Etats condamnés s’agitent suite à une décision défavorable rendue à leur encontre par une juridiction communautaire. Ce qui est normal. A l’issue d’un procès, il n’est pas surprenant que la partie condamnée marque sa désapprobation».
Toutefois, fait-il constater, le dynamisme jurisprudentiel de l’institution est généralement salué. Selon lui, cela «n’exclue pas de faire une évaluation de sa politique jurisprudentielle et d’engager les réformes nécessaires, surtout sur le plan opérationnel».
Attitude paradoxale
Le constitutionnaliste juge ainsi «paradoxale» l’attitude de l’Etat du Sénégal vis-à-vis de la Cedeao et de ses institutions. Cela, dit-il, «révèle que le Sénégal est un justiciable insaisissable. En sa qualité d’Etat membre de la Cedeao, nous avons constaté un Etat qui s’est glorifié d’avoir dirigé la force militaire ayant contribué à forcer le départ de Yahya Jammeh et installer Adama Barrow» en Gambie.
Cependant, le Dr Yaya Niang rappelle qu’en tant qu’Etat justiciable devant la Cour de justice de la Cedeao, le Sénégal a toujours invoqué sa souveraineté, pour fonder un refus d’application des arrêts rendus par la Cour, dans les affaires Khalifa Sall et Karim Wade.
«L’attitude réfractaire de l’Etat du Sénégal vis-à-vis de la Cour d’Abuja est en contradiction avec ses engagements communautaires clairement exprimés dans le traité révisé de juillet 93 dont il est signataire», a-t-il conclu.