Ennemi juré du Tigré, l’Erythrée s’était ingérée dans le conflit opposant Addis-Abeba à cette région frontalière. Si son implication a fini par être confirmée par Abiy Ahmed après plusieurs démentis, Asmara n’a cependant jamais admis être à l’origine des exactions répertoriées dans la région.
Au Tigré, l’armée érythréenne est une nouvelle fois au centre d’une affaire de violation des droits de l’homme. Dans un communiqué publié le mercredi 14 avril 2021, l’ONG Amnesty International accuse Asmara d’avoir délibérément tiré sur des civils, sans raison légitime apparente.
« Amnesty International peut confirmer que les troupes érythréennes ont tué trois personnes et en ont blessé au moins 19 lors d’une attaque non provoquée contre des civils dans le centre de la ville d’Adwa, le 12 avril. Des témoins ont indiqué à Amnesty International que les troupes érythréennes traversaient la ville située dans la région du Tigré, lorsqu’elles ont soudainement ouvert le feu sur les habitants de la rue principale, près de la gare routière », a déclaré l’Organisation dans son rapport.
D’après plusieurs témoins, les soldats impliqués dans cette fusillade étaient vêtus de tenues de camouflage de l’armée érythréenne et s’exprimaient en tigrinya, la langue officielle de l’Erythrée mais également du Tigré. Des sources médicales affirment que toutes les personnes reçues à l’hôpital avaient reçu des balles dans la poitrine, l’estomac, les jambes et les mains, et six d’entre elles étaient dans un état critique au 13 avril.
Cette accusation intervient alors que le conflit au Tigré est particulièrement scruté par la communauté internationale pour les probables cas de crimes de guerre qui y ont été répertoriés. Après avoir longtemps nié l’ingérence de l’armée érythréenne dans ce conflit interne, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, avait fini par confirmer l’intervention d’Asmara (principale accusée dans les cas de violation de droits humains) dans le conflit.
« Il doit y avoir justice et responsabilité pour les crimes de guerre et les violations des droits de l’homme dans le Tigré […] Nous demandons l’ouverture d’une enquête internationale sur cet incident et d’autres allégations de violations des droits humains, notamment de crimes de guerre et éventuellement de crimes contre l’humanité commis dans le cadre du conflit en cours au Tigré », a déclaré Sarah Jackson, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est.
Il faut souligner que le 25 mars, l’Organisation des Nations unies (ONU) et la Commission éthiopienne des droits de l’homme (EHRC) avaient déjà annoncé une enquête conjointe sur la situation au Tigré, qui dure depuis l’offensive du gouvernement fédéral contre le gouvernement sécessionniste de la région, en novembre 2020.
Suite aux allégations de violations de droits de l’homme prononcées contre son nouvel allié, le 1er ministre Abiy Ahmed avait annoncé il y a quelques semaines que l’armée érythréenne se retirerait du conflit au Tigré, sans donner un délai.
Moutiou Adjibi Nourou