Diaobé, dans le département de Vélingara, région de Kolda, avait tragiquement exprimé sa colère contre l’arrestation d’Ousmane Sonko. Les manifestants avaient tout cassé sur leur passage. Ils avaient réduit en cendres la Brigade de gendarmerie située à la sortie de la ville, incendié la Douane, la Mairie, La Poste… L’élève de 3e Sadio Camara dit Papa avait perdu la vie après avoir reçu une balle à la cuisse et onze blessés par balle dénombrés.
Aujourd’hui, la ville qui porte encore les stigmates de la vague de violences, vit sous le diktat des malfaiteurs. C’est une ville sans loi où seule celle des bandits règne.
Diaobé est connue. La commune, sise dans le département de Vélingara, région de Kolda (sud du Sénégal), traîne déjà une réputation de ville commerçante. Une fois par semaine, le mercredi, Diaobé qui est à une soixantaine de kilomètres de la Guinée-Bissau, est le lieu de rencontre, d’abord, de toutes les régions du Sénégal, mais aussi de tous les pays frontaliers. Sa position géographique stratégique en fait un véritable carrefour commercial où il y a des Gambiens, des Guinéens de Conakry, des Bissau-Guinéens, des Maliens et même des Burkinabè. Malgré ces potentialités, Diaobé, louée d’ordinaire pour sa stabilité, connaît, depuis le début de ce mois de mars, des émeutes d’une ampleur inédite. Le 6 mars dernier, lors des manifestations contre l’arrestation de Ousmane dans l’affaire de présumés viols contre Adji Sarr, les jeunes manifestants ont tout pillé sur leur passage. Ils ont, par la même occasion, réduit en cendres les locaux de la Brigade de gendarmerie, située à la sortie de la ville. Ils ont aussi incendié les locaux de la Douane, la mairie, le service des Eaux et Forêts et certaines institutions financières comme
La Poste et le Crédit mutuel…
Aujourd’hui, la ville a retrouvé son calme d’antan. Mais la casse de la Brigade de gendarmerie a installé la ville dans une insécurité ambiante. De nombreux commerçants craignent pour leur vie. Une situation assez préoccupante qui sévit dans cette localité qui abrite le plus grand marché hebdomadaire de la sous-région. Le saccage des locaux de la gendarmerie a installé la peur dans toute la ville. Qui devient une localité sans loi. C’est la psychose à Diaobé où les habitants sont dans le désarroi. Depuis quelques semaines, des bandes de malfaiteurs sèment la terreur dans la cité en y opérant des cambriolages spectaculaires. Les cibles : des commerçants établis dans la ville et qui ne savent plus où donner de la tête. «Les autorités doivent agir au plus vite. Les bandits sèment la terreur à Diaobé. En l’espace de trois jours, des malfrats lourdement armés ont visité 4 maisons. Entre vendredi, samedi et dimanche, ils ont emporté par devers eux un matelas, deux téléphones portables, une clé d’une voiture de marque italienne, une moto», témoigne une victime du nom de Mamadou Ndoye, un commerçant qui fait la navette entre Dakar et Diaobé et dont le véhicule est resté immobilisé depuis samedi, faute de clé emportée par les malfrats lors de leur descente. Trouvé devant sa boutique sur la RN7, ce grand commerçant, victime d’un cambriolage dans la nuit du lundi dernier, revient sur sa folle nuit. «J’étais couché à l’intérieur de ma boutique et 5 individus ont défoncé la porte pour accéder à l’intérieur. Sur place, ils m’ont demandé de l’argent, sous la menace de leurs armes blanches et armes à feu. Tenant à ma vie, je leur ai montré le coffre-fort et ils ont emporté tout ce qui était là-bas, 1,5 million de FCfa, avant de battre en retraite.»
Les chefs religieux parmi les cibles
Même les chefs religieux de la localité ne sont pas épargnés par les malfrats. Les domiciles de l’Imam Ismaïla Bâ et du marabout Abdoulaye Diop ont également été visités dans la nuit du samedi dernier par les bandits qui ont réussi à emporter respectivement une moto Jakarta toute neuve et des téléphones portables de marque. La clé de la voiture du marabout a été également emportée. Deux commerçantes, Fatoumata Diallo et Mayelle Diao, ont également subi les affres des malfrats. Ils leur ont pris de fortes sommes d’argent, une télévision et un téléphone portable. Selon des témoins des faits qui précisent que les bandits, dont deux étaient en moto au moment où les trois autres marchaient, ont emprunté la Route nationale N°7 vers la Guinée-Bissau. Un énième vol à main armée qui dénote de l’insécurité grandissante à Diaobé où les assaillants attendent souvent la tombée de la nuit pour agir. Au quartier de Diaobé 1 aussi, un boutiquier de 43 ans, père de famille de nationalité guinéenne, a été blessé à la tête et à l’avant-bras gauche à coups de couteau. «C’est dans la nuit du dimanche que 4 individus armés m’ont trouvé coucher dans la cour de ma maison en cette période de canicule. L’un d’eux m’a donné un violent coup à la tête. J’ai crié de toutes mes forces avant qu’un autre me donne un autre coup à l’avant-bras gauche. Ma femme qui a entendu mes cris, a aussitôt ouvert la porte et ils ont pris la fuite. Ils étaient au nombre de 4 encagoulés», narre la victime qui interpelle les autorités sur cette insécurité qui commence à prendre de l’ampleur.
Toutes ces agressions ont fini d’installer la peur auprès des populations. Elles ne dorment plus les poings fermés. Elles en appellent aux autorités administratives et locales à prendre en charge cette situation d’insécurité, afin qu’elles puissent vivre tranquillement, sans risque de se faire agresser. «Diaobé est dans l’insécurité totale après le saccage et le départ des gendarmes à Kounkané. Nous interpellons le maire et toutes les autorités de la zone à prendre des dispositifs nécessaires pour assurer la sécurité des habitants. Nos biens sont volés, nous sommes agressés et jusqu’à présent, rien n’a été fait pour nous venir en aide», fulmine le notable Mamadou Diao. La Brigade de gendarmerie, établie à Kounkané, met en œuvre tous les moyens pour sécuriser la zone. Elle a initié des patrouilles un peu partout, pour dissuader les agresseurs. Des recherches sont aussi effectuées pour mettre la main sur ces bandes de malfaiteurs. Pendant ce temps, les commerçants et habitants ont du mal à dormir.
MOUSSA DIAO, MAIRE DE DIAOBE : «L’insécurité est permanente et nous sommes en train de sensibiliser»
«Nous confirmons que l’insécurité est permanente dans la commune de Diaobé. Les interventions ne sont plus les mêmes, puisque les gendarmes sont à une dizaine de kilomètres de Diaobé, précisément à Kounkané. Les dégâts occasionnés au niveau de la Brigade de gendarmerie de la localité sont énormes. Les manifestants ont mis à sac toute la brigade. De même, tous les véhicules de la gendarmerie ont été également incendiés. Il faudra tout recommencer à zéro. C’est ce qui est en train d’être fait, d’ailleurs. J’ai mis le véhicule de la mairie à la disposition de la gendarmerie. Avec les autorités administratives (le sous-préfet et le préfet de Vélingara), nous sommes en train de trouver des voies et moyens pour parer à cette situation. Nous sommes en train de sensibiliser les populations. Il faudra que les populations collaborent avec les forces de sécurité.»