La crise politique perdure en Haïti. Son mandat contesté depuis le 7 février, le président Jovenel Moïse fait également face à une contestation citoyenne contre son projet de référendum constitutionnel. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans la capitale ce dimanche 28 mars pour exprimer leur opposition à ce qu’ils considèrent une volonté de réinstaurer la dictature.
Ils ont été des milliers à Port-au-Prince à répondre dimanche à l’appel lancé par des églises protestantes et des organisations de la société civile.
Face à la crise sécuritaire et dans le difficile contexte socio-économique que subissent les Haïtiens, Marie Sheila Martinet refuser d’entendre parler de changement de Constitution: « Dans un pays où Jovenel a perdu toute sa légitimité, où ce sont les gangs qui dirigent, où nous sommes dépourvus de tout : la santé, l’éducation, le logement. Est-ce qu’un président peut oser dire qu’il va faire un référendum ? »
Septuagénaire aveugle, Michel Péan tenait aussi à participer à cette manifestation. L’ancien secrétaire d’État aux personnes handicapées ne mâche pas ses mots contre le projet de référendum : « Je trouve que c’est une plaisanterie parce que le fond du problème haïtien n’est pas un problème de Constitution : depuis que les gens ont une velléité totalitaire, dictatoriale, ils font ce qu’ils veulent, qu’il y ait une Constitution ou pas. Donc cette affaire de référendum, c’est une plaisanterie. »
« Dans un pays sans pouvoir judiciaire, sans pouvoir législatif, où tout est réduit à un président qui gouverne par décret : cela suffit pour dire que nous sommes en situation de dictature », a ajouté l’ancien secrétaire d’État aux personnes handicapées.
Le non-respect des dispositions de la Constitution
Le pouvoir exécutif souhaite l’adoption d’une nouvelle Constitution par un vote qui serait organisé le 27 juin. Un tel projet attise les critiques jusque dans le camp du président Jovenel Moïse, car la procédure choisie ne semble pas respecter les dispositions de l’actuelle Constitution.
Rédigé en 1987, après la chute de la dictature des Duvalier, le texte actuellement en vigueur déclare que « toute consultation populaire tenant à modifier la Constitution par voie de référendum est formellement interdite ».
La communauté internationale pointée du doigt
Contre Jovenel Moïse, le défilé s’est aussi voulu contre la communauté internationale, contre ce que les manifestants considèrent comme une ingérence des États-Unis et de l’ONU.
Un très large nombre de personnes ont défilé drapeau haïtien en main, mais une poignée a aussi arboré le tricolore russe et appelle même Vladimir Poutine à l’aide. « Vive Poutine, à bas les Américains », a scandé un groupe de jeunes militants dont l’un agitait une pancarte où figurait en créole « Biden, démocratie ne veut pas dire ingérence ».
Constitué majoritairement de jeunes, mais avec une présence remarquée de personnes âgées, le cortège a sillonné sans violence les grands axes de la capitale dimanche.