(Agence Ecofin) – En 2014, la Somalie a introduit une plainte devant la CIJ à propos d’un différend portant sur la délimitation de la frontière maritime avec le Kenya. La zone, objet des tensions, est pétrolifère et gazière. Nairobi dénonce la partialité de la Cour et la forte ingérence de certaines puissances.
Après de nombreux reports, les plaidoiries dans le différend frontalier maritime qui oppose la Somalie au Kenya devaient se tenir du 15 au 19 mars 2021 devant la Cour internationale de Justice (CIJ). Mais à la grande surprise de tous, le pays d’Uhuru Kenyatta a décidé de se retirer des audiences, invoquant une iniquité procédurale.
« C’est une décision qui a été prise après une réflexion approfondie et une vaste consultation sur la meilleure façon de protéger la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République du Kenya », informe un communiqué du ministère des Affaires étrangères publié le jeudi 18 mars.
En effet, le Kenya s’offusque notamment du rejet de sa demande d’ajournement introduite auprès de la CIJ alors qu’il exigeait plus de temps pour travailler avec sa nouvelle équipe juridique internationale, difficilement mise en place en 2020 dans un contexte de crise sanitaire. Or, le tribunal des Nations unies a maintenu la date des audiences en optant cette fois pour une procédure en visioconférence. « Sans ces préparatifs nécessaires, le Kenya est d’avis que toute participation à l’audience ne sera rien de plus qu’un exercice superficiel, cosmétique et symbolique », explique la même source.
La nation est-africaine récuse également la composition des membres de la magistrature chargée de l’affaire, citant le cas du juge somalien Abdulqawi Yusuf, qui siège à la CIJ et qui a déjà représenté la Somalie à la troisième Conférence des Nations unies sur le droit de la mer.
En outre, le Kenya a informé la Cour que les intérêts commerciaux influents de tiers alimentent l’affaire, ce qui menace de déstabiliser la paix et la sécurité d’une région déjà fragile. « Des tiers influents ont l’intention d’utiliser l’instabilité en Somalie pour promouvoir des intérêts commerciaux prédateurs sans se soucier de la paix et de la sécurité dans la région », lit-on entre autres dans le communiqué qui souligne que « ce différend a mis en évidence une stratégie bien orchestrée consistant à opposer les pays les uns aux autres au mépris total de la situation sécuritaire précaire dans la région ».
La zone disputée…
Cet épineux différend, source de brouilles diplomatiques régulières, entre les deux pays voisins de l’Afrique de l’Est, porte sur une zone triangulaire de 100 000 kilomètres carrés au large de la frontière commune. Cet espace maritime est censé contenir d’importantes ressources, principalement du gaz et du pétrole, sans oublier un fort potentiel pour la pêche. Pour les autorités somaliennes, la frontière maritime devrait être le prolongement de la frontière terrestre et s’étirer vers le sud-est.
Le Kenya, de son côté, revendique une délimitation en ligne droite parallèle à la latitude. Le pays maintient sa position selon laquelle il existe une frontière maritime qui a été établie en 1979. « La frontière telle qu’établie a été respectée par les deux pays jusqu’en 2014, date à laquelle la Somalie a tenté de rejeter l’accord en traînant le Kenya devant la CIJ ».
La position des autorités kényanes reste ferme. Le pays soutient « que ce différend doit être retiré de la Cour et résolu par des négociations bilatérales ». Il pose d’ailleurs comme préalable que la Somalie normalise ses relations diplomatiques, unilatéralement rompues en décembre 2020.
Rappelons qu’en 2019, une médiation conduite de bout en bout par le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, avait abouti à l’engagement des chefs d’Etat kényan et somalien à « rétablir les relations avec l’ancien statut » et à « prendre des mesures diplomatiques pour renforcer la confiance entre les deux gouvernements ».
Romuald Ngueyap